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LE TOMBEAU DE PHILIPPE DE GUELDRE.

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voulurent pas reconnaître et qui, retranché en sa citadelle de Châtel, fit une guerre terrible aux Lorrains? On l'a cru longtemps, et, sur le mur, contre le sarcophage, on a corrigé l'inscription ancienne de la façon suivante: Theobaldi Novi-Castrensis, Burgundiæ marescalli sarcophagus; Tullensis Antoniï Lxx præsulis genitor, obiit annum circa MCDLXXX1. Mais Thiébaut IX, avec sa femme Anne de Châteauvillain, fut enterré à l'abbaye cistercienne de LieuCroissant, où lui fut élevé un magnifique tombeau2. Dès lors, il faut croire qu'il s'agit de Thiébaut, fils aîné de Thiébaut IX, seigneur d'Héricourt, et mort avant son père ; à moins qu'on ne préfère voir dans la pierre des Cordeliers non un tombeau proprement dit, mais un simple cénotaphe qui ne couvrait point le corps, un monument élevé en souvenir du maréchal de Bourgogne en cette Lorraine où il avait frappé de si rudes coups, tandis que les restes funéraires reposaient en une abbaye lointaine de la Comté 3.

En 1822, l'église des Cordeliers allait s'enrichir d'un des plus précieux chefs-d'œuvre de la sculpture lorraine. Nous voulons parler du mausolée de Philippe de Gueldre, seconde femme de René II. Elle survécut de longues années à son mari et mena une vie pleine d'austérités au couvent des Clarisses de Pont-à-Mousson. Elle y décéda à l'âge de 85 ans, le 28 février 1547, et Ligier Richier fut chargé de lui élever un tombeau. Le monument disparut lors de la Révolution. L'acquéreur du couvent, devenu bien national, le plaça dans son grenier, en un village voisin de Pont-à-Mousson, sans doute Vilceysur-Trey. Là, le docteur Lamoureux le découvrit et le fit transporter aux Cordeliers. Le monument de cette reine, devenue disciple de sainte Claire, est bien à sa place dans une église consacrée à saint François.

Ligier Richier venait de terminer la statue de René de Chalon, en d'autres termes le squelette de Bar, lorsqu'il fut chargé de sculpter le tombeau de Philippe de Gueldre. Cette dernière œuvre est peut-être aussi saisissante que la première. Sœur Philippe est couchée là, telle qu'elle fut exposée sur son lit de mort. Elle vient de décéder, et sa figure ridée exprime un calme parfait. La tête et les mains jointes sont exsangues : leur couleur blanche, comme celle de la guimpe, tranche avec la robe noire de l'ordre. A ses pieds, une petite Clarisse agenouillée tient la couronne royale. Nous sentons mieux ainsi le contraste entre les dignités de cette princesse et l'humble vie qu'elle mena §.

A quelques pas du tombeau de Philippe de Gueldre, dans un enfoncement jadis une porte qui menait de l'église au cloître-se trouve un médaillon de Callot. Le grand graveur nancéien était mort le 24 mars 1635; on l'enterra

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1. Décidément, on joue de malheur pour les inscriptions des Cordeliers. Thiébaut IX est mort exactement le 4 décembre 1469.

2. J. Gauthier, Les Inscriptions des abbayes cisterciennes du diocèse de Besançon dans les Mémoires de l'Académie de Besançon, 1883, p. 381. Sur le fils de Thiébaut IX, Henri, fait prisonnier à la bataille de Nancy, cf. supra, p. 508, n. 10.

3. M. PAUL FOURNIER, dans l'Histoire de Chaligny, qu'il prépare, doit reprendre cette question.

4. Il se trouve dans la troisième chapelle à gauche. Cf. l'Appendice à la fin de ce chapitre.

5. Voir sur ce tombeau : C.-A. DAUBAN, Ligier Richier, Paris, 1841, pp. 32-33; CH. COURNAULT,

Ligier Richier, sculpteur lorrain, p. 57, dans la collection des Artistes célèbres.

