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devoir? Si, semblables à la balle lancée par la raquette, au nuage balloté par le vent, nos déterminations sont toujours effets et ne sont jamais causes', nous retrouvons, sous une autre forme, le résultat du scepticisme. -Le scepticisme disait : « Nulle action « n'est meilleure qu'une autre. » Le fatalisme dira: « Nulle action n'est pire qu'une autre. » Il rendra, s'il le faut, Dieu coupable, pour justifier les hommes.

138. C'est ainsi que les diverses subdivisions du fatalisme arrivent toutes à la même conséquence que le scepticisme, savoir: Agissons au hasard, ou plutôt n'agissons pas! endormons-nous d'un profond sommeil 2!

Voir cependant dans Reybaud, Études sur les réformateurs contemporains, le système inconséquent d'Owen. Il essaie de concilier l'irresponsabilité de l'agent avec l'existence de la distinction du bien et du mal. 2. Si agir n'est que se fatiguer, pourquoi agir? »

(Simon, Le Devoir, partie III.)

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139. Le sens intime répond en affirmant la liberté comme un fait de connaissance perçu immédiatement. Il laisse instinctivement convaincu de cette liberté le sophiste lui-même, au moment où il vient de prêcher contre elle. Un quart d'heure peut-il se passer sans qu'il ait renié vingt fois son paradoxe ? Qu'un sifflet éclate à la fin de son discours, il criera à l'injustice, à l'envie!... Contradiction! à qui s'en prend-il? A une machine innocente.

140. Que lui-même honore son existence par quelque acte d'héroïsme! Il en sera fier. Qu'il commette un fait blåmable... Pauvre raisonneur! Il se repentira. Comme OEdipe, il s'arrachera les yeux; comme Oreste,

il prendra ses remords pour les Furies. Car l'esprit qui se dégrade, se retrouvant toujours lui-même, « dans l'abîme ténébreux où il s'enfonce, emporte << avec lui son inexorable nature 1. >>

141. Estime ou mépris, haine ou sympathie, remords ou contentement de soi-même, punition ou récompense, mots vides de sens pour le fataliste! Or trouvez un homme qui, toute sa vie, les retranche de sa langue! « Que signifient la demande, la prière, le « conseil, l'exhortation, la promesse, la convention, <«< si ceux à qui nous nous adressons ne sont pas libres «< d'accorder ou de refuser, de suivre ou de ne pas << suivre nos avis, de tenir leur promesse2?» Et le mot consentement? et les mots erreur, violence, employés par les jurisconsultes pour indiquer les vices du consentement? que deviennent-ils sans la supposition de la liberté?

142. Tous les peuples ont fait des lois pour punir les méchants, récompenser les bons. Tous ont cru à l'imputabilité des actions des bons ou des méchants. Qu'importe que, dans le dénombrement de ses dieux, la Grèce païenne classât le Destin? Le Destin s'inclinait devant le tribunal de Minos, d'Eaque et de Rhadamante, peuplant par leurs arrêts les enfers et les champs Elysées. Qu'importe que quelques versets du Coran prêchent le fatalisme? Le musulman s'en souvient-il quand il jette dans le Bosphore l'épouse infidèle, ou quand il se bat bravement, per

Lamennais, Discussions critiques.

→2 Bénard, Précis de philosophie (Psychologie, chap. vii).

suadé que la valeur du soldat est pour quelque chose dans le gain de la bataille'?

2

143. Et que dirons-nous du sentiment religieux? Il démontre invinciblement la liberté. M. Jules Simon dit éloquemment : « Je ne puis pas prier, si je ne << suis pas libre. Les temples, sans la liberté, sont «‹ un solennel mensonge où nous promettons à Dieu «< de lui donner une obéissance qui ne dépend pas de

<< nous. >>

144. Le même auteur fait justice de l'argument du fatalisme qui présente le choix prétendu du libre arbitre comme la victoire du motif le plus fort de détermination. Soutenir cette hypothèse, c'est conclure de la nature fatale de la cause dans l'ordre physique, à la nature fatale de la cause dans l'ordre moral. Or qu'est-ce que cela, sinon faire un cercle vicieux en supposant l'identité des lois physiques et des lois morales, ce qui est précisément en question? D'ailleurs si-la consommation d'un acte démontre qu'il n'a pas été libre, il faut, pour être conséquent, nier la liberté de Dieu même, et dire qu'il a cédé au motif le plus fort en tirant la création ex nihilo. Qui osera argumenter ainsi? — Enfin on répond encore victorieusement en montrant, dans le sens intime, la conviction du pouvoir que nous avons de choisir entre deux motifs qui paraissent égaux en puissance, de nous décider

1 En niant la liberté, on a, il est vrai, l'avantage d'absoudre les tyrans; ⚫ mais on dégrade les héros. Ils ont donc combattu et ils sont morts pour une chimère! » (COUSIN, Le Vrai, le beau, le bien, 2o leçon.)

2 Le Devoir, partie I.

contre les motifs les plus puissants, de préférer le parti de l'absurdité, du crime, du suicide même 1.

145. A l'objection qu'on tire de la toute-puissance de Dieu en disant : Cette toute-puissance existeraitelle si notre liberté pouvait lui résister?... nous répondons comme nous avons répondu aux panthéistes, savoir: L'homme a l'idée nécessaire de Dieu, mais non la compréhension de sa nature. Que la raison s'humilie devant ce qui la dépasse! Non immittat cornua ad ventilandum, sed submittat caput ad venerandum 2. C'est folie à elle de construire sur la substance de Dieu des hypothèses, pour le seul plaisir de contredire le fait de sens intime appelé la liberté.

146. A l'objection qui se formule ainsi : La prescience de Dieu existerait-elle si notre liberté pouvait la démentir?... même réponse. Incompréhensibilité de la prescience de Dieu..... inutilité de faire des hypothèses. Au surplus, veut-on en faire? On en trouvera qui s'accorderont avec la liberté. Il suffira de changer le mot prescience de Dieu en un autre mot, omniprésence de Dieu. La notion du temps contient la divisibilité, donc ne convient qu'aux êtres finis. Dieu, a-t-on dit, voit et ne prévoit pas. Dieu, « actualitas omnium rerum3 » n'a pas d'histoire. Il n'a pas été so

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« Je cède toujours au motif le plus fort? Je le crois bien, puisque ⚫ vous appelez le plus fort celui vers lequel j'incline. Nous tournons là dans « un cercle vicieux. Je cède à ce motif parce qu'il est le plus fort? Et « si je prétends, moi, qu'il est le plus fort parce que j'y cède?» (Ou plutôt parce que ma volonté l'a rendu plus puissant?)

(CHARMA, Essai sur les bases de la moralité, chap. 1, § 3, pag. 126.) 2 Saint Anselme (Notice biographique sur saint Anselme, par M. Charma, pag. 126).

* Saint Thomas d'Aquin.

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