Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Derrière le cloître, et perpendiculairement à lui, l'on éleva un corps de bâtiments, où fut installée, en 1831, l'école normale de la Meurthe et où la ville loge aujourd'hui les professeurs de l'École supérieure de garçons. Plus loin s'étendaient jusqu'aux remparts les jardins des religieux'. Mais Léopold enleva aux Cordeliers ces jardins où il construisit son opéra qui eut une courte durée. Cet opéra devint sous Stanislas d'abord une salle de comédie, puis définitivement une caserne, sous le nom de Quartier-Neuf. Démoli en 1818, le Quartier-Neuf a été rétabli sur des plans nouveaux en 1874, pour recevoir la Gendarmerie, après l'incendie du Palais ducal.

Dans le cloître des Cordeliers se trouvaient jadis divers monuments funéraires: ceux des Guilbert, seigneurs de Saint-Remi-aux-Bois, celui du peintre Claude Henriet, né à Châlons-sur-Marne et père d'Israël Henriet, et celui plus important de Callot, sur lequel nous aurons à revenir2. On montrait aussi jadis au réfectoire des Cordeliers une peinture à fresque dont on a beaucoup parlé. Léonard de Vinci avait couvert le mur du réfectoire de Sainte-Mariedes-Grâces, à Milan, d'une de ses compositions les plus admirables. Il a reproduit la Cène, au moment précis où Notre Seigneur dit : « En vérité, l'un de vous me livrera. » La fresque ancienne disparaît malheureusement de nos jours, par suite de l'action du temps et de l'humidité. Dès le xvre siècle cette œuvre était célèbre entre toutes, et le duc Antoine chargea un artiste lorrain, Hugues de la Faye, de la reproduire aux Cordeliers. Hugues mourut avant d'avoir terminé sa tâche qui fut menée à bonne fin par Médard Chuppin3. Ce qui donnait de l'intérêt à cette fresque des Cordeliers, c'était que les deux artistes avaient peint, aux deux coins, à genoux, le duc Antoine et sa femme, Renée de Bourbon. La fresque, que parfois on a voulu attribuer à Léonard lui-même, a subsisté jusqu'en 18815; comme elle était de plus en plus abîmée, on a résolu de l'effacer entièrement. Mais on eut soin d'en prendre des copies; l'une, aux 2/3, a été faite par M. Cournault et se trouve au Musée lorrain, nous en donnons une reproduction. M. Dupays, de son côté, a peint, aux frais du Musée historique, à la grandeur de l'original, les portraits d'Antoine et de Renée de Bourbon".

Les constructions du couvent des Cordeliers ont pu traverser la Révolution sans être vendues comme bien national. Sous le premier Empire, elles sont devenues la propriété de la ville qui en possède encore la plus grande partie.

Le couvent des Cordeliers était, sous l'ancien Régime, un des plus importants de Nancy. Au début du xvna siècle, il comptait jusqu'à 40 et 50 religieux,

1. Voir le plan de LA RUELLE de 1611, le plan du palais ducal de DERUET.

2. LIONNOIS, t. I, pp. 136-137.

3. M. LEPAGE a retrouvé, dans les comptes des receveurs, les noms de ces deux artistes. La galerie des Cerfs, dans les M. S. A. L., t. I, p. 107.

4. C'était l'opinion de LIONNOIS, t. I, p. 112.

5. Elle se trouvait sur le mur du réfectoire actuel de l'école Drouot, à droite en entrant.

6. WIENER, Catalogue du Musée lorrain, 7o édition, p. 144 (no 710) et p. 101 (no 338).

COPIE DE LA CÈNE DE LÉONARD DE VINCI.

