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a sanastis! quod confractum est, non alligastis! » M. Jules Simon 2 résume tout cela en deux mots : « Si nous pouvons faire le bien, nous y sommes << tenus. Nous n'avons pas plus le droit de nous rendre inutiles que de nous détruire. >>

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206. On reste dans le faux, au moins en partie, si l'on présente le devoir d'action comme moins impérieux que le devoir d'abstention. Tous deux se placent sur la même ligne. M. Rossi, en établissant entre eux un ordre successif, a fait une imprudente concession à l'égoïsme 3.

A plus forte raison est-on dans le faux, quand on borne les devoirs positifs envers autrui à la prestation de ce qu'on appelle innoxia utilitas, c'est-à-dire à la prestation des services qu'on peut rendre sans se faire le moindre tort à soi-même. Bienfaisance dérisoire, qui nous engagerait seulement à donner ce qui ne nous coûte rien!.... à enseigner au passant le bon chemin, à laisser notre voisin allumer du feu à notre feu !....

207. Nous reviendrons, en traitant de la science du devoir, sur l'étendue qu'il faut donner, dans l'application, au grand principe assistance due par tout être à tout être. En ce moment constatons seulement

1 Chap. XXXIV, § 1, vers. 4.

Aj. cet autre verset de l'Écriture: Hospes eram et non collegistis me; « nudus et non cooperuistis me, infirmus in carcere et non visitastis me!. 2 Le Devoir.

* Nous faisons allusion à ce passage du Traité du droit pénal : « Ne pas se nuire dans la poursuite du vrai et du bien, ni dans celle de l'agréable et ⚫ du bien-être, tel est le premier devoir des hommes entre eux. S'aider « dans l'une et dans l'autre, tel est le second devoir. »

4 • Quis vetet adposito lumen de lumine sumi? »
Voy. Wolff, analysé par Formet (liv. VI, chap. iv, no 68).

(OVID.)

l'existence absolue, au fond de toutes les consciences, de ce grand principe qui, pour parler comme Senèque, « nos omnes omnibus miscet, et judicat aliquod esse « commune jus generis humani. » C'est mentir à soimême que de prétendre qu'il puisse y avoir un seul être (ou plutôt un «monstre moral, aliquis natus è sco« pulo, » comme disent Borgesius' et Warnkoenig 2), capable de dire sérieusement: En cherchant ma conservation, mon perfectionnement, mon bonheur, je n'ai NUL COMPTE à tenir de la conservation, du perfectionnement, du bonheur d'autrui. << Point d'homme complètement immoral 3. »

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208. Nous avons le premier principe du devoir. Or, étant donné le premier principe d'une science, on a la science tout entière. L'enchaînement des déductions n'est plus qu'une œuvre d'attention et de patience.

Ainsi, la science du devoir a sa base indestructible dans une vérité de sens intime, dans la conscience, suivant l'expression généralement adoptée. Ce point est pour nous hors de discussion. Toutefois, nous le reprendrons dans l'épilogue de notre troisième partie.

1 Enodatio juris naturæ, cap. I, no 5.

2 Doctrina juris philosophica, cap. 1, § 12.

3 Ahrens, Cours de droit naturel (partie spéciale, 1re division, chap. 1, § 1). 4 Un auteur, Hertius, Commentatio de jurisprudentia universali (ratio 1), cité par Daries dans ses Institutiones jurisprudentiæ universalis, accumule ainsi les métaphores, pour montrer la liaison de toutes les applications du devoir avec cette loi fondamentale : << In jurisprudentia universali sunt vera « juris fundamenta, quibus universum juris cujuscumque fastigium inni«titur. In illa sunt fontes e quibus, veluti per canales atque rivulos, jus « educitur. In illa sunt semina quæ, procedente proficienteque judicio « usuque, in ramos postea quam latissime se diffundunt atque explicant. Sunt in illa scintillæ, quibus mens ubique collustratur. Sunt in illa claves, quibus adyta juris reserantur. Sunt denique in illa cynosuræ in vastissimo juris oceano navigantibus propositæ.

TITRE II.

PREMIER PRINCIPE DE SANCTION DU DEVOIR, IDENTIQUE AU PRINCIPE FONDAMENTAL DE DÉTERMINATION DU DEVOIR.

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209. Idée de sanction, c'est-à-dire perspective d'une condition heureuse pour celui qui suit le devoir, et d'une condition malheureuse pour celui qui ne le suit pas.

210. Division de la sanction en in-
térieure et extérieure.

211. Sanction intérieure.
212. Sanction extérieure.
213. Identité du premier principe
de sanction et du premier
principe de détermination
du devoir.

