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Dans peu de jours les livres composant la bibliothèque de M. Decaisne, ces livres qu'il aimait tant, vont être dispersés au vent des enchères. Je voudrais profiter de ce moment où l'attention du public botanique est encore une fois ramenée vers l'homme excellent que nous avons perdu l'année dernière, pour unir ma voix aux voix autorisées qui ont dit sa vie et ses œuvres, pour donner à sa mémoire un suprême témoignage d'affection et de regrets (1).

J'ai eu le bonheur d'être étroitement lié avec deux des

(1) Aux funérailles de M. Decaisne, de nombreux discours ont été prononcés, au nom du Muséum, par MM. Frémy et van Tieghem; au nom de l'Institut, par M. Bouley; au nom de la Société botanique, par M. Duchartre; au nom des Sociétés d'agriculture et d'horticulture, par MM. Barral et Lavallée. Ces discours ont été reproduits dans le « Bulletin de la Société botanique de France », t. XXIX, p. 54. Des notices

121410

JB.BAILLIERE & FILS

1. MAI 83

PARIS

19.PUE HAUTEFEUILLE.13/

1

VI

BIOGRAPHIE DE J. DECAISNE

plus chers et des plus anciens amis de M. Decaisne qui ont été mes maîtres: M. Léveillé, chez qui je lui.fus présenté en 1849, M. G. Thuret, son élève, avec lequel il maintint, pendant près de 50 ans, les rapports les plus affectueux et les plus confiants. Il voulut bien m'associer à l'amitié qu'il leur portait, et quand la mort de M. Thuret me ramena à Paris, notre liaison prit un caractère d'intimité plus complet et plus doux. J'étais pour M. Decaisne un vivant souvenir du passé. Oubliant la différence d'âge qui nous séparait, il m'entretenait de ses compagnons d'autrefois comme si je les eusse connus personnellement. Et vraiment il ne se trompait qu'à moitié, car leurs noms m'étaient devenus familiers par une longue fréquentation avec leurs contemporains, et je connaissais, pour les avoir entendus bien souvent raconter, les événements auxquels ils avaient été mêlés. Une autre circonstance m'a permis de pénétrer plus avant encore dans l'existence de M. Decaisne. Jusqu'au moindre billet, il conservait toutes les lettres qu'il recevait. J'ai été chargé de classer cette vaste correspondance, j'ai vu sa vie entière se dérouler sous mes yeux et c'est assurément une des plus simples, des plus droites et des meilleures qui se puissent rencontrer.

ont été publiées par M. Bonnier « Revue scientifique » (1882, p. 210), par M. Dehérain « La Nature » (1882, p. 209), par M. C.-E. Bertrand « Archives du Nord de la France » (1882, par M. J.-E. Planchon Flore des serres et des ardins de l'Europe » (1883). J'ai puisé dans ces divers documents sans avoir cru nécessaire de signaler spécialement chacun des emprunts. Je me suis borné à les citer quand ils avaient une certaine étendue.

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Victor De Caisne, père de M. Joseph Decaisne (1) était Picard. Il est né à Beauchamps, dans le département de la Somme. Venu en Belgique lorsque les Français occupèrent ce pays en 1792, il épousa Marie-Anne-Josephe Maes, d'Anvers. De leur mariage naquirent quatre enfants, une fille et trois garçons, Henri, Joseph et Pierre qui, tous trois, se sont élevés à une place distinguée dans les arts, la botanique et la médecine. Joseph, le second des fils, né le samedi, 7 mars 1807, fut baptisé le 9 à l'église de Bon-Secours. La famille habitait la petite maison située à l'angle de la rue de l'Etuve et de la célèbre fontaine du Manneken-Pis.