615 à la tête desquels était un gardien, nommé pour une période assez courte1. En 1788, il renfermait encore vingt habitants 2. De 1723 à 1789, dans l'espace de 66 ans, 175 individus, la plupart Lorrains et Alsaciens, y ont embrassé la profession religieuse3. Très souvent dans la maison de Nancy se sont tenus les chapitres provinciaux et généraux de l'ordre. La bibliothèque des Cordeliers était fort belle; elle fut ornée au XVIe siècle d'un portrait du pape Clément XIV. Ce qui vaut mieux, cette bibliothèque était assez riche et ses livres ont souvent servi. Quelques Cordeliers de Nancy se sont fait un nom dans les lettres. On peut citer parmi eux Jean d'Aucy, confesseur des ducs François Ier et Charles III, auteur d'une série d'ouvrages sur l'histoire de Lorraine et la généalogie de nos ducs; ses livres, demeurés manuscrits, sont remplis de

[graphic][merged small]

(Copie de Léonard de Vinci, avec les portraits du duc Antoine et de Renée de Bourbon.)

fables qui ont été trop souvent répétées par les historiens postérieurs; mais ils contiennent aussi quelques renseignements précieux et mériteraient d'être étudiés d'assez près. Nous leur avons fait, au cours de cette histoire, plus d'un emprunt. Nous nommerons aussi le Père Jacques Saleur, l'auteur de la Clef Ducale de la Sérénissime Maison de Lorraine, ouvrage lui

1. Mémoire de 1619 dans Doм CALMET, Notice de la Lorraine, II, col. 40; Déclaration des Cordeliers en 1790, A. D., Q, 355.

2. Onze prêtres, savoir: Thomas Schevandé, gardien; Apollinaire Hussenot, vicaire, maître des novices; Bernardin Zens, ex-visiteur; Jean-Baptiste Colné, Jean-Marie Thouvenin, Alexis Deseaux, Clément Trompette, Hubert Cunin, Timothée Simpy, André Daux, Victor Maillet; deux clercs: Gabriel Graff et Laurent Jacquemin; deux novices clercs: Jérôme Træsel et Louis Miller; quatre laïques profes: Didier Chevillon, Antoine Kiferlet, Dorothée Gourel, Balthasar Guérin; un novice convers: Sébastien Fleurentin. A. D., H, 828. Le 14 décembre 1790, la municipalité de Nancy comptait 29 Cordeliers. LEPAGE, Les Archives de Nancy, IV, p. 78.

3. Les registres de ces années nous ont été conservés, A. D., H, 831. Voir la liste de ces religieux chez l'abbé GUILLAUME, Cordeliers et chapelle ducale de Nancy, n. 30.

4. La bibliothèque des Cordeliers renfermait, à la fin de 1793, 3,635 volumes formant 2,286 ouvrages, qui furent confisqués par la nation et apportés dans la salle de l'Université. Cf. FAVIER, Coup d'œil sur les bibliothèques des couvents du district de Nancy pendant la Révolution, 1883, p. 26. 5. Sur Jean d'Aucy, voir la Bibliothèque lorraine de DOM CALMET, col. 63. M. COLLIGNON a commencé à étudier ses ouvrages: Une source de Jean d'Aucy dans son Epitome, dans les A. D. E., 1894, p. 583.

aussi plein de légendes, et qui valut à l'auteur, coupable d'avoir exalté la maison de Lorraine, les inimitiés du gouvernement français1. Enfin et surtout il faut mentionner le Père Claude-Robert Husson, membre de l'Académie royale de Nancy, qui a composé, en 1766, un remarquable livre sur Jacques Callot2, enterré aux Cordeliers; il rend pleine et entière justice au grand graveur nancéien : les biographes modernes ne cessent de puiser dans ce volume. Dans le couvent, quelques religieux savaient manier le pinceau avec art. Nous possédons un graduel et un antiphonaire en trois tomes, qu'un Cordelier a ornés au xvi siècle de fort belles majuscules et de miniatures d'une facture très délicate3. La maison de Nancy était aussi un foyer de vie religieuse. Le Père Hugo, Prémontré, put écrire au début du xvme siècle : « Le monastère des Cordeliers de Nancy a fait refleurir de nos jours le premier esprit de l'ordre et l'a ensuite transmis à plusieurs maisons +. »

Après le couvent, l'église des Cordeliers doit nous arrêter plus longtemps. Cette église évoque tant de souvenirs! M. l'abbé Guillaume a jadis mis comme épigraphe en tête de son livre sur les Cordeliers: La Lorraine est toute là. S'il y a quelque exagération dans cette phrase, si la même épigraphe pouvait aussi justement servir pour la collégiale Saint-Georges, du moins doit-on convenir que sous ces voûtes se sont passées beaucoup de scènes importantes de notre histoire.