dans le cloître des Cordeliers et on lui éleva un monument. Sur un médaillon de marbre noir, on peignit en buste son portrait. Mais, comme il a été dit plus haut, ce monument fut détruit, quand le 5 mai 1751 s'écroula une partie du cloître. Tous les artistes lorrains se réunirent alors pour élever à Callot un autre tombeau, plus digne de lui; Girardet en fit le dessin; mais le projet ne fut pas exécuté; le Père Husson se borna à rétablir tant bien que mal l'œuvre primitive'. Le monument ne fut pas épargné en 1793, au moment où furent violés les tombeaux des ducs lorrains; il disparut. Lors de la restauration de l'église, on rechercha avec soin les ossements de Callot, et on les transporta dans le sanctuaire, première chapelle à gauche3. Quelques années plus tard, en 1830, le sculpteur Lépy essaya, d'après la description de Lionnois, de reconstituer l'ancien mausolée. Mais ici non plus il n'eut pas la main heureuse. Sur une pyramide il a placé, dans un cartouche ovale, le médaillon en pierre de Callot que soutient un génie d'une facture fort médiocre, et après lequel pendent les armoiries du graveur. Comme écrit Meaume, « le monument fait plus d'honneur aux bonnes intentions qu'au goût de ceux qui ont présidé à son érection ». Depuis quelques années, il a été déplacé et amené à l'endroit où il se trouve actuellement, au milieu de l'église, contre le mur de gauche. Sur le socle de la pyramide, Miller-Thiri a reproduit l'ancienne épitaphes:

Viator,

Si legis, habes quod mireris et imitari coneris.

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Jacobus CALLOT, nobilis Nanceianus, calcographiæ peritia, proprio marte nulloque docente magistro, sic claruit, ut dum ejus gloria Florentiæ floreret, ed in arte princeps sui temporis, nemine reclamante habitus ac a summo Pontifice, Imperatore nec non Regibus advocatus fuerit, quibus serenissimos Principes suos anteponens, patriam repetiit ubi Henrico III06, Francisco II°, Carolo IV ducibus, calcographus sine pari, maxime cordi, patriæ ornamento, urbi decori, parentibus solatio, concivibus deliciis, uxori suavitati fuit, donec ætatis XLIII, animam cœlo maturam mors immatura dimittens XXIV Martii MDCXXXV7 corpus charissimæ uxori Catharina Kuttinger fratrique mærentibus, hoc nobilium majorum sepulchro donandum relinquens principem quidem subdito fideli, patriam alumno amabili, urbem cive optimo, parentes filio obedienti, uxorem marito suavissimo, fratrem fratre dilecto privavit, at nominis et artis splendori non invidit.

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On aurait peut-être dû ajouter à cette verbeuse légende, à cette période

1. Voir MEAUME, Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Nancy, 1853, p. 128 et ss. 2. L'ancienne inscription et des débris du médaillon de Callot ont été conservés longtemps à la bibliothèque de la ville; ils ont ensuite été cédés au Musée lorrain et ont péri dans l'incendie de 1871. Ils nous paraissent être provenus, non du monument primitif, mais de celui qu'a rétabli le P. Husson. 3. Sous le tombeau, dans la première chapelle de gauche, on a retrouvé une grande quantité d'ossements et plus de quinze têtes. C'étaient les ossements recueillis avec ceux de Callot dans le cloître des Cordeliers. (J. S. A. L., 1865, p. 213.)

4. MEAUME, o. l., p. 133. Primitivement, le buste de Callot était peint; Lépy l'a sculpté.

5. Cette inscription a été donnée par MEAUME qui a reproduit l'épitaphe conservée de son temps à la bibliothèque; l'inscription actuelle est conforme au texte de MEAUME. Le texte de LIONNOIS, t. I,

p. 136, donne: Maximis cordi au lieu de maxime cordi, et d'autres variantes.

6. Ceci est une erreur évidente de l'ancienne inscription. Il faut lire: Henrico II°

7. LIONNOIS donne, par suite d'une faute d'impression, 1631.

LE MONUMENT DE CALLOT.

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latine bien balancée, le simple vers latin et le quatrain français transcrits autour de l'antique monument :

Stabit in æternum nomen et artis opus

En vain tu ferais des volumes

Sur les ouvrages de Callot;

Pour moi je n'en dirai qu'un mot:

Son burin vaut mieux que nos plumes1.

