semé de quatre croisettes recroisetées au pied fiché de même. De 1431 à 1435, il unit en son écu ces trois armoiries et les disposa de la façon suivante : écartelé d'Anjou et de Bar, et, sur le tout, de Lorraine'. Mais, en 1434, à la mort de son frère Louis III, il était devenu le maître de l'Anjou et de la Provence; en 1435, il acquit des prétentions au royaume de Sicile et de Jérusalem; et il ne pouvait oublier que jadis sa famille était maîtresse d'un autre royaume, celui de Hongrie '; s'il ne représenta par aucun signe dans ses armoiries la Provence, simple comté, il prit les armoiries de Hongrie, de HRICVRIA COMITIS NOWY HAHA SINO SA I SCEAU DE RENÉ II SES ARMOIRIES DE 1473 A 1480 (D'après 0. de Wrée, La Généalogie des comtes de Flandre.) Sicile et de Jérusalem; -- de Hongrie : burelé d'argent et de gueules, de huit pièces; de Sicile d'azur semé de fleurs de lis d'or sans nombre, brisé en chef d'un lambel de gueules à trois pièces; de Jérusalem: d'argent à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes de même. Il disposa son écu en six quartiers, les supérieurs, de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, c'est-à-dire des trois royaumes; les inférieurs, d'Anjou, de Bar et de Lor 1. Sur la date des différents écussons de René Ier, voir un article de LEON GERMAIN, Note sur une miniature du bréviaire du roi René dans le J. S. A. L, 1880, p. 216. Du mème, Observations sur des monuments héraldiques à Sarrebourg dans les M. A. S., 1900, p. 168. 2. Sur les titres que revendiquaient les ducs de Lorraine, voir E. BRIARD et H. LEPAGE, Des titres el prétentions des ducs héréditaires de Lorraine dans les M. S. A. L., 1885, p. 301-455. LES ARMOIRIES DUCALES. 549 raine, c'est-à-dire des trois duchés. Quand en l'année 1453, à la mort d'Isabelle de Lorraine, il eut abandonné cet État à son fils aîné Jean II, il supprima le sixième quartier. Mais, en l'année 1466, il fut appelé, en vertu des droits de sa mère Yolande, à la couronne d'Aragon; à ses anciennes armoiries il ajouta l'écu d'Aragon brochant sur le tout d'or à quatre pals ou vergettes de gueules 3. Quand René II fut appelé en 1473 au duché de Lorraine 4, il conserva les armes de son aïeul dans les 2o et 3e quartiers de son écu, telles qu'elles étaient constituées à cette date, et plaça dans les [er et 4 les armes pures de la maison de Lorraine, dont il était le chef. Il garda cet écu jusqu'à la mort de son aïeul en 1480. Vers ce moment, il en changea la disposition. Il porta son écu coupé : au premier, les quatre royaumes, Hongrie, Sicile, Jérusalem, Aragon; au second, les deux duchés, Anjou et Bar; et sur le tout, les armes de son état principal: la Lorraine'. Encore que son titre de roi de Jérusalem et de Hongrie fût vide de sens, qu'il ne pût songer jamais à reconquérir l'Aragon et qu'il cédât formellement ses droits sur Naples et la Sicile au roi de France Charles VIII, il conserva cet écusson jusqu'à la fin de sa vie, et son fils Antoine n'y fit aucun changement. L'écusson avait été fixé quelque temps après la bataille de Nancy; il fut bien vite connu de par le monde, et, à la vue de cet écu, les hommes songeaient que ce petit état avait été le théâtre de si grands événements; les armoiries de Lorraine devinrent célèbres avec le duché lui-même. Au cours du xvre siècle, ces armoiries allaient subir une dernière modification. René II avait épousé en secondes noces Philippe de Gueldre, qui lui survécut longtemps elle ne mourut que le 28 février 1547 et à qui sa retraite au couvent des Clarisses de Pont-à-Mousson donna une grande popularité. Cette princesse devint en 1538, après la mort de son frère Charles d'Egmont, héritière du duché de Gueldre, auquel avait été jadis uni le duché 1. O. DE WRÉE, La généalogie des comtes de Flandre... Bruges en Flandre, 1642. 