L'église qui subsiste encore aujourd'hui est celle même qui a été élevée par René II et qui a été consacrée en 1487. Elle est construite dans le style qu'on nomme le gothique flamboyant. Elle est composée d'une simple nef voûtée, sans transept. Les nervures de chaque travée, brisées en divers endroits, sont fort curieuses à étudier. La voûte du chœur a malheureusement été refaite au temps de Léopold, dans un tout autre style, qui jure avec celui du reste de l'édifice. A l'entrée de ce chœur, les tiges des anciennes nervures demeurent rompues, et, comme l'a dit pittoresquement l'abbé Guillaume, « elles semblent attendre les rameaux dont on les a séparées». Autrefois, l'église était ornée de belles verrières représentant des sujets tirés de l'Ecriture sainte; les vitraux ont été démolis sous la Révolution. Aujourd'hui, l'on a même muré les fenêtres du côté gauche, une seule exceptée: l'édifice ne reçoit le jour que des baies de droite.

1. L'ouvrage in-folio parut en 1663. Cf. Bibliothèque lorraine, col. 862. BEAUPRÉ, Recherches sur les commencements de l'imprimerie en Lorraine, p. 465. NOËL, Catalogue, t. I, p. 300. Les Cordeliers étaient demeurés très fidèles à la famille ducale et leur couvent était le centre de l'opposition pendant les occupations françaises.

2. Éloge historique de Callot, noble lorrain. A Bruxelles, 1766.

3. Bibl. de Nancy, ms. 22 (437) et 23-25 (437). Cf. Catalogue de M. FAVIER, p. 128.

4. Vie de René II, Bibl. de Nancy, ms. 792 (88), p. 268.

5. Cordeliers et chapelle ducale de Nancy, p. 33.

6. Ces verrières dataient de diverses époques et étaient l'œuvre de différents artistes. M. GunLAUME, o. l., n. 43, p. XXI, énumère ces artistes. Cf. supra, p. 613, n. 2.

7. Cette fenêtre n'a été rouverte qu'en 1865.

DESCRIPTION DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS.

617

Jadis l'église contenait deux chœurs; ils étaient séparés par un autel en marbre et par deux grilles de fer que Lionnois trouve de fort bon goût1. Le choeur du fond était réservé aux religieux, le précédent aux confrères du tiersordre qui s'étaient multipliés à Nancy aux xvi et xvn° siècles. Religieux et confrères assistaient aux offices dans de belles stalles qui ont disparu en 1793. Quand, en 1818, l'église fut restaurée

[graphic]

pour être rendue au culte, on se contenta d'un seul choeur, et on y transporta les boiseries qui décoraient jadis l'abbaye de Salival. Ces boiseries, du xvne siècle, sont d'un travail magnifique. L'artiste y a représenté des anges jouant de toutes sortes d'instruments, tout un orchestre divin, plein de grâce et de vie.

L'église renfermait autrefois un certain nombre de chapelles, disposées entre les contreforts extérieurs. Elles étaient placées à droite sous l'invocation de Notre-Dame de Pitié, des Rois, du Sépulcre; à gauche sous celle de la sainte Vierge, de saint Bonaventure, de sainte Anne. Aujourd'hui, l'on a disposé dans ces chapelles qui ne sont guère que de petites niches quelques-uns des tombeaux, qui forment le principal ornement de ce temple.

