vouer à une pareille imitation! Sans doute, M. G. Batault écrivait ce lignes au moment de la grande crise du printemps de 1918. Lan tion de la puissance infrangible de l'organisation allemande pesai sur sa pensée. Il n'était pas seul à ce moment à ne pas croire à victoire finale, par la seule vertu de notre génie national, le jour o celui-ci, longtemps comprimé par une imitation servile des procéde de l'ennemi retrouverait sa liberté d'action. N'avons-nous pas v après 1870 le même phénomène se produire et le prestige des vi toires allemandes peser longtemps et lourdement sur la pensée frarçaise ? Pour les uns, c'était le maître d'école allemand qui avait é l'instrument de la victoire; pour d'autres, comme le général Kessler. l'Allemagne devait ses succès à la direction supérieure de ses princes et au dévouement dynastique de tout le corps d'officiers. D'os une suggestion bien naturelle en faveur d'une restauration menarchique dans notre pays. Mais voilà une affirmation qu'il serai: imprudent d'avancer pour la clique des princes de parade de la der nière guerre, auxquels n'a pas manqué cependant l'engouement da tous les porteurs d'épée de leur suite. Pour d'autres, enfin, c'était l stratégie impeccable de M. de Moltke qui avait été la clef de tous le succès. Nul parmi ces analystes à la loupe des causes et de leurs effets ne songeait à admettre que la raison véritable des victoires allemandes était due à ce que la majorité de nos généraux, après avoir été très brillants, étaient alors réduits à l'état de ganaches. Longtemps notre armée a été hypnotisée par tout ce qui se faisait dans l'armé allemande ; à mesure qu'elle a été à même de mieux connaître le événements et les véritables causes qui les avaient déterminés, ell s'est affranchie de cette sujétion pour revenir à ses qualités pr mières. Dans sa préface, écrite après l'armistice, M. G. Batault nous aver tit cependant que si décevantes qu'elles soient, il croit devoir mainte nir ses conclusions. Sans doute, il est pénible pour un écrivain & voir, au moment de conclure son œuvre, les événements ruiner sat échafaudage. Sa thèse laborieusement élaborée lui est devenu chère; il ne peut se résoudre à l'abandonner. Cependant, autant use telle thèse eût paru acceptable, si elle nous avait été présentée il y un an, autant, à l'heure actuelle, elle prend une allure paradoxak et anachronique. En réalité nous nous trouvons aujourd'hui au sen{ d'une ère nouvelle. Certaines constructions du passé gisent à l'e de ruines. Il n'est plus permis de conclure au sujet de l'avenir: échafaudant son système sur des institutions qui viennent de disp raftre. Ayons donc plus de confiance. N'abandonnons pas les qual tés de notre race et ne renonçons pas gratuitement aux douceurs & la liberté de vivre et de penser, dont nous avons joui jusqu'ici. Vrament, je crois que personne ne pense plus aujourd'hui à aller che cher ses modèles dans l'Allemagne qui vient de disparaître. Il se peut que celle-ci renaisse de ses cendres, avant qu'il ne soit longemps, mais c'est affaire à nous, désormais, de nous opposer à cette enaissance et à en étouffer le germe dans l'œuf. Il n'est pas possible He douter de la sincérité de paroles telles que vient de prononcer, chez nos ennemis, le président Muller : Le monde, a-t-il déclaré, doit se convaincre que la perte de deux millions de morts, que nous a coûtés la guerre, fortifie en nous la conviction que es difficultés entre les peuples ne peuvent plus être débattues par le sang et le plomb. Aussi longtemps qu'il y aura des hommes qui se souviendront de cette guerre, il n'y aura aucun homme d'Etat, dans un pays ayant participé à la guerre qui réussira à pousser de nouveau son peuple dans la lutte. Cette sincérité, en effet, a sa source dans les faits mêmes. Il ne s'agit plus d'idéologie. Il s'agit du fardeau terrible de deux millions de morts. Que reste-t-il, en présence de tels faits, des variations ingénieuses de M. G. Batault sur « le radicalisme démocratique et l'égalitarisme social outranciers, avec leur cortège nécessaire de guerres tumultuaires » ? Pour terminer, que M. G. Batault me permette de citer encore les quelques réflexions qui suivent; elles me paraissent pleines de sagesse et de bon sens; il semble même qu'elles aient été écrites spécialement pour lui: J'ai peur que de votre longue et terrible lutte contre le monstre germaaique il ne vous soit resté quelque admiration secrète pour sa structure. La difficulté même que vous avez éprouvée à le réduire a pu faire naître chez plus d'un le respect inconscient de sa force et de son dressage. Je conscate avec inquiétude qu'on ne rit plus aussi fort de la lourdeur allemande, de l'organisation allemande, de