2 vol. de texte et i de planches. Voir les reproductions, pl. 105, 106 et 107. BLANCARD, Les sceaux des Bouchesdu-Rhône, pl. XX. BERTRAND DE BROUSSILLON et PAUL DE FARCY, Sigillographie des seigneurs de Laval, Paris, 1888, pp. 96, 98, 99, 100. 2. BERTRAND DE BROUSSILLON et PAUL DE FARCY, o. l., pp. 102, 103. 3. Dom CALMET, t. II, sceau, no XXV. BERTRAND DE BROUSSILLON et PAUL DE FARCY, o. l., pp. 105, 106, 107. 4. Le duc Jean II avait conservé l'écu du roi René tel qu'il existait avant 1453. Cf. DE WREE, o. l., pl. 108. DOUET D'ARCQ, Inventaire de la collection des sceaux des archives de l'Empire, n° 789. Nicolas avait mis sur le tout les armes d'Aragon, DE WREE, pl. 108. 5. O. DE WRÉE, o. l., pl. 108. DOUET D'ARCQ, no 790. 6. Les monuments qui portent l'écusson, tel que nous venons de le décrire, sans les armoiries de Gueldre et Juliers, datent à coup sur des années 1480 à 1545. C'est de cette manière que les armoiries sont disposées sur la porterie du palais ducal. de Juliers. Mais de nombreux concurrents lui disputèrent cet héritage, et, après toutes sortes de péripéties, Charles-Quint, comme jadis son aïeul le Téméraire, mit la main sur le duché en litige et l'ajouta à ses vastes États (1543). Les dues lorrains n'oublièrent pas leurs droits, et, pour bien montrer ses prétentions, le petit-fils de Philippe de Gueldre, le duc François Ier, ajouta à ses armoiries celles de Gueldre et de Juliers; celles de Gueldre : d'azur, au lion contourné d'or, à double queue, armé, lampassé et couronné de gueules; celles de Juliers: d'or, au lion de sable couronné, armé et lampassé (Sur le revers de 1544 sont encore absentes les armoiries de Gueldre et de Juliers qu'on trouve sur celui de 1545.) de gueules'. Les armoiries des quatre duchés furent désormais placées en pointe dans l'ordre suivant: Anjou, Gueldre, Juliers et Bar. On les trouve ainsi pour la première fois en 1545 sur un teston du duc; quelque temps après, en 1550, elles sont décrites et dessinées dans un ouvrage de du Boullay, héraut d'armes de Lorraine 3, et elles ont subsisté jusqu'au moment où la Lorraine a cessé de former un État indépendant. Ces armoiries des ducs n'ont pourtant pas disparu; elles continuent de figurer en chef sur les armes de la ville de Nancy et complètent l'écusson de notre cité. Au même moment où se constituait l'écu des ducs, la croix à double traverse tendait à devenir le symbole de la nationalité lorraine. Quelle est l'origine de cette croix? Autrefois, on la faisait remonter aux croisades mêmes et à la conquête du royaume de Jérusalem par « le duc de Lorraine » Godefroy de Bouillon. La croix serait devenue double, pour indiquer le zèle spécial que les Lorrains avaient déployé pour la délivrance du Saint-Sépulcre. Un ancien docteur, prononçant l'oraison funèbre de Claude de Guise, s'écrie avec 1. Ainsi le lion de Juliers a été décrit par les anciens spécialistes: Émond du Boullay, Henriquez, etc. En 1856, M. GUERRIER DE DUMAST, s'étant informé auprès des autorités de Gueldre des armoiries de Gueldre et de Juliers, reçut comme réponse que le lion de Gueldre avait bien sa couronne, mais que celui de Juliers n'en avait pas. Peut-être à Juliers lui eut-on dit tout le contraire. GUERRIER DE DUMAST prétendit dès lors que ce serait un crime de couronner le lion de Juliers (Sur les vieilles armoiries de la ville de Nancy, 1856, p. 20). Il a été suivi par JAMBOIS, Les armoiries de la ville de Nancy, 1879, p. 10. Et il en est ainsi dans l'écu officiellement adopté par la ville. 2. DE SAULCY, Recherches sur les monnaies des ducs héréditaires de Lorraine, pl. XVII, no 8. 