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CONSCIENCE DU

aspirer à la science absolue, voilà la seconde règle . Nous allons essayer, dans notre quatrième partie, d'éclairer la conscience par la science.

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A toi donc, intelligence tout entière, d'employer, pour nous diriger, tout es nos facultés réunies! A toi de nous enseigner l'action! Mets un corps à la plac e des nuages! Montre à l'inspiration, à la charité, à l'extase, le but de leurs élans instinctifs! Réalise pour nous cette pensée profonde de Joubert: «< Arriver à la poésie par la vérité ! »

Cicéron nous promet, en ton nom, ces merveilles. A ses yeux, la loi, c'est toi-même: « Est quidem vera « lex RECTA RATIO, naturæ congruens.»-Mais, hélas! protée rebelle, il faut t'arracher par des efforts persévérants les oracles que tu peux révéler. Tu prends mille formes avant de te soumettre au lutteur courageux. Nous essayons, après tant d'autres, ce combat dangereux. Puisse le souverain Maître nous donner la victoire !

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« Et quod nunc ratio est, impetus ante fuit! »

Cic. de rep., lib. VII. Sur la maxime des Stoïciens: Vivre selon la loi de la raison bien ordonnée, voyez Manuel de l'histoire de la philosophie, par Tennemann, § 163.

5 L'auteur qui cherche la vérité « ressemble au voyageur égaré la nui << dans les montagnes. Ses membres engourdis le servent mal, son pas hé ⚫ site et chancelle. Mais qu'un rayon de soleil vienne sourire à la terre à << travers les vapeurs du matin, il retrouvera les forces, la décision; et « avant le soir, il pourra, déposant le bâton de voyage, secouer la pous sière de ses pieds devant un foyer ami. »

(ÉMILE OLLIVIER, Thèse sur le mariage, soutenue en 1846 devant la Faculté de droit de Paris.)

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« Les vérités morales ont une plus étroite liaison l'une avec l'autre..... Elles découlent de nos idées « claires et distinctes par des conséquences plus nécessaires... et elles peuvent être démontrées d'une manière plus parfaite qu'on ne croit communément. Mais il ne faut pas espérer qu'on s'applique beaucoup à de telles découvertes, tandis que le désir de l'estime, des richesses ou de la puissance portera les hommes à épouser les opinions autorisées par la mode, et à chercher ensuite des arguments, ou pour les faire passer pour bonnes, ou pour les farder et pour couvrir leurs difformités. »

(LOCKE, Essais sur l'entendement humain, liv. IV, ch. III, § 2.)

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360. Nous allons, dans notre second volume, nous occuper de la science du devoir. Quelles notions réunirons-nous sous cet intitulé? Il est bon, lecteur, de vous en donner d'avance un aperçu rapide.

Vous savez le sens conventionnel que nous avons assigné au mot science (Voir ci-dessus, no 31), par opposition au mot conscience. La conscience donne sans effort certaines révélations, notamment celle du premier principe du devoir, assistance due par tout être à tout être. La science est la recherche des déductions de ce premier principe, par le travail des législateurs, des magistrats, des moralistes et des publicistes.

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361. La science du devoir était désignée par les jurisconsultes romains sous le nom de jurisprudentia. Elle est admirablement définie par Ulpien en ces termes: «Jurisprudentia est divinarum atque hu« manarum rerum notitia, justi atque injusti scien« tia 1. »

362. Les jurisconsultes romains se gardaient bien de briser l'unité de la science. Ils ne séparaient pas la science de l'équité cherchée par les particuliers, et la science du droit promulgué par les législateurs. Le même Ulpien se hâte d'ajouter: Jus est ars boni et æqui2. Il attribue à l'interprète des lois la mission de rendre les hommes bons par la persuasion (præmiorum exhortatione), comme par la crainte (metu pœnarum).

Le texte des Institutes ajoute, en ce sens, trois préceptes dans lesquels le droit et l'équité se confondent : « Juris præcepta sunt hæc : honeste vivere, «< neminem lædere, suum cuique tribuere. » -Cicéron, dans son traité De officiis, mêle perpétuellement aussi, comme sortis de la même source, le droit social et le droit individuel 5.

363. Leibnitz a employé le mot jurisprudence, comme les Romains, dans le sens de science du devoir. Il a donné le nom de jurisprudence à «< la

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« science des actions humaines en tant qu'elles sont << justes ou injustes1.» Mais l'usage moderne, souverain créateur des formes de la parole, n'a pas fait du mot jurisprudence la traduction du mot latin jurisprudentia. Il n'a pas non plus adopté, à sa place, d'autre mot. Il nous a obligé ainsi à prendre cette périphrase: « Science du devoir. »

364. Puis des opinions, dont nous aurons à apprécier la justesse, tendent à briser l'unité de la science, à la fractionner en plusieurs sciences désignées par des noms divers.

365. C'est ainsi qu'on présente comme très distinctes par leur objet : 1o la législation (ou science de la législation, ou politique, ou science de la politique); 2° la science gouvernementale; 3o la science du droit naturel; 4o l'éthique (ou la morale, ou la science de la morale); 5o la science du droit positif (ou science du droit) 2. Quant au mot jurisprudence, qui comprenait tout cela chez les Romains, on l'emploie chez nous pour exprimer seulement une petite subdivision de la science du droit positif.

Nous aurons à expliquer le sens qu'on donne à ces divers mots. Nous aurons aussi à protester de toutes nos forces contre la mutilation qu'on opère, quand on prétend voir ainsi des sciences différentes dans les divers aspects d'une science unique 3.

1 Nova methodus docendæ discendæque jurisprudentiæ.

2 Par corruption ou abréviation de langage, le mot droit, qui indique l'objet de l'étude, est pris souvent comme synonyme de science de cet objet. C'est ainsi que l'on dit école de droit, pour école de la science des devoirs et des droits.

3 Sur la distinction de ces divers aspects, voir l'ouvrage de M. Tillard :

366. La science du devoir, comme toute autre, est soumise à la loi d'évolution progressive. Elle ne pourrait être définitivement constituée que par la réalisation de la promesse faite par le démon à Eve: « Eritis sicut Dii, scientes bonum et malum'.» Jusqu'à cette réalisation possible ou impossible, « la science ne << sera jamais faite; elle ira toujours se faisant, indéfini«ment, dans les limites toutefois de notre nature. Toute « la récompense de ses veilles à laquelle l'investigateur << doive donc aspirer, c'est qu'un jour figure, dans le « grand édifice de la science humaine, quelque pe«< tite pierre par lui dégrossie, façonnée. Peu importe,

après tout, que cette pierre soit ou ne soit point « destinée à recevoir le nom de l'ouvrier. Colomb est-il << moins méritant parce qu'un autre, plus fortuné, a <«< donné son nom aux contrées que, le premier, il << avait pressenties et découvertes 2? »

367. Pour essayer d'apporter cette petite pierre, il faut à un auteur un grand courage. Et d'abord le plus difficile pour lui est de triompher de la pensée de son insuffisance. En effet, il faut qu'il commence par oser se dire à lui-même : « La charité a inspiré mon cœur. La conscience m'a montré nettement le premier principe du devoir. Sur ses applications, j'ai, par le conseil d'Adam Smith, appelé, pour m'éclairer, d'autres consciences; elles m'ont dit leurs antipathies et leurs sympathies, leur estime et leur mépris pour

Analyse, classément et nomenclature des divers ordres de lois et de phénomènes moraux et politiques.

1 Genèse, chap. ш, § 1, vers. 5. 2 M. Tillard (ouvrage précité).

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