En avançant dans l'église, nous trouvons, en face de la chaire à prêcher moderne, une statue de Charles V, habillé en costume de guerrier romain. La statue a été achetée en 1830, par M. Noël, du consentement des souscripteurs du monument de Léopold, à M. Michel, marbrier, pour une somme de 200 francs2. L'œuvre est médiocre; une courte inscription placée à côté dans un cartouche qu'encadrent deux drapeaux peints porte: A la mémoire de Charles V, duc de Lorraine et de Bar, défenseur de la for chrétienne, vainqueur des Ottomans, inhumé dans les caveaux de cette église le 19 avril 17003.

Nous voici précisément en face du monument de Léopold.

Léopold, à la fin du xvme siècle et au début de ce siècle, était fort populaire; on le considérait comme le dernier des Lorrains et on se plaisait à l'orner de toutes les vertus. Aussi, en 1828, quelque temps après la restauration des Cordeliers et de la chapelle ducale, le notaire Noël lança une souscription pour élever dans l'église une statue au «< prince qui fut chéri de son peuple comme un père, comme un frère, et ainsi que celui qui se dévoue pour le bien de tous: comme un patriote3». L'inauguration devait coïncider avec le centième anniversaire de sa mort. Le roi Charles X fournit le marbre; on adopta un plan assez grandiose; mais la Révolution de Juillet survint et fit du tort à la collecte. On réunit une somme d'environ

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1. HUSSON, Éloge historique de Callot, p. 75; LIONNOIS, l. l.

2. Voir la brochure indiquée p. 638, n. 1.

3. Inauguration du monument de Léopold, p. 17.

STATUE DE LA FOI AUX CORDELIERS (Par César Bagard.)

6,000 francs dont 2,000 donnés par l'empereur d'Autriche. La statue devint un simple buste; et, après diverses péripéties, le buste fut inauguré le 15 novembre 1840. Aucune autorité n'assista à la cérémonie, tant on redoutait dans notre Lorraine le reproche de séparatisme! Mais l'abbé Marchal, alors curé d'Heillecourt, fit après la messe un discours éloquent'; il y montra son amour profond pour le petit pays lorrain qu'il a toujours vaillamment servi par ses écrits; il contribua aussi à répandre la légende d'un Léopold idéal, bien différent de celui de la réalité, au moment même où Noël consacrait à ce prince une étude enthousiaste 2.

Le buste de Léopold, sculpté par Lépy, est médiocre ; il allonge encore la longue figure du duc. Il s'appuie contre une grande pyramide fort disgracieuse; mais celle-ci est flanquée de deux statues de femmes, l'Espérance et la Foi, qui méritent un examen attentif. Elles sont l'œuvre du grand sculpteur nancéien du xvne siècle, César Bagard. Jadis elles décoraient, dans l'église du collège des Jésuites, devenue plus tard la paroisse Saint-Roch, le tombeau de l'évêque de Toul, Jean des Porcelets de Maillane (1608-1624); elles entouraient un génie qui tenait en un médaillon ovale le portrait du prélat 3. Elles furent données en 1792 à la ville qui les déposa dans son musée de la chapelle de la Visitation. La ville les abandonna pour encadrer le monument de Léopold; ici, certainement, le cadre l'emporte sur le motif principal. Sur le socle de la pyramide, on a placé l'inscription suivante :

A LEOPOLD

DUC DE LORRAINE ET DE BAR,

SON RÈGNE FUT UNE ÈRE DE BONHEUR.

POUR PERPÉTUER LA MÉMOIRE DE CE GRAND PRINCE,

LA RECONNAISSANCE DES LORRAINS

A VOTÉ CE Monument l'année séculaire de sa mort, 1829.

1. Le discours de l'abbé Marchal et tous les documents relatifs à la souscription sont réunis dans une brochure: Inauguration du monument élevé à S. A. R. Léopold, le 15 novembre 1840. Nancy, Dard, in-8° de 40 pages, 1840-1841.

2. Mémoires pour servir à l'histoire de la Lorraine, no 5, Nancy, 1840. L'histoire sincère et authentique de Léopold a été racontée par M. BAUMONT : Études sur le règne de Léopold. Nancy, Berger-Levrault et Cie, 1894. M. Baumont a rétabli la vérité.

3. Le génie portant ce médaillon se trouve aujourd'hui au Musée lorrain. (L. WIENER, Catalogue, e édition, p. 65, no 3.)

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