3. Le très excellent enterrement du très hault et très illustre prince Claude de Lorraine, duc de Guyse. Paris, 1550. LA CROIX DE LORRAINE. 551 éloquence: «Comme Abraham eut augmentation de lettres en son nom pour sa grande foy, ainsi la famille lorraine a eu augmentation de signe de croix pour leur fervent zèle à la défencion de la terre saincte. » Et une pareille opinion est exprimée par le roi d'armes Émond du Boullay, dans le récit qu'il fit des funérailles de ce prince 2. Mais, en réalité, la croix de Lorraine n'a pas une antiquité aussi reculée. Elle n'est venue en notre pays qu'avec le duc d'Anjou René Ier. De façon générale, la croix à double traverse a une origine orientale. On l'appelle en archéologie la croix byzantine, et le croisillon supérieur représentait sans doute, tout d'abord, légèrement exagéré, le titre, c'est-à-dire l'écriteau trilingue qu'on clouait sur le bois de torture. Cette croix fut estimée être la croix symbolique de Jérusalem, et on s'explique que le patriarche de cette ville en ait fait l'insigne distinctif de sa charge. Or, voici que les rois de Hongrie s'emparent de cet emblème; pour la première fois elle apparaît sur les sceaux d'André II (1203–1235) qui précisément prit le surnom de Hiérosolymitain3. Mais, quelque temps plus tard, des princes de la maison d'Anjou devinrent, par suite de mariages, rois de Hongrie ; et, pendant près d'un siècle, la couronne de saint Étienne resta dans leur famille. La dernière héritière de cette maison, Jeanne II, adopta, peu de temps avant sa mort qui arriva en 1435, le jeune René, et désormais ce prince, qui aimait les emblèmes et les multipliait, a adopté la croix à double traverse de Hongrie. Sur le grand sceau dont il se servit de 1435 à 1453, il a fait dessiner son écu, qui représentait au premier quartier, nous l'avons vu, les armes de Hongrie moderne; mais à côté il a fait graver un second écu offrant, au-dessus d'un mont à trois coupeaux, la croix à double traverse qui est de Hongrie anciens. Et, désormais, cette croix apparaît sur les monnaies, comme nous l'avons vu; elle est 1. Claude GUILLIAUD, L'oraison funèbre déclarative des gestes, meurs, vie et trespas du très illustre prince Claude de Lorraine, duc de Guyse et d'Aumalle, à Paris, par Iehan Dallier, 1550, fo 8 verso. 2. DU BOULLAY, o. l., p. 53. 3. Toutes ces idées sur l'origine de la croix double ont été développées en un excellent travail de MET X. BARBIER DE MONTAULT, La croix à double croisillon, Montauban, 1882. Extrait du Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, voir surtout pp. 26-28. 4. Voir l'excellent travail de M. LÉON GERMAIN, Origine de la croix de Lorraine. Extrait de la Revue de l'Art chrétien, t. III (1885). Ce travail a été repris et complété dans l'Annuaire de Lorraine et tiré à part. La véritable origine de la croix de Lorraine a été indiquée par J. J. CHIFFLET, Commentarius lothariensis, Anvers 1649, p. 95. Il écrit, en parlant de la croix à double traverse : « Crux est regia hungarica. » A noter que la couleur de cette croix a varié assez souvent. - M. LOUIS DE FARCY, Relations entre les croix de Hongrie, d'Anjou et de Lorraine, dans les Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers, 1895, p. 92, a attaqué ces conclusions. Selon lui, la croix, adoptée par le roi René, aurait pour origine la relique de la vraie croix de l'abbaye de la Boissiere, conservée aujourd'hui à l'hospice de Bauge. La croix de René aux extrémités unies différerait beaucoup de la croix de Hongrie aux extrémités pattées et fichée. Mais nous pensons que M. LOUIS DE FARCY attache trop d'importance à ces détails secondaires. Il ne peut méconnaître que, sur les sceaux de René, la croix de Hongrie fait pendant à son écusson; et cela nous semble tout à fait significatif. Maintenant qu'il ait uni en une unique représentation deux symboles différents, la croix de Hongrie et une croix byzantine qui se trouvait en son pays d'origine, le fait est possible; ces contaminationes étaient assez fréquentes. 