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lieu la tragédie dont fut victime la belle et malheureuse Ignès de Castro, maîtresse de l'héritier de la couronne, le prince dom Pedro. Quand celui-ci succéda à son père, il fit saisir les assassins de dona Ignès et en tira une vengeance horrible. Ayant prouvé, suivant le récit traditionnel, la légitimité de son union, il fit retirer du tombeau le corps de sa maîtresse, et l'ayant fait placer sur un trône, la couronne royale sur la tête, il commanda à la cour et au peuple de venir rendre hommage à cette souveraine posthume. Il faut lire dans Camoëns l'admirable et touchant récit de cette histoire tragique.

Dom Pedro fut un roi populaire. Son amour de la justice et sa sévérité envers les criminels de toute sorte lui méritèrent le surnom de Justicier.

En effet, il fut en son royaume l'initiateur de cet esprit, développé ensuite par les légistes, qui tendait à faire disparaître toute catégorie et tout privilège devant une jurisprudence commune, s'inspirant uniquement de motifs humains. Hauts fonctionnaires de l'Église, nobles et plébéiens, il soumit tout le monde au même traitement; à un prêtre qui voulait être jugé par le tribunal ecclésiastique il répondit en disant : « Qu'on le pende immé

diatement pour qu'il puisse aller trouver au plus vite son juge Jésus-Christ. » Le vieux chroniqueur de son règne nous apprend qu'ayant toujours un fouet à sa ceinture, il lui arrivait souvent de faire justice de ses propres mains : un évêque fut un jour victime de cette habitude peu royale. C'est lui encore qui, pour en finir avec les prétentions de Rome, établit en Portugal le placet pour les bulles et lettres pontificales. Le moyen âge était bien mort!

Le successeur de dom Pedro, Ferdinand, compromit, par sa faiblesse et ses coupables amours, l'indépendance du royaume; mais on lui doit, en revanche, d'avoir largement protégé la marine naissante du Portugal.

A sa mort, le roi de Castille se présenta avec une armée pour faire valoir les droits de sa femme, fille unique de Ferdinand, à la succession de son père.

Cette crise montra d'une manière évidente combien le sentiment national était déjà vif et profond; la résistance héroïque qu'il inspira mit hors de doute qu'une nation vraiment distincte s'était formée là.

Dom Jean, grand maître de l'ordre d'Avis et fils naturel du roi dom Pedro, se fit le chef de cette résistance. Il fut secondé par le dévouement de Nuno Alvares, le Bayard portugais,

le plus pur et le plus héroïque des derniers représentants de la chevalerie méridionale.

La bataille d'Aljubarrola trancha la question. L'armée portugaise, très inférieure en nombre, battit complètement les Castillans, dont le roi ne dut son salut qu'à la fuite. Du côté des Portugais, on remarquait surtout un corps de jeunes chevaliers, portant chacun les couleurs de leur dame et marchant au combat précédés d'une bannière verte. C'était l'aile des Amoureux, a ala dos Namorados.

La journée d'Aljubarrola marque l'irrévocable constitution du Portugal en tant que nation. Il pourra bien plus tard être passagèrement annexé à la monarchie espagnole, mais, nationalité distincte, il saisira la première occasion pour recouvrer sa vie indépendante.

Après cette bataille mémorable, les Cortès, ou Etats généraux, comme on dirait en France, furent convoqués à Coïmbre, et sur l'éloquent plaidoyer du docteur Jean das Regras, type éminent du légiste de l'époque, dom Jean fut proclamé roi. Avec lui commence la dynastie d'Avis.

Le Portugal, définitivement sûr de lui-même, put enfin commencer son épopée maritime.

Dom Jean, qui fut un grand roi, eut encore

le bonheur d'être le père d'une suite de princes hors ligne, ses plus actifs collaborateurs. L'un de ceux-ci, le prince dom Henri, prit la direction des expéditions maritimes. Son génie devina le rôle historique réservé à sa patrie, et il y consacra toute sa vie, toute son intelligence, tout le prestige de sa haute position.

Nous sommes ainsi arrivés à la phase caractéristique de la petite nationalité dont je rappelle aujourd'hui les services, sous les auspices de son grand poète.

Mais il nous faut, pour apprécier convenablement les progrès accomplis par les Portugais dans la navigation et dans l'exploration maritime, reprendre les choses d'un peu loin.

II

L'INFANT DOM HENRI.

Le développement de la navigation hauturière date de l'introduction de la boussole et des instruments qui permettent de déterminer la position du navire en mer. Les anciens dans leurs voyages ne s'éloignaient pas des côtes et se guidaient simplement d'après les astres, parmi lesquels ils choisirent naturellement ceux que l'observation avait indiqués comme restant toujours visibles au-dessus de l'horizon.

C'est aux Phéniciens que l'on doit les progrès accomplis par les anciens dans l'art nautique. Leurs navires visitèrent toutes les côtes de la Méditerranée, dépassèrent les colonnes d'Hercule et remontèrent le long de la côte occidentale de l'Espagne, installant partout des colonies et établissant des rapports suivis entre les peuples du bassin de la mer Intérieure. Les Grecs, par leurs nombreuses colo

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