En 1812 Mme De Caisne perdit son mari et resta seule pour élever ses enfants. Courageuse et dévouée, elle se consacra tout entière à sa tâche. Son fils aîné fit de la peinture, les plus jeunes suivirent les cours du lycée de Bruxelles. A la suite de revers de fortune et afin de permettre à son fils Henri de se perfectionner dans son art sous la direction de Girodet et de Gros, Mme De Caisne se décida à venir habiter Paris. C'était en 1821; Joseph avait alors 14 ans. A Paris, M. Decaisne acheva ses études

(1) De Caisne est la véritable orthographe du nom. C'est ainsi que l'écrivaient le père et la mère de M. Decaisne. Ce nom se rencontre sous la même forme dans une liste des principaux bourgeois de la ville de Noyon à la date de 1349, qui se trouve dans les archives de Noyon. - Il existe dans le département de l'Oise, près de Noyon, arrondissement de Compiègne, un petit village appelé Caisne, d'où la famille est probablement originaire. Caisne paraît dérivé de Casneus, chesne, chêne (Note extraite des papiers de M. Decaisne). On confond parfois M. le professeur J. Decaisne et M. le Dr Emile Decaisne. Nonseulement les deux personnes sont distinctes, mais il n'existe entre elles aucune parenté.

VIII

BIOGRAPHIE DE J. DECAISNE

chez un maître de pension nommé Menu. En même temps il se mit à dessiner sous les yeux de son frère. Il se plaisait à reproduire les objets d'histoire naturelle et surtout les fleurs.

Le pinceau d'Henri étant la seule ressource de la famille, il fallait que chacun des membres s'employât à alléger le fardeau du frère aîné. Un ami de la maison, le Dr Frapart, témoin des remarquables aptitudes de M. Decaisne, eut l'idée de le placer chez le Dr Bréchet pour dessiner des pièces pathologiques; mais le jeune dessinateur éprouva, en entrant dans l'amphithéâtre de dissection, une telle impression de dégoût, qu'il s'enfuit et ne voulut pas y

retourner.

Il fut plus heureux d'un autre côté. Son goût pour le dessin des fleurs le conduisait souvent à l'école de botanique du Jardin des Plantes. Il s'y lia avec l'aide-jardinier Colin qui était chargé de suivre les herborisations des professeurs pour récolter les plantes et qui l'emmena dans ses excursions. Le zèle et l'intelligence de M. Decaisne furent remarqués du jardinier en chef de l'école de botanique qui le choisit pour remplacer Colin lorsque, en 1824, celui-ci quitta le Muséum. C'est à cette époque que M. Decaisne, âgé de 17 ans, fut mis en rapport avec M. Adrien de Jussieu.

La bêche et le râteau étaient de lourds outils pour des mains qui n'avaient touché que la plume ou le crayon; aussi, à la fin de sa première journée de travail, les mains du jardinier novice étaient-elles endolories et blessées. Lorsque, en rentrant chez lui, souffrant, passablement décuoragé, il montra à sa mère ses mains chargées d'ampoules, celle-ci les sai

BIOGRAPHIE DE J. DECAISNE

IX

sit et les baisa. Je fus alors soulagé de ma peine, disait M. Decaisne de qui je tiens ce touchant détail, et jamais plus je n'eus la pensée de me plaindre.

Entre 1824 où il entra au Jardin et 1833 où Adrien de Jussieu l'attachant, comme aide-naturaliste, à la chaire de botanique rurale, fixa définitivement sa carrière, se placent huit années d'obscurs et pénibles labeurs. M. Decaisne traversa successivement les diverses parties du service de la culture où il s'initia à la connaissance pratique des plantes et aux opérations variées de l'horticulture. Mais il ne se bornait pas à remplir son travail obligatoire. Tout le temps qu'il avait libre était employé à analyser des plantes et à dessine.. Pour augmenter ses matériaux d'étude, il allait le dimanche, de grand matin, à Montrouge, visiter les serres de Cels, le grand introducteur de nouveautés de l'époque, où il obtenait des fleurs des espèces exotiques qu'il ne trouvait pas au Jardin du Roi. La journée se passait à les examiner; la rencontre de types inconnus excitait son enthousiasme, et plus d'une fois la nuit surprit à sa table de travail le jeune et ardent botaniste. C'est ainsi qu'il se reposait des fatigues de la semaine. Il dessinait, en outre, pour divers auteurs, donnait des leçons de botanique et perfectionnait son instruction dans ce qu'elle avait d'incomplet. Parfois il était appelé près d'Ant.-L. de Jussieu pour relire et copier les descriptions de plantes que celui-ci, déjà aveugle, continuait à écrire d'une main défaillante. M. Decaisne employait toute sa sagacité à déchiffrer ces caractères souvent presque illisibles; car il avait remarqué l'expression de chagrin que prenait le visage de l'illustre savant lorsqu'il ne réussissait pas à les lire.

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