5. Voir la gravure de WRÉE que nous publions, p. 547. Cf. J. E. de Smyttère, Les ducs de Bar, dans les Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc, 1884, p. 150 et pl. 6. suspendue souvent au chapelet attaché au cou des aigles qui supportent les armoiries du roi. Le fils et le petit-fils de René Ier, Jean et Nicolas, continuèrent de faire usage de cette croix double; sous René II, cette croix distinguait ceux qui combattaient pour la Lorraine et s'opposa à la croix de Saint-André qui était l'emblème des Bourguignons. René II en était revêtu au moment de la bataille de Nancy. Il dit lui-même dans la Vraye déclaration: « Et avoy sur mon harnois une robbe de drap d'or... et aussi une barde aussi couverte de drap d'or et sur les dictes robbe et barde trois doubles croix blanches'. » Quand Campo-Basso vint au camp de René, il enleva la croix de Saint-André, insigne des Bourguignons, pour porter « la croix double ». Et beaucoup de Nancéiens en sortant de leur ville, pour courir au pillage du camp du Téméraire, furent en danger d'être tués par les Suisses et leurs compatriotes, parce que « la croix double n'avoient 3 ». Sous cet emblème, on remporta ainsi une éclatante victoire. Aussi les ducs l'entourèrent d'une nouvelle vénération : ils continuèrent de représenter sur leurs monnaies la croix précieuse : SALVE CRVX PRETIOSA + ; ils la mirent sur les travaux qu'ils entreprenaient ainsi, on la trouve sur un curieux tympan exécuté entre 1485 et 1508, et découvert récemment à Longwy . Bien plus les Lorrains adoptèrent cette croix comme symbole de leur nationalité : elle devint la croix de Lorraine. Quand au xvIIIe siècle le duché cessa de former un État indépendant, ce signe rappela le souvenir d'un passé glorieux. Et aujourd'hui encore, nous conservons cette croix comme l'image de la province qui, au sein de l'unité française, voudrait garder quelques-uns de ses caractères individuels pour la grandeur même de la mère patrie. Cette croix n'aurait jamais dû représenter que la petite nationalité de Lorraine; en fait, elle fut mêlée aux querelles religieuses et politiques de la France au xvre siècle. La Ligue fut surtout dirigée par des Lorrains, et elle reçut une impulsion nouvelle dans des assemblées tenues à Boudonville, sur le territoire de Nancy. Aussi, les Ligueurs prirent cette croix comme signe de ralliement; et les auteurs de la Satire Menippée de poser cette question et d'y donner une mordante réponse : Mais dites-moy que signifie Que les Ligueurs ont double croix? C'est qu'en la Ligue on crucifie La nationalité lorraine avait ainsi son emblème; il lui fallait aussi son 1. COMMINES, éd. Lenglet du Fresnoy, t. III, p. 492. Le mot barde signifie l'armure du cheval. 2. Chronique de Lorraine, p. 286. L'auteur appelle parfois cette croix croix de Jérusalem; et cette dénomination s'explique, puisqu'en réalité l'origine de cette croix est la croix patriarcale. Mais aujourd'hui on distingue en blason entre la croix de Lorraine et la croix de Jérusalem ou croix potencée. 3. Chronique de Lorraine, p. 301. 4. Cf. infra, p. 686. 5. Ce monument que nous reproduisons a été publié par M. LÉON GERMAIN dans le second article cité, d'après une photographie du docteur Coliez. La croix est entre les armoiries pleines de René II et celles de sa seconde femme, Philippe de Gueldre, qu'il épousa en 1485. Remarquons que, confor |