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bord la faculté inviolable de juger, en obéissant, son obéissance; puis une autre faculté, celle de se donner une direction individuelle complémentaire.

On désigne la collection des règles réservées à cette direction individuelle par les synonymes suivants : lois du for intérieur, lois divines, lois immuables, lois de l'équité, etc., et enfin morale.

378. Cette distinction de la direction collective ou sociale et de la direction individuelle est vieille comme le monde. Amphithéâtres des écoles, tribunaux, salons, retentissent des antithèses, bien ou mal comprises, par lesquelles on l'exprime.

379. Les assujétissements que la direction collective ou sociale impose, prennent le nom spécial d'obligations, ou, suivant d'autres auteurs, d'obligations parfaites.

Les assujétissements que la direction individuelle impose, gardent le nom de devoirs proprement dits, ou d'obligations imparfaites.

Les assujétissements de la première classe sont garantis par les deux sortes de sanctions que nous avons reconnues précédemment la sanction intérieure et la sanction extérieure.

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Les assujétissements de la seconde classe sont garantis seulement par la première sorte de sanction: la sanction intérieure 2.

1 Quod ligat, ce qui resserre et enchaîne. Étymologie commune du mot religion et du mot obligation.

2 Des auteurs comparent l'action du législateur, choisissant des devoirs pour les transformer en obligations, à l'action du jardinier tirant de la forêt des sauvageons pour les enclore dans la pépinière.

Pothier, interprète du droit positif, fait un traité des obligations1.

Cicéron, moraliste, fait un traité des devoirs (De officiis) 2.

380. D'après un langage également consacré, le droit se subdivise en droit positif et droit naturel. On entend par droit positif, la direction sociale ou collective telle qu'elle est formulée par le pouvoir législatif de chaque peuple.-Mais ce droit positif peut avoir des lacunes. On entend par droit naturel, une direction sociale complémentaire, un ensemble de devoirs et de droits que le législateur a oubliés, et que la

1 Dans le langage du monde, on confond les mots devoirs et obligations. On dit qu'on a des devoirs ou des obligations envers un bienfaiteur, pour exprimer les conséquences, non sanctionnées par la loi positive, de la reconnaissance due à ses bienfaits.

Nous verrons, dans l'explication du droit positif français, le mot obligations avoir deux acceptions: dans l'une, l'obligation est le corrélatif de tout droit accordé par les lois positives; dans l'autre, l'obligation est spécialement le corrélatif du droit qu'on appelle personnel.

Enfin nous signalerons aussi le langage didactique, qui désigne parfois un droit lui-même sous le nom de son corrélatif une obligation; et l'abus du langage pratique, qui appelle obligation notariée la preuve d'un droit par un acte authentique.

2 Par abus de langage, nous l'avons dit, on confond souvent la bonne direction de la liberté avec la justice, ou amour de cette direction. C'est ce que font beaucoup d'auteurs quand ils ajoutent aux antithèses signalées ici, d'autres antithèses que nous devons signaler.

Ces antithèses, qui contiennent une confusion de langage, sont celles-ci : justice intérieure ou extérieure, justice attributive ou explétive (expressions de Grotius et d'Heineccius); - justice rigoureuse ou non rigoureuse, justice parfaite ou imparfaite (expressions de Burlamaqui); — justice universelle ou particulière (expressions d'Aristote, justement blâmées par Hubner, Histoire du droit naturel, partie II, § 7, puisque le particulier est renfermé dans l'universel); — justice distributive et commutative, subdivision peu intelligible de la justice particulière (V. Puffendorff, Droit de la nature et des gens, liv. I, chap. vii,Χ 8); —justice en soi naturelle et universelle, et justice spéciale, nationale, et contrainte au besoin de nos polices (expressions de Montaigne).

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raison des penseurs l'engage à réintégrer, au plus vite, dans le cercle du droit positif perfectionné.

