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Labourdonnais avaient perdu leur récolte pendant deux années successives; la sécheresse d'abord et des nuées de sauterelles ensuite avaient tout détruit. Dans le port de l'Ile-de-France, cinq vaisseaux étaient à l'ancre un de quarante-quatre canons, un autre de quarante et un, le troisième de trente-six, qui venait de sortir du chantier, le quatrième de vingtsix, et enfin un petit bâtiment appartenant en propre à Labourdonnais. Il fallait les équiper dans un moment où régnait une horrible disette, et où l'on attendait les bâtiments envoyés chaque année par la compagnie des Indes, bâtiments qui pouvaient être pris par les Anglais, s'ils n'étaient pas secourus.

Aux intempéries des saisons, qui avaient tari les ressources des îles, s'étaient joints d'autres mécomptes. Un vaisseau envoyé dans l'Inde pour en rapporter du riz était revenu à vide, et le Saint-Géran chargé de vivres avait sombré sur l'île d'Ambre, en vue de l'Ile-de-France, dont toute la population avait assisté avec épouvante aux péripéties du naufrage. Les engagements, sur lesquels Labourdonnais comptait pour compléter les équipages de ses navires, cessèrent par la terreur qu'inspira ce drame effroyable, et il dut avoir recours à des enrôlements de nègres. Tous ses préparatifs étaient enfin terminés au mois de mai 1745, et après avoir vainement attendu les vaisseaux de la Compagnie, il venait de fixer le 1er août pour son entrée en campagne, quand, le 28 juillet, une frégate de l'État lui annonça l'arrivée prochaine de cinq bâ

1 C'est le naufrage du Saint-Géran que Bernardin de Saint-Pierre décrit dans son roman de Paul et Virginie,

timents qu'il pourrait armer en guerre, et lui remit une commission royale, qui lui conférait le commandement de tous les vaisseaux de la compagnie des Indes. Les navires annoncés pour le mois de septembre n'arrivèrent que le 28 janvier 1746. Ils étaient en mauvais état et avaient consommé tout leur approvisionnement pendant une traversée de neuf à dix mois.

Labourdonnais au patriotisme

fait un appel

de ses officiers;

il forme lui

même des ouvriers, des

à la fois contre

les difficultés et le mauvais subordonnés.

matérielles

vouloir de ses

Labourdonnais, obligé de ménager les vivres destinés à sa flotte, commença par réduire les rations au plus strict nécessaire. Assemblant ensuite les officiers qui devaient agir sous son commandement, il leur lut les ordres du roi et, après une saisis-marins et lutte sante peinture de la situation des Indes, des pertes que la France venait d'y éprouver, et de la nécessité de réparer ces désastres, il termina son allocution par un chaleureux appel à leur patriotisme et à leur sentiment du devoir. Plusieurs, électrisés par sa parole énergique, promirent de seconder ses projets, tandis que d'autres, regrettant les bénéfices qu'ils comptaient faire sur les pacotilles apportées par eux d'Europe, se plaignirent hautement d'avoir été trompés par la Compagnie et déclarèrent qu'ils étaient obligés de défendre leurs vaisseaux, mais non d'attaquer ceux de l'ennemi. Après avoir imposé silence aux plus mutins, en les menaçant de faire au besoin cesser les résistances par la force, Labourdonnais s'occupa, sans perdre un instant, de mettre sa flotte en état de prendre la mer. Comme une maladie épidémique avait enlevé une partie des ouvriers de la marine, il dut former des ateliers avec les hommes dont il pouvait disposer. Des serruriers

Labourdonnais instruit la

difficultés de

furent employés à forger les clous, des menuisiers à préparer les pièces de bois nécessaires, des tailleurs à coudre les voiles. Présent partout, s'occupant de tout, le gouverneur de l'île de France façonnait luimême des modèles pour guider l'inexpérience des ouvriers ou leur montrait de quelle façon ils devaient exécuter leur travail. Des ateliers de radoub il passait dans les casernes où il avait logé ses troupes, amas disparate de noirs, de blancs, d'anciens marins, d'hommes de tous états. Il leur apprenait le maniement des armes et la manœuvre, ou les exerçait au tir. Invitant fréquemment les officiers à sa table, Labourdonnais les interrogeait pour s'approprier les fruits de leur expérience ou leur dévoilait ses projets afin d'obtenir leur adhésion. Beaucoup d'entre eux, incapables de comprendre ses desseins, avaient fini par refuser ses invitations, sous prétexte qu'ils étaient trop vieux pour aller à l'école, et Labourdonnais, réduit au concours des plus intelligents, armait avec leur aide ses navires, qu'il envoyait au fur et à mesure compléter leur approvisionnement à Madagascar, en attendant qu'il allât les y rejoindre.