214. Démonstration de cette identité,
en ce qui touche la sanction
intérieure.
215. Démonstration de cette iden-
tité, en ce qui touche la
sanction extérieure qui pro-
cède par des récompenses.
216. Démonstration de cette iden-
tité, en ce qui touche la

sanction extérieure qui procède par des punitions. 217. Différence de la vengeance et de la punition.

218. Différence de l'instinct de la
défense et de la punition.

219. Tendance des peuples dans l'en-
fance à confondre la punition
avec la vengeance ou avec
l'instinct de la défense.
220. Caractère rationnel de la pu-
nition.

221. But de la punition: améliora-
tion du coupable.

222. Justice de la punition: moyen de réparation.

223. Punition devoir et droit du coupable.

224. Punition: application du premier principe du devoir, assistance due par tout être à tout être.

209. La révélation intérieure du premier principe de détermination du devoir, « assistance due par tout « être à tout être, » n'apporte pas avec elle une contrainte matérielle à la liberté, maîtresse d'obéir ou de désobéir. N'est-elle donc, à tous égards, qu'un enseignement sans force? Éclairée par elle, la liberté peutelle faire un choix capricieux entre une obéissance et

une désobéissance indifférentes dans leurs résultats? Il n'en est pas ainsi. Pour faire prévaloir la soumission sur la rébellion aux invitations qu'il donne, le devoir est pourvu d'une puissance considérable. Cette puissance (élément inséparable sans lequel il ne se concevrait que comme une lettre morte), c'est la sanction1.

Le mot sanction2 donne l'idée de la perspective d'une condition heureuse pour celui qui suit la bonne direction, d'une condition malheureuse pour celui qui ne la suit pas. -- Rien de moins, rien de plus.

210. Cette perspective d'une condition heureuse ou malheureuse prend deux noms, tantôt celui de sanction intérieure, tantôt celui de sanction extérieure.

211. Sanction intérieure. — On appelle sanction intérieure la perspective, quand nous faisons le bien, de la condition heureuse produite par le contentement de nous-mêmes, l'estime qu'autrui nous doit, et l'espoir de la justice divine; comme aussi la perspective, quand nous faisons le mal, de la condition malheureuse produite par le mécontentement de nousmêmes, le mépris que nous inspirons à autrui et la crainte de la justice divine.

Celui qui contribue par sa bonne conduite au bienêtre général, voit s'agrandir ce bien-être, et, par con

1 Vouloir, comme M. Émile de Girardin (dans son ouvrage intitulé Le Droit), ne donner à la raison, dans l'état actuel de la civilisation, d'autre sanction que la force immatérielle du raisonnement lui-même, c'est nier la passion et l'ignorance. C'est en outre ne pas apercevoir que la sanction est la réparation, comme nous allons l'expliquer.

"Sanctum est quod ab injuria hominum defensum atque munitum est. (MARCIEN, fr. 8., Dig., De divisione rerum, lib. I, tit. vIII.)

séquent la part à laquelle il a droit. Cette part augmentée ajoute au bonheur de sa condition dans ses rapports avec lui-même, avec les autres êtres finis, avec Dieu. AVEC LUI-MÊME : L'accomplissement parfait du bien moral, cherché par l'intelligence, présente d'abord l'avantage du contentement intérieur, qui est le premier de tous les biens. Rien n'égale ce sentiment à la fois fier et doux, cette « congratulation de << bien faire qui nous réjouit en nous 1. » Les bonnes œuvres donnent à leur auteur cette tranquillité si poétiquement désignée par ce vers :

Nil conscire sibi, nulla pallescere culpa. »

AVEC LES AUTRES ÈTRES FINIS: Celui qui concourt à l'œuvre commune acquiert des droits à l'estime, à l'affection, à la reconnaissance de ses semblables. A ces causes de contentement s'ajoute le plaisir de les voir heureux, et de sentir qu'il a contribué à ce bonheur. - AVEC DIEU : C'est dans le souverain juge que l'homme de bien place surtout son espoir. Cet espoir est déjà, par sa seule existence, une source considérable de bien-être 2.

A l'inverse, celui qui nuit au bien général voit diminuer sa part dans ce bien-être. Cette diminution retranche au bonheur de sa condition dans ses rapports avec lui-même, avec les autres êtres finis, avec Dieu.

AVEC LUI-MÊME : Le second caractère de la

Montaigne, Essais, liv. III, chap. II.

• Ecce enim in cœlo testis meus, et conscius meus in excelsis. >

(JOB, chap. XVI, § 2, vers. 20.)

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