Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

II. — COMBINAISON DE L'IDÉE DE L'ÊTRE ET DE SON but, avec l'idée DE LA PLURALITÉ DES ÊTRES.

« Laloi.... naturelle a une bonté naturelle, c'est-à-dire a une vertu propre et interne de procurer l'avantage « du genre humain. »

(PUFFENDORFF, Droit de la nature et des gens, liv. I, chap. VI, § 18.)

200. Pluralité des êtres, tendant à leur conservation et à leur
perfectionnement, c'est-à-dire à leur bonheur.

200. A côté de l'idée nécessaire d'être et de but, se place l'idée de pluralité. En même temps que chacun de nous se met à la recherche de son but, il voit d'autres existences, dont il a reconnu la juxta-position, rechercher aussi leur but. S'il est convaincu que sa destination est de tendre à son souverain bien, il est nécessairement convaincu de même que la destination des autres est de tendre à leur souverain bien. -Fichte a dit avec raison: « L'homme ne peut << se concevoir comme un être raisonnable qu'autant qu'il s'attribue une causalité libre. Il ne peut s'at<< tribuer cette causalité qu'autant qu'il l'attribue à «< d'autres êtres, dont un certain nombre lui appa« raissent doués de raison ainsi que lui. Dès lors il « faut qu'il se reconnaisse, avec ces derniers, dans « un certain rapport, rapport de droit en vertu du«< quel il limite sa propre liberté par celle d'autrui. »

2 Fichte, cité par Tennemann (Manuel de l'histoire de la philosophie, $ 396).

[ocr errors]

III. MOYEN POUR TOUS LES ÊTRES D'ARRIVER A LEUR BUT. CONCOURS RÉCIPROQUE DE CHAcun d'eux cherCHANT SON BUT, avec les autrES CHERCHANT

[blocks in formation]

201. Celui qui croit voir son but en songeant à lui seul, par cela même ne le voit pas. Il faut que l'idée de but, pour être bien comprise, apparaisse considérée dans la création entière. L'ensemble ne peut fonctionner que si les parties s'harmonisent. La pluralité cesserait d'être, si chaque unité qui la compose tendait à absorber les autres à son profit. Le but de chacun ne peut être qu'une portion du but de tous.

Ainsi, à l'inverse de la sensibilité qui pousse au développement exagéré de l'individualité, l'intelligence proclame la restriction de l'individualité au profit de la généralité. La direction de la liberté se révèle à elle sous la forme d'un partage des lots de plaisir dont les hommes doivent se contenter, et des lots de douleur qu'ils doivent accepter, en s'imposant,

[ocr errors]

dans leur intérêt mutuel, certaines abstentions, certaines actions, et l'habitude de certaines pensées.

En résumé, rechercher le bien de tous au moyen de sacrifices réciproques, voilà le premier principe du devoir c'est ainsi qu'il résulte, idée nécessaire luimême, de la combinaison des idées nécessaires.Nous formulons ainsi cette révélation de la conscience morale Assistance due pAR TOUT ÊTRE A TOUT ÊTRE.

-

202. L'assistance se produit de deux manières. Les services se divisent en services négatifs et services positifs. Les services négatifs résultent de l'abstention. Ils consistent à ne pas faire quelque chose qui diminuerait le bonheur d'un être, par exemple à ne pas frapper son corps, attaquer son honneur, troubler ses affections. Les services positifs résultent de l'action. Ils consistent à faire quelque chose qui donne du bonheur à un être, par exemple à lui fournir les aliments, les consolations, l'instruction qui lui manquent.

[ocr errors]

203. Les préjudices se divisent de même en préjudices négatifs et préjudices positifs 2, selon qu'ils consistent à s'abstenir d'un fait qui augmenterait le bonheur d'un être, ou à commettre un fait qui diminue le bonheur d'un être.

204. Une semblable distinction s'applique aux devoirs. - Le devoir de rendre des services positifs prend le nom de devoir positif. Le devoir de rendre des services négatifs prend le nom de devoir négatif. — Des philosophes ont donné au premier le nom de de

1 On dit aussi, en empruntant des expressions latines: Services in omittendo, services in committendo.

2 Ou préjudices in omittendo, et préjudices in committendo.

voir d'amour, au second le nom de devoir de respect.