la minutie allemande. Prenez garde que ce serait montrer une mentalité de peuple battu que de se mettre à leur école. Les Français seraient victorieux, mais la France resterait subjugée par la kultur. J'estime que vous vous seriez sacrifiés en vain si la gangrène de 'autorité vous gagnait par contagion, si à l'Etat raison d'être des citoyens ous cessiez d'opposer l'Etat serviteur de leurs intérêts. L'idéal du maximum de rendement, de la surproduction et de l'automatisme est peut-être scientifique il n'est pas humain... Gardez donc votre légèreté, votre amour de la mesure. Imposez au monde le désintéressement de votre activité, la modération de vos désirs, le rythme nonchalant de votre vie. Achevez votre conquête par l'amollissement et par la corruption des barbares, puisqu'on nomme ainsi les bienfaits de la raison et de la philosophie. Ces lignes sont la conclusion d'un petit livre de M. F. Chaine : Les Confidences de Ferdinand, rat de tranchée. Sans doute, ce De sont que les conseils d'un rat des champs; mais ce rat a beau coup voyagé, beaucoup vu, beaucoup appris, ailleurs que dans les livres. JEAN NOREL. ÉSOTÉRISME ET SCIENCES PSYCHIQUES Paul Vulliaud La pensée ésotérique de Léonard de Vinci, Bernard Grasset. Dr Gustave Geley: De l'Inconscient au__Conscient, Alcan. — René Schwaller Hermès dévoilé. Fernand Pignatet: Théâtre ésotérique: Rhodopio, Chacornst La Pensée ésotérique de Léonard de Vinci est l'avre remarquable de notre ami Paul Vulliaud, ancien directeur des Entretiens Idéalistes qui, depuis le début de la guerre, ne psraissent plus. Voici comment il s'exprime au commencement de son livre : La théologie des peintres enseigne que les mystères des chrétiens étaient la réalité des mystères des Gentils. Les artistes se révèlent Initiés. A ce titre les « Nativités » se constituent en « séance d'Initiation >. Harpocrate est le dieu du silence; il est aussi le Dieu soleil... Plutarque le désigne comme le symbole de la révélation. Le symbole est le langage que les hommes doivent tenir des dieux. Accepter la réalité d'un sens intérieur, continue-t-il, d'un ésotérisme. chez ces grands hommes qui ont laissé d'aussi précieux témoignages de leur foi attendrie, close dans les emblèmes conservés par la tradition... L'artiste se plaisait : Dans la société des mystiques, des illuminés, des astrologues, des alchimistes, des charlatans de toute sorte. Porphyre nous enseigne que la grotte du mystère est un symbole cosmogonique, c'est l'œuf primordial d'où est sortie la substance androgyne L'antre est le symbole du monde sensible et de toutes les énergies cachées parce que les antres sont obscurs et l'essence de ces énergies est myste rieuse. Par un effet de l'action divine le « monde matériel sortait de l'erveloppe du chaos; le chaos était figuré par l'œuf, qui était consacré dans les mystères de Bacchus comme le type ou l'image de ce qui produit e contient tout. » Certaines de ces cavernes mystériales étaient peintes en rouge, celles d'Alexandrie entre autres. Faut-il voir dans cette singularité le motif pour lequel Léonard a coloré son dessin en rouge, alors que saint Jean le Pré curseur, annonciateur du divin Orient du Soleil de justice, est teinté es jaune brillant? Je rappelle que la Renaissance avait une symbolique de couleurs. Est-ce parce que dans les cérémonies bacchiques on portait l'altribut de Dieu peint en rouge ? Dans le symbolisme de l'antiquité × rouge représentait la plénitude et la puissance de la vie. Plus loin, il dit : On présentait aux Initiables les dogmes sacrés sous des emblèmes nate rels,sous des figures agraires, sous des fables astronomiques. Les initiateur ethniques fondent tous l'institution du mariage, enseignent l'agriculture, parabolisent en langage solaire le thème des doctrines traditionnelles; l'Initiation fait écho à lacosmogonie. Moïse lui-même développe une cosmogonie qui est une formule d'Initiation. Le savant de Fourmont présente justement Bacchus et Cérès comme les auteurs du dogme de la métempsychose; or, la métempsychose est en langue vulgaire ce que la palingénésie est en langage ésotérique. Léonard de Vinci a formellement eu la pensée que je lui prête de représenter le Bacchus mystique, c'est-à-dire la figure messianique de la Grèce, en parallèle avec l'annonciateur du Messie chrétien... La Renaissance se plaisait à l'expression symbolique. Ainsi Titien avait pris le symbole de l'ours parce qu'il voulait indiquer qu'en certaines choses l'art valait mieux que la nature. Vulliaud, continuant son développement, s'exprime ainsi : L'ancolie, étant une «< fleur de sexe androgyne », est le symbole de l'union dans le plan humain comme dans le plan divin, selon les principes de la science