Le portail qui date sans doute de l'époque de Léopold ne présente rien de bien remarquable. Il ne ressemble que de fort loin à ces magnifiques entrées qui, ailleurs, conduisent à une église gothique. C'est une baie ronde surmontée d'un fronton triangulaire

BOISERIE DE SALIVAL

(Aux Cordeliers.)

portant les armes simples de la Lorraine et de Bar. Au-dessus, une rosace est percée dans le mur. Dans le compartiment central de cette rose étaient

1. LIONNOIS, t. I, p. 110.

2. GUILLAUME, Cordeliers et chapelle ducale de Nancy, pp. 225-226. Salival, entre Vic et ChâteauSalins, dans la Lorraine annexée. Les boiseries furent payées par la ville de Nancy 760 francs, plus 400 francs de transport. D'autres boiseries provenant de Salival se trouvent dans le chœur de la Chartreuse de Bosserville, près de Nancy. A l'abbaye de Salival, on travaillait sur bois, mais on a tort d'attribuer à cette abbaye une série de petites sculptures en plâtre ou en albâtre. Voir à ce sujet la note insérée par M. L. WIENER dans le J. S. A. L., 1895, p. 99.

jadis représentées en verres peints les armes pleines de Lorraine et dans les neuf compartiments extérieurs les neuf écussons dont elles se composent1. Longtemps la façade était cachée à la vue par un bâtiment parasite2 qui n'a disparu qu'en l'année 1857 et par un vaste mur dans lequel était percée une porte, donnant accès à l'École normale primaire. D'ailleurs, déjà sous l'ancien régime, un mur que surmontait une sorte de retable avec des figures de saints et contre lequel étaient appuyées des échoppes, séparait le portail de la Grande-Rue 3.

Un clocher, placé à la naissance du chœur, surmontait autrefois l'église et faisait pendant à la coupole de la chapelle ducale. Le clocheton actuel audessus de la façade est tout moderne. Une petite rue séparait jadis l'église des Cordeliers du Palais ducal; on prit l'habitude de la nommer la rue des Cordeliers. Par-dessus cette rue, dès l'origine, une galerie conduisait du palais à l'église directement. Elle se remarque sur le plan de La Ruelle de 1611, comme aussi sur le plan du palais ducal, que Deruet a gravé un peu plus tard. Sous l'occupation française, elle tomba vraisemblablement en ruines; mais elle fut refaite en 1699, après le scandale causé à Saint-Èvre par le sieur de Tillon et la résolution prise par le duc Léopold d'assister aux offices à l'église des Cordeliers+. On voyait encore, en 1851, à l'extérieur de l'église la porte murée où aboutissait cette galerie qui disparut au xvIe siècle, comme la rue même des Cordeliers. Quand Stanislas eut converti en caserne l'opéra de Léopold, qui s'élevait sur les anciens jardins des Cordeliers, il accorda aux religieux, par acte du 27 juillet 1758, cette rue depuis le pavillon royal (extrémité nord du Palais ducal) jusqu'au passage près du nouveau corps de caserne, rue actuelle de la Gendarmerie. Les moines la fermèrent du côté de la Grande-Rue par une porte et y élevèrent toutes sortes de bâtiments parasites. Ils ont disparu en 18736, quand, après la construction de la nouvelle Gendarmerie, a été percée la rue Jacquot, ainsi appelée du nom d'un sculpteur nancéien, l'auteur de la statue qui se dresse lourdement au milieu de notre belle place Stanislas.

A diverses reprises, au moment où l'on parlait de reconstruire Saint-Èvre, on songea à faire les exercices religieux de la paroisse dans l'église SaintFrançois. Un décret du 4 mai 1791 porta même que l'église conventuelle

1. Ces verrières ont dù être refaites à la fin du XVIe ou au début du xvire siècle. Sous Renė II, les armes de Lorraine n'étaient pas encore à neuf quartiers. Sur le compte de 1601 sont portées des sommes payées à Jean Martin, verrier en l'hôtel, et Abraham Aubertin, verrier à Épinal, pour avoir raccommodé et remis en couleur les verrières rompues de l'église des Cordeliers, A. D., B, 7333. Autres réparations mentionnées en 1609, par Jean Martin et Perrin Perrin, B, 7394; en 1629, B, 74272. Charles III avait permis aux religieux de bâtir contre l'église une petite maison composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage.

3. Voir la gravure du Palais ducal, de DERUet.

4. Voir plus haut, p. 184.

5. A. D., H, 830, avec plan.

6. Sur cette question, voir COURBE, Les Rues de Nancy, t. I, p. 345.

7. Voir plus haut, p. 365.

3

« VorigeDoorgaan »