Décidé à se rendre sur les côtes du Malabar où il Compagnie des comptait rencontrer les vaisseaux anglais partis de sa position, Surate, Labourdonnais donna ses dernières instrucavant de mettre tions à M. de Saint-Martin, qui devait commander en 24 mars 1746. son absence, et s'apprêta enfin à mettre à la voile.

à la voile le

Avant de s'embarquer, il rendit compte à la Compagnie de ce qu'il avait fait, de ce qu'il comptait faire, en lui donnant l'assurance « que, malgré les murmures et la mauvaise volonté d'une partie des équi

timents qu'il pourrait armer en guerre, et lui remit une commission royale, qui lui conférait le commandement de tous les vaisseaux de la compagnie des Indes. Les navires annoncés pour le mois de septembre n'arrivèrent que le 28 janvier 1746. Ils étaient en mauvais état et avaient consommé tout leur approvisionnement pendant une traversée de neuf à dix mois.

Labourdonnais

fait un appel

au patriotisme

de ses officiers;

il forme lui

même des ouvriers, des

à la fois contre

les difficultés et le mauvais subordonnés.

matérielles

vouloir de ses

Labourdonnais, obligé de ménager les vivres destinés à sa flotte, commença par réduire les rations au plus strict nécessaire. Assemblant ensuite les officiers qui devaient agir sous son commandement, il leur lut les ordres du roi et, après une saisis-marins et lutte sante peinture de la situation des Indes, des pertes que la France venait d'y éprouver, et de la nécessité de réparer ces désastres, il termina son allocution par un chaleureux appel à leur patriotisme et à leur sentiment du devoir. Plusieurs, électrisés par sa parole énergique, promirent de seconder ses projets, tandis que d'autres, regrettant les bénéfices qu'ils comptaient faire sur les pacotilles apportées par eux d'Europe, se plaignirent hautement d'avoir été trompés par la Compagnie et déclarèrent qu'ils étaient obligés de défendre leurs vaisseaux, mais non d'attaquer ceux de l'ennemi. Après avoir imposé silence aux plus mutins, en les menaçant de faire au besoin cesser les résistances par la force, Labourdonnais s'occupa, sans perdre un instant, de mettre sa flotte en état de prendre la mer. Comme une maladie épidémique avait enlevé une partie des ouvriers de la marine, il dut former des ateliers avec les hommes dont il pouvait disposer. Des serruriers

La baie d'Antongil à

Madagascar.

Tentative

des Français

pour y former

un établissement en 1733,

font échouer.

et le péril disparut. Labourdonnais n'ayant plus en vue que le Lys de trente canons, se dirigea avec lui vers la baie d'Antongil, sur la côte nord-ouest de Madagascar, non loin de l'île Sainte-Marie.

Cette baie, la plus vaste du monde et la plus sûre par l'excellence du fond, s'ouvre du côté de la mer comme pour faciliter l'entrée aux navires, et offre sur une profondeur de douze à quatorze lieues une les querelles largeur de huit. Séduite par la sécurité que cette rade d'un ingénieur présentait, par la richesse des terres avoisinantes, par de marine la la population nombreuse qui en habitait les bords, la compagnie des Indes s'était déterminée à y fonder un grand établissement. Elle espérait y rencontrer des facilités pour l'approvisionnement de ses colonies en nègres et en bestiaux. Envoyés, en 1733, dans ces parages avec trois bâtiments, le capitaine de vaisseau L'Hermite et l'ingénieur en chef Cossigny avaient donc acheté une partie de l'île Marosse, espèce de pain de sucre de deux lieues de circuit qui s'élève au fond de la baie. Tout avait favorisé leur entreprise : le roi du pays, Adrien Baba, avait cédé à peu de frais aux Français le terrain qu'ils désiraient, et les petits chefs de la partie concédée s'étaient empressés de prêter serment de fidélité. Cossigny commençait déjà à bâtir un comptoir et les fortifications qui devaient le protéger, quand une querelle de prérogatives s'éleva entre lui et le capitaine L'Hermite. L'amour-propre irrité des deux fonctionnaires amena entre eux une rupture suivie de l'abandon de l'établissement. Ils venaient de se rembarquer, lorsque Adrien Baba, curieux d'examiner les travaux de ses amis les Français,

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