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2o ses diverses espèces; 3° les conditions de son existence.

256. Objet de l'imputabilité. -Ce qu'on impute à l'être intelligent et libre, ce dont on lui fait mérite ou démérite, ce n'est pas le plaisir ou la peine qu'il produit. Le plaisir et la peine sont des impressions de la sensibilité. Qu'elles naissent à l'occasion d'un accident qui n'est imputable à personne, ou à l'occasion d'un fait imputable, ces impressions peuvent ne pas différer. Que ma maison soit consumée par la foudre ou par la main d'un incendiaire, je m'appauvris également. Qu'un trésor trouvé dans mon fonds me donne 100,000 fr. ou que je gagne 100,000 fr. par un travail consciencieux, je m'enrichis de la même

somme.

Ce qu'on impute à l'être libre et intelligent, ce n'est pas non plus la pensée qui lui est apparue de faire l'acte moral ou immoral. Cette pensée a pu être fatale, c'est-à-dire résulter de circonstances fortuites que n'a nullement appelées sa faute. Le désir de bien faire arrive souvent de lui-même. D'autre part, quelle que soit la vigilance des bonnes intentions, on ne peut être sûr de n'avoir jamais le désir de mal faire. Où est-il le sage, propositi tenax, à l'abri de tout ébranlement de la sensibilité? Pour subir l'épreuve que Dieu lui a imposée, il faut que l'âme ait des tentations à combattre; sinon, angélique et non humaine, elle serait dans un état d'innocence qui constituerait non l'obéissance au bien, mais la fatalité du bien.

257. En dernière analyse, qu'est-ce donc qu'on impute à l'être intelligent et libre? - On lui impute

à mérite ou démérite une modalité de l'âme, savoir : l'obéissance ou la désobéissance à la loi morale.

Qu'est-ce que cela?

258. L'obéissance n'est que d'une sorte. C'est la réunion de l'intention de faire le bien et de l'attention suffisante pour en trouver les moyens. C'est l'effort à la fois honnête et sérieux.

La désobéissance est de deux sortes. Tantôt c'est l'intention de mal faire, en d'autres termes l'effort malhonnête; tantôt c'est, avec l'intention de bien faire, l'attention insuffisante pour en trouver les moyens, en d'autres termes, c'est l'effort honnête mais non sérieux.

La première sorte de désobéissance prend le nom de mauvaise volonté ou fraude. La seconde prend le nom de négligence, étourderie, ou imprudence1. Le résultat de la première s'appelle un dol: le résultat de la seconde, une faute 2.

259. L'effort honnête et sérieux qui constitue l'obéissance, l'effort malhonnête et l'effort honnête mais non sérieux qui constituent la désobéissance, n'ont

pas

1 << Defectus attentionis, incogitantia, improvidentia, præcipitatio, in« curia... >> (DARIES, Instit. jurisprud. univers.)

2 J'ai vu beaucoup de philosophes oublier de signaler le mal moral de la négligence, et ne voir la désobéissance que dans l'intention de mal faire.Ils se rendent par là coupables eux-mêmes d'une grande négligence scientifique.

Le très jeune enfant, précisément parce que son attention est faible, peut s'excuser parfois d'une étourderie en disant: Je ne l'ai pas fait exprès. Mais ouvrez tous les codes des nations civilisées; vous trouverez soumis aux dommages-intérêts et à la prison l'imprudent doué de discernement, qui cause la mort en jouant avec une arme à feu qu'il ne croit pas chargée. La raison pratique, dans cette disposition et dans mille autres, a directement contredit l'éloquent ouvrage de M. Cousin (Le Vrai, le beau, le bien, 14o leçon) où nous regrettons de lire ; « POURQUOI N'Y A-T-IL PAS DE PEINE POUR

besoin, pour être imputables, de la réalisation consommée du bien et du mal auquel ils tendent. La tentative avec commencement d'exécution, quand elle est interrompue par des circonstances étrangères à la volonté de l'agent, équivaut à la réalisation consommée. « In maleficiis voluntas spectatur, non exitus1. »

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Nous avons vu la liberté métaphysique de l'homme rester entière, quels que soient les obstacles qui en gênent l'exercice extérieur (n° 130). Or cette volonté, nécessairement honnête ou malhonnête en elle-même, conserve l'intégralité de l'un ou de l'autre de ces deux qualificatifs, quels que soient les obstacles qui empêchent une volonté honnête de produire un effet bon, ou une volonté malhonnête de produire un effet mauvais. Avez-vous porté votre intention et votre attention dans la voie que vous croyez conforme au devoir? L'insuccès n'a aucune influence rétrospective sur la question d'existence de votre obéissance; il ne vous enlève pas le mérite d'avoir fait tout votre possible pour obtenir un résultat louable. D'autre part, avez-vous porté votre intention dans la voie que vous croyez contraire au devoir, ou avez-vous apporté une attention insuffisante dans la voie que

