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Est une prude encor dans le bel âge,
Et possédant honnêtement d'appas;
Elle passait pour être un peu revêche :
C'était tout simple, elle étai pigrièche.
Le tourtereau ne s'en alarme pas :
Il va la voir. La première visite

Fut un peu froide, ensuite on s'adoucit,
Puis on s'aima, bientôt on se le dit :
Plus tôt qu'une autre une prude est séduite.
La pigrièche adore son amant;
Aucun rival ne partage sa flamme,
Il règne seul. Mais la jalouse dame
De son époux fait bientôt le tourment,
Elle l'accuse, elle gronde sans cesse,
Le suit, l'épie, et, toujours en fureur,
A coups de bc lui marquant sa tendresse,
Elle le bat pour s'attacher son cœur :
Puis elle pleure, et veut qu'il rende hommage
Exactement à ses tendres appas,

Disant toujours qu'elle fait peu de cas

De ces plaisirs, mais qu'il faut en ménage,
Par ce moyen honnête autant que doux,
Tous les matins s'assurer son époux,
Et le forcer à n'être point volage.

Le tourtereau, lassé de l'esclavage,
Battu, plumé, maigre à faire pitié,
Saisit l'instant où sa chère moitié
A ses côtés dort la tête sous l'aile :
A petit bruit il se lève en tremblant,
Sort de son nid, et va toujours volant

En

Sans autre but què de s'éloigner d'elle.
peu de temps il fit bien du chemin;
Il voulait fuir jusqu'au bout de la terre.
Dans un désert s'abattant à la fin,
Il se cacha sous un roc solitaire.

Me voilà bien, dit-il, je n'en sors plus ;
Ici du moins la caille et l'alouette
N'approcheront jamais de ma retraite,
Je serai loin de la dame aux vertus;
Je vivrai seul, puisqu'il est impossible
De rencontrer une épouse sensible,
Douce, modeste, et dont on soit aimé
Sans compagnon, ou sans être assommé :
Je méritais une telle maîtresse ;
Jusqu'au tombeau j'aurais su la chérir :
Un tourtereau qui donne sa tendresse
Ne change plus, il aime mieux mourir ;
Mais il n'est point d'oiseau de mon espèce,
Vous vous trompez, lui répond doucement
Une gentille et blanche tourterelle;
Tout comme vous je suis tendre et fidèle.
Peut-être aussi mérité-je un amant :
Je n'en ai point, tenons-nous compagnie.

L'oiseau l'observe, et, la trouvant jolie,
Il s'en approche, il parle; on lui répond :
La tourterelle a son esprit, son ton,
Son humeur douce et sa grâce ingénue.
Ils étaient nés pour se plaire tous deux ;
La sympathie agit bientôt sur eux.
Déjà chacun sent dans son âme émue

Un feu secret; et, dès ce même jour,
Le tendre hymen vint couronner l'amour.
Cette union dura toute leur vie :
Toujours s'aimant avec la même ardeur,
Rien n'altéra leur paisible bonheur;
Et notre oiseau, près de sa bonne amie,
Convint enfin qu'on peut trouver un cœur.

LA POULE DE CAUX.

CONTE.

PLUSIEURS Français ont la triste manie
D'aller toujours rabaissant leur patrie,
Pour exalter les coutumes, les mœurs

D'autres pays qui ne sont

pas meilleurs. Je l'avoûrai, cette extrême injustice

Plus d'une fois excita mon courroux :

Non que mon cœur, par un autre caprice,

N'ait d'amitié, d'estime que pour nous.
Loin, loin de moi ces préjugés vulgaires,
Sources de haine et de divisions!

En tous pays tous les bons cœurs sont frères.
Mais, sans haïr les autres nations,

On peut aimer et respecter la sienne;
On peut penser qu'aux rives de la Seine
Il est autant de vertus et d'honneur,
D'esprit, de grâce, et même de bonheur,
Que sur les bords de la froide Tamise,

De l'Eridan, ou du Tage, ou du Rhin.
Vous le prouver, voilà mon entreprise.
Chemin faisant, si quelque trait malin
Vient par hasard égayer ma franchise,
Italien, Ibère, Anglais, Germain,
Que d'entre vous nul ne se formalise;
De vous fâcher je n'ai pas le dessein.

PRES Caudebec, dans l'antique Neustrie,
Pays connu dans tous nos tribunaux,
Certaine poule avec soin fut nourrie.
C'était l'honneur des volailles de Caux.
Imaginez un plumage d'ébène
Parsemé d'or, une huppe d'argent,
La crête double et d'un rouge éclatant,
L'œil vif, l'air fier, la démarche bautaine :
Voilà ma poule. Ajoutez-y pourtant'
Un cœur sensible et d'amitié capable,
De la douceur, surtout de la bonté,
Assez d'esprit pour savoir être aimable,
Et pas assez pour être insupportable.
Son seul défaut, c'était la vanité:

Las! sur ce point qui de nous n'est coupable?
Ma poule, à peine au printemps de ses jours,
Des coqs voisins tournait toutes les têtes :
Mais, dédaignant ces faciles conquêtes,
Elle voulait se soustraire aux amours.
C'est bien en vain qu'attroupés autour d'elle,
Les tendres coqs,
dans leurs désirs pressans,
Le cou gonfle, sur leurs pieds se haussans,

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Vont balayant la terre de leur aile :
Froide au milieu de ces nombreux amans,
Ma belle poule écoute leur prière
D'un air distrait, murmure un dur refus,
S'éloigne d'eux; et lorsqu'un téméraire
Ose la suivre, ou veut hasarder plus,
D'un coup de bec lui marquant sa colère,
Dans le respect elle le fait rentrer.
Ainsi jadis cette reine d'Ithaque,
Que sa sagesse a tant fait admirer,
Des poursuivans sut éviter l'attaque.

L'orgueil toujours nous conduit de travers;
Il n'est pas gai, de plus, et nous ennuie :
Des passions la plus triste en la vie
C'est de n'aimer que soi dans l'univers.
Bien l'éprouva notre Normande altière :
Elle tomba bientôt dans la langueur;
Elle sentit le vide de son coeur,
Et soupira. Mais, hélas! comment faire ?
Se corriger? se montrer moins sévère ?
Des jeunes coqs ce serait bien l'avis :
Mais que diraient les poules du pays?
On connaît trop leur caquet et leur haine.
Notre héroïne était donc fort en peine,
Lorsqu'un Anglais, qui toujours voyageait
Pour éviter l'ennui qui le suivait,
En reprenant le chemin d'Angleterre,
Vit notre poule et l'acheta fort cher,
Avec grand soin lui fit passer la mer,
Et l'établit dans sa nouvelle terre,

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