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Il dit, et baisse, en soupirant, les yeux.
Notre Normande écoutait en silence,
Et se sentait certaine répugnance
Pour ce monsieur si gras, si mielleux,

Pour son discours, surtout pour sa voix claire.
Elle retourne aussitôt en arrière

Sans lui répondre; et, voyant près de là
Une autre poule, elle l'interrogea :
Expliquez-moi, s'il vous plait, ma commère,

D'où peut venir ma prompte aversion
Pour ce poulet? - Hélas! d'une raison
Triste, cruelle, et pourtant à la mode
où l'on a pour méthode
De préférer une brillante voix

Dans ce pays,

A d'autres dons qui ne me touchent guères,
Mais qui pourtant deviennent nécessaires
Dans certains cas. On prétend qu'autrefois
Nos coqs étaient les plus beaux de la terre,
Vifs en amour, terribles à la guerre :

Tout change, hélas! ici nous l'éprouvons

Bien plus qu'ailleurs; nos coqs sont des chapons. Je vous plains fort, dit ma poule en colère :

J'ai parcouru déjà bien des pays;

On a pensé me battre en Angleterre,

Puis me rôtir aux rives de Cadix;
Mais vivre ici me paraît encor pis.

Disant ces mots, elle joint la voiture
D'un voyageur, et, je ne sais comment,
Grimpe dessus, puis la voilà courant,
Sans savoir où, pour sortir d'Italie.

Ce voyageur était un Allemand,
Qui la conduit bientôt en Germanie,
Dans son château de Kursberchtolfgaxen,
Près de la Drave, entre Inspruck et Brixen.
Ma poule à peine est dans cette contrée,
Que de cent coqs on la voit entourée.
Mais, avant tout, de ces nouveaux amans
Elle étudie un peu le caractère :

Et sur ce point tout doit la satisfaire.

Ces bons Germains sont doux, sensibles, francs,
Aimant l'honneur, et non les complimens,
Et préférant au grand art de paraître
L'art bien plus sûr et moins facile d'être.
A se fixer parmi ces bonnes gens
Voilà ma poule enfin déterminée.
Elle choisit le plus aimable époux,
Et lui déclare, en présence de tous,
Qu'ils vont serrer les doux nœuds d'hyménée.
Ah! quel bonheur ! lui répond tendrement
Le jeune coq; mais parlez franchement :
Vous savez bien que, dans cette journée,
Il faut d'abord, pour articles premiers
Que vous puissiez fournir seize quartiers.
Seize quartiers! dit la poule étonnée.

Oui, c'est le taux; rien de fait sans ce point. Expliquez-vous, je ne vous entends point: Quartiers de quoi? Mais vraiment, de noblesse : Nous la cherchons bien plus que la tendresse Dans nos hymens; et, sans cela, jamais Nous ne pourrions faire entrer nos poulets

Dans certains lieux nommés ménageries,
Où, bien à l'aise, et sans servir à rien,
De la patrie ils vont manger le bien;
Tandis qu'ailleurs nos poulettes nourries
S'en vont jouir d'un état respecté,
Qui leur permet pendant toute leur vie
Mêmes plaisirs et même oisiveté.

A ce discours, notre poule ébahie
Ouvre le bec, écoute, et réfléchit,
Puis tout à coup, sans se fâcher, lui dit :
Mon cher ami, je n'ai point de noblesse,
Et vos grands mots me sont peu familiers :
Mais je connais l'amour et la sagesse,
Et les préfère à vos seize quartiers.
Voilà ma dot, qui suffira, j'espère.
En attendant, je quitte cette terre,
Où je croyais trouver plus de bon gens.
Mais, je le vois, chacun a sa folie :
Et, sans juger les pays différens
Où j'ai passé, j'aime mieux ma patrie.
Après ces mots elle part brusquement,'
Pour retourner au bon pays normand.
Là, son projet était, dit-on, de faire
Un beau traité bien abstrait et bien long,
Surtout obscur, pour qu'il parût profond,
Comme on les fait, sur la cause première
Des lois, des mœurs, des droits des nations;
Semant partout force réflexions.

Un tel ouvrage aurait charmé sans doute;

Mais le renard mangea l'auteur en route.

CONTE.

Je me souviens qu'autrefois, quand j'aimais,
J'étais souvent trahi par ma maîtresse :
Lors furieux, j'abjurais ma tendresse,
Je renonçais à l'amour pour jamais.
Je me disais Quittons ce vain délire;
Qua ma raison reprenne son empire;
Soyons heureux et libre désormais;
Brisons, brisons une importune chaîne
Qui m'avilit, et me lasse et me gène;
Vivons pour nous, vivons pour les beaux-arts,

Et livrons-nous tout entier à l'étude.
Quand c'était dit, je portais mes regards
Autour de moi; tout était solitude,
Rien ne pouvait m'inspirer de désir,
Tout augmentait ma vague inquiétude :
Pour un cœur vide il n'est point de plaisir.
Bientôt quittant mes projets de sagesse,
Ayant besoin d'aimer ou de mourir,
Bien humblement aux pieds de ma maîtresse
Je revenais me faire encor trahir.

Tant de faiblesse est pour vous incroyable;
Vous en riez, vous semblez en douter :
Pour vous convaincre il faut vous raconter
D'un épagneul l'histoire véritable.

UN jeune chien, qui s'appelait Médor,
Bien reconnu pour chien de bonne race,

Marqué de feu, plein d'ardeur et d'audace,
D'un bon vieux garde était le seul trésor.
Tous les matins il le suit à la chasse ;
Au bois, en plaine, également savant,
Le nez en l'air, il va prendre le vent :
Tout à la fois il court, sent et regarde,
Quête toujours sous le fusil du garde;
Et, ramenant le gibier sous ses pas,
De plus d'un lièvre il cause le trépas.
Il va suivant la caille fugitive,
Ou le faisan, ou la perdrix craintive
Qui trotte et fuit à travers le guéret;
Médor l'atteint, et demeure en arrêt:
La patte en l'air et l'oreille dressée,
L'œil sur sa proie, immobile, il attend
Que la perdrix, par le chasseur poussée,
Parte, s'élève, et retombe à l'instant :
Sur elle alors il court avec vitesse,
Sans la meurtrir entre ses dents la presse,
Et la rapporte à son maître en sautant.

Tant de talens rendent Médor utile :
Mais de vertus ils sont accompagnés ;
Médor, aimable autant qu'il est habile,
Possède un cœur qui vaut mieux que son nez:
Il est soumis, doux, caressant, docile,
Surtout fidèle. Hélas! au cœur du chien
Cette vertu choisit son domicile;

Au cœur de l'homme elle n'a plus d'asile,
J'en suis fâché, car nous y perdons bien.
Non-seulement Médor aime son maître,

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