LES DÉLITS INVOLONTAIRES? C'EST QUE PAR CELA MÊME ILS NE SONT PAS SUPPOSÉS DES DÉLITS. »>

L'imputabilité de l'étourderie est parfaitement motivée par d'Holbach (Morale universelle, sect. III, chap. XII) en ces terines : « Un homme sensé << doit toujours être attentif et sur lui-même et sur les autres. Je n'y « avais pas songé, est une mauvaise excuse pour un être qui vit en société. Envisager son but et faire ce que l'on fait, voilà la vraie base de toute « morale. La vie sociale est un acte religieux dans lequel tout homme « doit se dire: Sois à ce que tu fais! »

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1 Callistratus, fr. 14. Dig., Ad leg. Corneliam de Sicariis (lib. XLVIII, tit. vin).

vous croyez conforme au devoir? L'avortement du mal possible que pouvait produire votre dol ou votre faute, n'a aucune influence rétrospective sur la question d'existence de la désobéissance; il ne vous relève pas du démérite encouru par vous en ne faisant pas tout votre possible pour éviter un mauvais résultat.

Le capitaine Franklin cherche le passage au pôle nord; il périt dans son entreprise. Il n'en est pas moins un citoyen dévoué, un navigateur intrépide. -Un homme essaie de forcer votre coffre-fort; la serrure solide lasse son bras et l'oblige à se retirer les mains vides. Il n'en est pas moins un voleur. — Je tire un pistolet chargé sur un ami, ignorant que ce pistolet est chargé; le coup rate. Je n'en suis pas moins un étourdi1.

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260. Allons plus loin. Sans supposer aucun commencement d'exécution, l'application seule de la pensée à méditer un projet bon ou mauvais est par ellemême imputable dans un certain degré. Faire de bons projets, quand même l'exécution en serait empêchée, c'est déjà bien agir, puisque c'est employer son temps à se perfectionner dans l'intérêt de tous.-Faire de mauvais projets, quand même ils ne se réaliseraient pas, c'est déjà mal agir. Qu'on ne dise pas, comme on va le répétant, que la pensée illicite, restée à l'état de rêve pour ainsi dire, n'a produit aucun

1 Si, en rédigeant cet ouvrage, nous avons fait tout ce qui est en nous pour formuler les doctrines les plus pures, nous aurons obéi au devoir, quand même la distraction du lecteur l'empêcherait de nous comprendre. Si notre dol ou notre étourderie imputables ont laissé place à des principes funestes, nous aurons désobéi, quand même notre style décoloré ne ferait pas suffisamment apparaître le crime ou la négligence de notre pensée.

la

résultat fâcheux! Puffendorff est tombé dans cette erreur, qu'on n'a point remarquée! Voyez un homme qui songe au mal! Le temps qui lui était donné par Divinité pour être utile à l'ensemble de la création, il le perd à chercher les moyens de nuire. Par cela même il corrompt, il commence à briser en lui un des instruments du bonheur de tous. Il nuit donc. « Injuriam qui facturus est, jam facit1. » 261. Diverses espèces d'imputabilité. On peut concevoir et exécuter seul, par soi-même, une pensée bonne ou mauvaise. On peut la concevoir par soi-même et la faire exécuter par un autre, dont on obtient la coopération par présents ou par conseil, par la confiance ou par la crainte qu'on lui inspire, par la récompense qu'on lui promet, en un mot par toute influence qu'on exerce sur ses déterminations. -On peut aider autrui à exécuter une action bonne ou mauvaise, en lui fournissant des moyens, avant, pendant ou après l'exécution.-L'imputabilité existe dans ces divers cas où l'on a produit le dommage par une intervention plus ou moins directe.

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262. Mais y a-t-il imputabilité de la simple abstention? Quand, pouvant produire un bien, on se garde d'user de ce pouvoir? Ou quand, pouvant empêcher un mal, on ne s'en donne pas la peine? Un enfant de

1 Senec.

Grèce.

C'était aussi l'avis de Périandre, un des sept sages de la Diog. Laert., lib. I, 98.

2 « Is damnum dat qui jubet dare. » (PAUL, fr. 169, Dig., De reg. juris, lib. L, tit. xvII).

« Mandator cædis pro homicida habetur. » (ULPIEN, fr. 15, Dig., Ad leg. Corneliam de Sicariis, lib. XLVIII, tit. vIII).

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