LE COLLÈGE DES ÉCHEVINS DE NANCY. 155 les Drogon. Nous trouvons ensuite deux fois mention d'un bailli dans les actes de Mathieu II. Sous Ferri III le poste est occupé, le 28 avril 1270, par << Jehans dit Bollette chevalliers de Nancey », puis apparaît Thierry de Nancy qui fut, comme nous l'avons vu, la tige de la famille de Lenoncourt. Sous Thiébaut II, après la révolte de Thierry', la charge est occupée en 1309 par Hanrion de Neuchatel+. Ces baillis étendent leur autorité sur la Lorraine entière où ils sont les seconds du duc. A la fin du XIe siècle apparaît un bailli spécial pour la partie de la Lorraine où l'on parle allemand : le bailli d'Allemagne et, au milieu du xive siècle, un bailli pour les Vosges §. Le bailli de Lorraine garde quelque temps encore une sorte de prééminence sur eux; mais bientôt son autorité ne s'étend plus que sur la partie centrale du duché; il deviendra le bailli de Nancy. Tandis que le bailli de Lorraine ou de Nancy n'a qu'un pouvoir honorifique sur l'Hôtel Monseigneur, il est au début tout-puissant au Change. Le tribunal des échevins est, à proprement parler, le tribunal du bailliage. C'est au bailli de Nancy que les plaintes sont portées; c'est lui qui réunit l'assemblée. Les échevins promulguent la sentence « de l'ordonnance et consentement du bailli », comme nous le prouve le curieux procès de 1384 entre l'abbesse de Bouxières et le prévôt d'outre-Moselle, au sujet du village de Mangonville. A la fin du xve ou au début du xvre siècle, le bailli est de plus en plus absorbé par les fonctions militaires; il quitte le prétoire, et un échevin, désigné par le duc, préside dès lors le tribunal : ce sera le maîtreéchevin. Après l'héroïque résistance de Nancy à Charles le Téméraire, le duc René II régla à nouveau l'organisation de la cité par lettres patentes du 12 juin 14978. Le prévôt Collignon Maréchal devait être assisté pour « l'entretenement du bon ordre et de la police en la ville de Nancy » de trois bourgeois : Mengin le Clerc, marchand, Gérard Cassin, chaussetier, Étienne Viant, marchand. Ils formaient ensemble les Quatre de la ville; ils juraient de remplir fidèlement et loyalement leur mission. Ils devaient entrer en fonctions le jour de la Madeleine (22 juillet) et ils conservaient leur charge une année durant, jusqu'au 22 juillet suivant. L'année révolue, les habitants de Nancy nommaient trois nouveaux bourgeois pour former, avec le prévôt, le collège des quatre. Mais nous ignorons suivant quel mode se faisait l'élection. Il appartenait au duc de confirmer les élus ou de leur refuser sa sanction. En ce der 1. LE MERCIER DE MORIÈRE, Catalogue, p. 59. Dans un acte (no 26) est question du baillivus noster d'une façon générale; dans l'autre (no 206) le bailli Tirricus est nommé. 2. Charte pour Flavigny, A. D., H, 135, citée par LE MERCIER DE MORIÈRE, p. 60. 3. Voir plus haut, p. 70. 4. Charte pour le prieuré de Froville, A. D., H, 166; ibid. 5. LEPAGE, Les Offices, pp. 96 et 92. 6. KRUG-BASSE, p. 21. 7. A. D., H, 3001 (fonds de Bouxières), cité par LEPAGE, Les Offices, pp. 30-31. Les hommes de Mangonville sont exempts de suivre la bannière du prévôt, quand elle allait dehors. 8. Elles ont été publiées de façon un peu défectueuse par LIONNOIS, t. II, p. 49. nier cas, il choisissait lui-même d'autres bourgeois pour remplir la fonction. Ceux qui sortaient de charge étaient rééligibles, et en fait les trois bourgeois cités furent réélus pour l'année 1498-1499. Le prévôt partagea avec les commis c'était désormais le nom officiel une partie de ses attributions. Il appartenait au conseil de taxer le pain et le vin. Pour tout boulanger ou marchand trouvé en contravention, le prévôt touchait 6 sols, les commis 4 sols, ces derniers levés au profit de la ville. Ils surveillaient en commun les marchés et défendaient de vendre les marchandises, du vendredi à 2 heures de l'après-midi jusqu'au samedi à 10 heures du matin, ailleurs que sur la place; nul revendeur, nul boulanger ne pouvait faire sa provision avant que la cloche du marché eût annoncé la clôture. Les commis devaient avoir regard sur tous les métiers et mettre à l'amende les maîtres qui n'observeraient pas les règlements. Ils veillaient à faire courir trois fois la semaine par les rues de la cité le ruisseau de Boudonville. Ils avaient la police