381. En résumé, habitude constamment suivie par l'humanité de distinguer le droit et la morale, de séparer les obligations et les devoirs proprement dits, de diviser le droit en positif et naturel: tels sont les faits existants.

L'usage appelle législation, ou science de la législation, ou politique, ou science de la politique, la science de faire le droit positif; ceux qui s'en occupent prennent le nom de législateurs.

Il appelle science gouvernementale, la science des hommes chargés de faire exécuter le droit positif; ceux qui s'en occupent prennent le nom d'hommes d'État.

Il appelle science du droit naturel, la science des écrivains qui publient des traités pour conseiller aux législateurs de faire certaines lois; et ces écrivains prennent le nom de publicistes.

Il appelle éthique1, ou morale, ou science de la morale, la science de la partie de la direction de la liberté qui reste en dehors de la sanction extérieure des lois positives; et moralistes, ceux qui l'étudient ou la prêchent.

Il appelle science du droit positif ou science du droit, la science du magistrat, du professeur, interprétant le sens des lois positives; et il réserve à ces interprètes le nom de jurisconsultes.

Enfin qu'a-t-il fait du mot jurisprudence, si large sous la plume dUlpien?

Du mot grec 2005, coutume.

Il l'a réduit à indiquer seulement une des subdivisions de la science du droit positif, savoir: la connaissance de l'habitude des tribunaux d'entendre et d'appliquer d'une certaine manière une loi positive susceptible de plusieurs interprétations. « Cette ac<«< ception,» disent MM. Aubry et Rau1, « tire son <«< origine de la haute considération dont les déci«<sions judiciaires ont toujours joui en France. >>

382. Nous venons de voir comment se présentent, dans l'état actuel, les faits existants.— Nous connaissons les mots employés pour les désigner.-Venons à la question de la légitimité de ces faits, de l'exactitude de ces mots.

La société établit le droit positif; l'individu cherche la morale, et signale le droit naturel. L'humanité procède ainsi, avec une résolution inébranlable. Eh bien! les choses sont-elles ou non exactement établies de cette sorte? En d'autres termes, à qui appartient la mission de chercher la science du devoir? Est-ce à la. société? est-ce à l'individu? est-ce à tous deux?

3e QUESTION. Unité des objets du devoir.

383. Par quels caractères se distinguent la direction collective
et la direction individuelle de la liberté ?

383. Supposons que nous reconnaissions la légitimité de la prétention de la société et de la prétention de l'individu : un autre problème se présentera. Quel est l'objet de la recherche faite par la société? Quel est

1 Sur Zachariæ. - Aj. Merlin, rep. (vo jurisprudence). - Lassaulx, I, 4.

l'objet de la recherche faite par l'individu?- Ces deux objets sont-ils différents? Ou se confondent-ils en un seul? S'il doit y avoir deux directions différentes, l'une sous le nom de droit, l'autre sous le nom de morale, et si la direction appelée droit doit se subdiviser en deux sous les noms de droit positif et de droit naturel, comment faut-il distinguer ces directions?- Sont-elles collatérales? Ou l'une d'elles estelle supérieure? Et laquelle est supérieure?- Ces directions résultent-elles de principes fondamentaux différents? Se séparent-elles par des caractères divers essentiels? - Ou, au contraire, n'y a-t-il en réalité qu'une seule direction? En d'autres termes le droit positif, le droit naturel, et la morale (distingués tout au plus entre eux par quelques modalités accidentelles), constituent-ils seulement les solutions plus ou moins perfectionnées d'un problème unique?

4 QUESTION.-Unité de la science du devoir.

384. Science une: aspects de la science différents.

384. Si le droit positif, la morale et le droit naturel se confondent dans l'unité d'objet, ne faut-il pas en conclure l'unité de la science elle-même du devoir? N'est-il pas bon de revenir à la belle définition que les Romains en donnaient? Doit-on appeler exactement aspects divers de cette science unique, les prétendues sciences diverses qu'on essaie d'opposer l'une à l'autre?

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