205. L'idéal du bien moral comprend l'accomplissement de ces deux devoirs. Se borner à ne pas nuire, c'est peu. Il faut être utile. Bacon veut qu'on préfère la vie active à la vie contemplative1. « S'enfer«<mer contre les autres dans une sorte de neutralité <«< armée, c'est sortir du concert de l'univers et con<< damner au néant des facultés qui nous ont été don« nées pour aimer, pour penser, pour agir....... Tant de « trésors d'amour, d'intelligence et de force ne nous <«< ont été remis qu'à condition d'en faire jouir l'hu«manité. Nous n'en sommes que les dépositaires..... « La Providence n'avait-elle pas un but en envoyant « à la terre un Christophe Colomb, un Galilée, un <«<< Descartes, un Newton? S'ils étaient morts sans << avoir employé leur génie, la Providence les aurait« elle absous? Auraient-ils pu lui dire, en paraissant <<< devant elle: Je suis innocent, car je n'ai nui à per« sonne2? » ..... « Un homme, sous mes yeux, séduit <«< une jeune femme je pourrais avertir la victime, << lui ouvrir les yeux, la sauver, et je me tais! On pro<«<< nonce devant moi une calomnie: je connais la vérité, « je m'abstiens de la dire. Suis-je sans reproche?» Non certes! Celui qui s'écrie: Suis-je chargé de mon

De augm. scient., lib. VII, cap. 1.

2 Jules Simon, Le Devoir.

3 Id., ibid.

Ne pas déployer tout l'usage de ses facultés dans l'exercice de la loi ■ naturelle, c'est la violer. Tout ce que l'on pouvait faire mieux, on l'a mal fait. Sorte de péché qui n'est pas assez connu, et qui par là même mérite << d'autant plus d'attention! >>

(Principes du droit naturel, extraits de Wolff par Formet, liv. I, chap. 11, no 4.)

frère? celui-là n'est pas l'homme de bien; il est Caïn. « Quantulum est ei non nocere, cui debeas pro« desse1!» Il faut, suivant le langage de l'Écriture, savoir être au besoin l'œil de l'aveugle et le pied du boiteux. « Quisquis est sapiens amat omnes omnis sapiens omnibus prodesse conatur.» « Le devoir à

l'égard d'autrui, c'est l'assiduité à l'aide, au sup<«<< port. Aide au bien être, au bien faire, au bien vou<«<loir, au bien souhaiter; aide par le concours et par «< la résistance, par le don et par le refus, par la ri<«<< gueur et la condescendance, par la louange et le « blâme, par le silence et la parole, par la peine et <<< par le plaisir.»

Loin de nous la langueur de l'Orient et son étrange adage: << Il vaut mieux être assis que debout, être cou<«< ché qu'assis, dormir que de veiller; et la mort est pré<< férable à tout. »--Écoutons plutôt ces conseils énergiques d'Isaïe: «Discite benefacere! quærite judicium! « subvenite oppresso! judicate pupillo! defendite vi« duam!» et ces imprécations d'Ezéchiel : « Quod infirmum fuit non consolidastis! quod ægrotum, non

1 Senec.

2 Job, chap. XXIX, § 11, vers. 15.

Leibnitz, Definitiones ethicæ.

« Il faut faire du bien lorsqu'on le peut, et faire plaisir à toute heure, car à toute heure on le peut. » (JOUBERT, Pensées.)

4 Joubert, Pensées.- Comp. Cicer. (De offic.): « Communes utilitates in << medium afferre, mutatione officiorum, dando, accipiendo, tum artibus, « tum opera, tum facultatibus. >>

[ocr errors]

Jouis des bienfaits de la Providence, voilà la sagesse. Fais-en jouir les autres, voilà la vertu. »

(Proverbe persan; V. Ferdinand Denis, Le Brahme voyageur.)

5 Chap. I, § 2, vers. 17.

« VorigeDoorgaan »