des hôtels et des tavernes et intervenaient dans les contestations entre aubergistes et hôtes. Ils devaient comme jadis les échevins — gouverner l'hôpital de Saint-Julien'. Puis ils surveillaient les travaux de fortification de Nancy et contrôlaient les marchés avec les entrepreneurs. Ils inscrivaient leurs recettes et leurs dépenses sur des registres qu'examinait la Chambre des comptes. Nous avons conservé les registres que présentèrent les plus anciens commis dans la seconde année de leur gestion; leur compte nous conduit de la Madeleine 1498 à la Madeleine 14992. Dans ce document, les quatre commis prennent le titre de gouverneurs de Nancy. Nous avons ensuite, pour les années suivantes, pu dresser cette liste : 1501-1502, Nicolas des Fours, ancien prévôt; 1506-1507, Mengin le Clerc; Le chiffre de quatre commis sembla bientôt trop considérable; et, au lieu de trois membres annuels, on n'en choisit que deux; ils portent le titre de 1. Il semble que pendant un certain temps le duc ait nommé lui-même les gouverneurs de SaintJulien. 2. A. D., B, 7236. 3. LIONNOIS, d'après un ancien compte de Saint-Julien, t. II, p. 55. Notons qu'ici l'ancien prévôt semble être à la tête des quatre commis. 4. B, 7237. 5. Ils sont cités dans une transaction du 11 janvier 1507, avec François de Viane, seigneur de Listenay. A. D., B, 823, no 6. Les deux premiers, présents à l'acte, portent le nom de « gouverneurs » ; les deux derniers, absents, sont dits « des affaires et besongnes dudit Nancey ». 6. B, 7238. LES QUATRE-DE-VILLE ET LES DEUX-DE-VILLE. 157 Deux-de-la-Ville ou « d'ambdeux jurés au gouvernement des ouvrages de la ville de Nancy et gouverneurs de l'hôpital Saint-Julien ». Nous avons trouvé : 1521-1522, Nicolas de Behonne; Nicolas Waultier '; 1531-1532, Nicolas de Baulme; Henri Courcol 2. 1541-1542, les mêmes 3; Après l'expédition du roi de France Henri II à Nancy, quand on eut compris la nécessité de rendre la ville plus forte, l'on retrouve le chiffre de trois commis, et, pourtant, par la force de l'habitude, l'expression Deux-de-Ville continua de subsister. 1557-1558, Claudin Thomas, dit le Roy; Laurent Lallement; Claudin Barrois 5. A partir de 1576, l'un des trois fut spécialement chargé de lever les deniers de la cité, et prit le titre de « receveur des finances de la ville de Nancy ». François Gellée exerça le premier cette charge. Un peu plus tard les commis sont de nouveau quatre, et le receveur forme un cinquième personnage 7. Du reste, ces commis devenaient de jour en jour davantage des fonctionnaires ; l'élection disparut et ils étaient directement choisis par le duc ; ils touchaient un traitement; ils expédiaient les affaires courantes. Ce fut le conseil exécutif de la cité sous les ordres du prévôt et du duc. Aucun de ces commis n'a sur les autres une autorité; il n'y a point eu à Nancy de maire. Le prévôt est le vrai chef de la cité. Mais ce prévôt con 1. Comptes de cette année, B, 7240. 2. Comptes de cette année, B, 7247. 3. Comptes de cette année, ibid., B, 7250. Ils sont restés sans doute en fonctions dans l'intervalle de 1532 à 1541. 4. B, 7251. Il ne s'agit pas ici des comptes de la ville, mais d'un impôt extraordinaire levé par les deux commis pour le paiement des mortes-payes. Le compte est intitulé « Premier compte que rendent Girard Oudet et Adam de Bazien demeurans à Nancy tant en recepte comme en despense des deniers par eulx receuz des mannans et habitans dudict Nancy et faulbourg Sainct-Nicolas pour la solde et payemens des mortepayes ordonnez a la garde des portes et guets du dit Nancy. De l'ordonnance de Madame (Christine de Danemark) et Monseigneur de Vauldemont et ce pour les moys de decembre, janvier, febvrier et mars 1551, apvril, may, juing, juillet, aoust, septembre, octobre, novembre et decembre 1552, que sont treize mois a raison de trois gros par mois. » Ce document très important, qui nous donne la topographie de Nancy en 1552, a été publié par M. LEPAGE, J. S. A. L., t. II et III (1853-1854), pp. 146 et 216. Les deux bourgeois qui lèvent ces deniers s'appellent les deux de la ville. 