symbolique. Le symbolisme est la langue de toutes les mystagogies; il est une langue universelle. Léonard, mystagogue de l'Idéal, célèbre le divin office de la religion de la Beauté, «< forme accessible de la substance de Dieu »>, au moyen des Rites initiatiques, rythmes, fleurs et lumière, oiseaux et fleurs, tels sont les organes de sa pensée. Enfin : La gloire de cet homme prodigieux est auparavant d'être l'auteur de ce tableau incomparable, le Saint-Jean, et de ce portrait que son génie a élevé au rang du symbole : la Joconde. La progression spiritualiste résumant tout le traité de l'Esthétique de la Renaissance : dans le corps, l'âme ; dans l'âme, l'esprit ; dans l'esprit le Verbe, et Dieu dans le Verbe. C'est par ces paroles profondes que se termine l'ouvrage court, mais admirable, de Paul Vulliaud. Le but de M. le Dr Gustave Geley « est de comprendre dans une synthèse plus complète et plus vaste l'évolution collective et l'évolution individuelle. Sa réalisation s'inspire du même procédé : exprimer les idées avec le plus de simplicité, le plus de clarté et le plus de conscience qu'il soit possible, éviter les longueurs ou les développements écarter surtout les digressions faciles, à caractère imaginatif ou poétique J'ai voulu faire, dit l'auteur, œuvre de synthèse et cette synthèse doit être considérée en elle-même, en dehors et au-dessus de détails négligés ou volontaires omis. Je conclus, au point de vue philosophique, que, dans un ordre de faits donnés seule importe la compréhension des faits les plus élevés. Le critérium critique nous permettra de considérer comme fausse et de rejeter, sans plus ample examen, toute explication ou hypothèse qui, dans un ordre de faits connexes, ne s'adapte qu'à une partie de ces faits et non à tous les faits, spécialement aux plus complexes. Le critérium nous imposera, dans un ordre de faits connexes, l'étude systématique et immédiate des faits les plus élevés et les plus complexès. Le docteur Gustave, Geley nous déclare que les difficultés capitales du transformisme sont au nombre de cinq. En voici l'énumération : 10 Les facteurs classiques sont impuissants à faire comprendre l'ori gine même des espèces; 20 Les facteurs classiques sont impuissants à faire comprendre l'ori gine des instincts; 30 Les facteurs classiques sont incapables d'expliquer les transformations brusques créatrices de nouvelles espèces; 40 Les facteurs classiques sont incapables d'expliquer la cristallisa tion immédiate et définitive des caractères essentiels des nouvelles espèces ou des nouveaux instincts; le fait que ces caractères, dans leurs grandes lignes, sont acquis très rapidement et, une fois acquis, restent immuables; 50 Les facteurs classiques sont impuissants à résoudre la difficulté générale d'ordre philosophique relative à l'évolution qui, du simple, fait sortir le complexe et, du moins, fait sortir le plus. Tout se passe en biologie comme si l'être physique était essentiellement constitué par une substance primordiale unique, dont les formations ne sont que de simples représentations. La présence dans l'être de facultés puissantes et étendues, mais subconscientes, jouant dans le psychisme individuel le rôle principal bien que cryptoïde, conditionne ce psychisme individuel. Il y a, dans l'Etre vivant, un dynamo-psychisme qui constitue l'essentiel du moi, et qui ne peut absolument pas se ramener au fonctionnement des centres nerveux. Ce dynamo psychisme essentiel n'est pas conditionné par l'organisme; bien au contraire, tout se passe comme si l'organisme et le fonctionnement cérébral étaient conditionnés par lui. Ce qu'il y a d'essentiel dans l'individualité c'est un dynamo-psychisme unique, primitivement inconscient, mais ayant en lui toutes les potentialités. Le dynamisme psychique essentiel et créateur passe, par l'évolution, de l'inconscient au conscient. Le Dr Gustave Geley croit à la « réalisation de la souveraine cons cience» et à celle « de la souveraine justice ». Ce qu'il y a «< d'essentiel » dans l'univers est indestructible et éternel; permanent à travers les apparences transitoires des choses. Ce qu'il y a d'essentiel dans l'univers passe, par l'évolution, de l'incons cient au conscient. La conscience individuelle fait partie intégrante de ce qu'il y a d'essentiel dans l'univers et évolue, indestructible et éternelle elle-même, de l'inconscient au conscient. Voilà des paroles que j'approuve complètement. Je crois à une série de vies successives. Si l'on se conduit bien et que l'on tende constamment à se perfectionner, chaque vie nouvelle est un progrès sur la précédente et l'on y vit dans des conditions bien meilleures que celles que l'on a abandonnées et qui ne sont plus, pour nous, |