5. Les commis s'appellent même en un seul mot : « deudeville ». Le compte de cette année, B, 7253, porte comme titre « Deuxième compte que rendent honnestes hommes Claudin Thomas dis le Roy, Laurent Lallement et Claudin Barrois esleuz deudeville de Nancy, y demorans, de la recepte des deniers appartenans a la dicte ville et de la despense fournye par iceulx pour les refections, necessitez et frais communs de la dicte ville ». Nous avons encore a le compte que rendent Pierre Arnault et Claude Simon esleuz et nommez par la commune de Nancy a lever et recepvoir les solz ordonnez sur chascun conduict du dit Nancy du 1er mai 1571 au dernier avril 1572, B, 7255; mais ces deux personnages ne portent que le titre de comptables; ils ne sont pas deux-de-ville. 6. B, 7263. 7. Et encore il semble qu'il ne faille pas compter le prévôt au nombre des quatre. 8. Les commis touchent chacun 25 francs et le receveur 50; ce qui fait une dépense annuelle de 150 francs. (LEPAGE, Les Archives de Nancy, t. II, p. 189.) sulte très souvent l'assemblée générale des bourgeois. Ainsi le 28 février 1587, le comte de Salm, gouverneur, enjoignit de la part du duc au prévôt et aux deux de la ville de faire élire par la feauté des personnes pour lever et distribuer l'aumône des pauvres1. Quand la Ville-Neuve eut été construite à côté de la Ville-Vieille, cette organisation primitive ne suffit plus. Le 5 janvier 1594, Charles III décida que douze bourgeois formeront le conseil de la ville et que les commis exécuteront leurs délibérations. En même temps, il donna sur la cité des droits considérables au gouverneur militaire. L'église de Saint-Èvre a été jusqu'à la construction de la Ville-Neuve le siège de la communauté de Nancy. Là se tenaient les assemblées générales des bourgeois. Les échevins, sans doute dès l'origine, se réunirent à la maison du Change où ils sont demeurés. Quant aux commis de la ville, il leur fallait bien trouver un local. Ils siégèrent d'abord, ce semble, dans une salle du clocher de Saint-Èvre où, pendant longtemps, furent gardées les archives municipales. Mais la chambre était étroite, mal commode; vers 1592, on leur donna une maison située au Haut-Bourget 3, dont l'emplacement précis est difficile à déterminer. Quand la constitution municipale fut modifiée en 1594, quand aux commis se furent ajoutés douze conseillers, l'on se réunit dans la maison d'école que la ville avait acquise du chapitre Saint-Georges depuis 15764, dans une rue à laquelle une enseigne d'auberge - un Maure jouant de la trompe- a valu le nom curieux de Maure-qui-Trompe. Cette maison était située derrière le chevet même de Saint-Èvre, bien au centre du vieux Nancy. A côté se trouvait le Somerhouse où étaient logés les échelles et les seaux de cuir bouilli qui devaient servir lors des incendies. Cette installation de l'hôtel de ville fut toute provisoire. A ce moment même la Ville-Neuve s'élevait et la municipalité acheta un magnifique hôtel que venait de construire à la fin du xvr siècle Jean Vincent, trésorier général de Lorraine, entre les rues des Ponts et des Quatre-Églises. Elle s'y installa vers 1610 avec la prévôté et le tribunal des échevins 6. Ce nouvel Hôtel de Ville sera témoin de bien des scènes ou tragiques ou amusantes qui seront racontées au cours de cette histoire; là s'est concentrée la vie de Nancy de 1610 à 1751. L'école et ses maîtres demeurèrent installés rue du Maure-qui-Trompe; on donna une partie 1. LEPAGE, Les Archives de Nancy, t. IV, p. 122. Le mot feauté a ici le sens d'assemblée générale et non de tribunal chargé de prendre connaissance des anticipations d'héritages et de chemins. Voir sur les feautés en ce dernier sens, BONVALOT, Les Feautés en Lorraine, Paris, Larose et Forcel, 1889, et CH. GUYOT, Des Faultés ou feautés lorraines dans le J. S. A. L., 1891, avril. 2. Dans le compte de Christophe Ceintrey, receveur des rentes de la ville de Nancy de 1589, A. D., B, 7295, il est question de diverses réparations à la chambre du clochier où les quatre de ville s'assemblent pour les affaires d'icelle ». Cf. les extraits dans COURBE, Les Rues de Nancy, t. II, p. 31. En 1605, les titres de la ville y étaient encore gardés. (LEPAGE, Les Archives de Nancy, t. II, p. 199.) 3. Compte du receveur de 1592-1593 dans LEPAGE, ibid., t. II, p. 191. 4. LEPAGE, Les Communes de la Meurthe, t. II, p. 152. Cf. infra, p. 231. En 1594, on fait des réfections à cette maison d'école, pour servir aux douze conseillers établis dans la ville de Nancy. (LEPAGE, ibid., t. II, p. 192.) |