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Emportés par des passions effrénées, les colons français avaient déployé dans l'Inde une énergie étrangère aux courtisans de Versailles. Le but qu'ils poursuivaient, l'existence agitée qu'ils menaient avaient développé chez eux un mélange de vices et de vertus héroïques, qui contrastait étrangement. avec les petites ambitions des familiers du châ

teau.

Le gouvernement tendait de plus en plus à se concentrer entre les mains de la nouvelle maîtresse du roi. Entrée à la cour comme une parvenue et s'y sentant déplacée, elle commença par étudier le monde nouveau au milieu duquel elle était appelée à vivre. En correspondance réglée avec le roi durant la campagne des Flandres, ne se mêlant d'aucune affaire publique, acceptant avec reconnaissance toutes les avances des vieux habitués de Versailles, elle s'appliqua d'abord à se rendre compte du caractère de Louis XV et des moyens à employer pour assurer son influence sur lui. Hormis la chasse, dont il fit tenir pendant tout son règne un journal minutieux, où était inscrit avec soin le nombre des daims, des cerfs, des chevreuils qui avaient été abattus ou manqués, qui avaient été lancés par la petite meute ou la grande meute; hormis le jeu, pour lequel il avait une passion

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l'artillerie au siége de Madras), manuscrit de la Bibliothèque royale, Supplément français, 304. - Fastes de la marine française, Combat de Lestanduère.-Mémoires du duc de Luynes, t. VIII, p. 33, 211; t. IX. p. 179. - Mémoires de Mahé de Labourdonnais, p. 57 et suiv., 254 et suiv. Collection historique ou Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre terminée à la paix d'Aix-la-Chapelle en 1748 (Londres), Paris, 1748, Journal du voyage fait aux Indes sur l'escadre française sous les ordres de Mahé de Labourdonnais, par de Rostaing, capitaine d'artillerie, p. 161 et suiv., 200 et suiv.

Pouvoir croissant de

Mme d'Étiolles,

elle est créée

marquise de et présentée au

Pompadour

roi et à la reine le 15 septembre

1745.

Fêtes à la cour, opéra du

dont plusieurs courtisans s'étaient mal trouvés, comme M. de Firmaçon qui, en une seule soirée, avait perdu onze cents louis; hormis les plaisirs de la table, auxquels il s'abandonnait chaque jour, Louis XV ne se livrait guère à d'autres occupations qu'à celles qu'on lui suggérait. La direction des affaires de son royaume n'avait aucun attrait pour lui, et il fallait à l'idole que les peuples sont habitués à vénérer sous le nom de roi, des distractions toujours nouvelles pour remplir les vides de son existence. Comprenant avec sagacité le rôle qu'elle était appelée à jouer, Mme d'Étiolles attendit, pour entrer en scène, que les formalités de son installation à la cour fussent remplies. Louis XV lui fit don du marquisat de Pompadour, et la nouvelle marquise, suivant l'usage, ne tarda pas à être présentée solennellement au roi et à la reine. Lorsqu'elle fut reçue chez le roi, la foule était grande dans l'antichambre; mais peu de personnes avaient été admises dans la pièce où se tenait Sa Majesté. Il en fut autrement chez la reine, où se trouvaient beaucoup de curieux avides de voir comment se passerait l'entrevue. La reine parla à la nouvelle marquise d'une de ses connaissances, Mme de Saissac; le Dauphin la félicita sur le bon goût de sa toilette; Mme de Pompadour répondit par quelques paroles respectueuses, qui furent bien accueillies de la souveraine ; et comptée dès lors au nombre des fonctionnaires de la monarchie, la maîtresse de Louis XV put, à dater de ce jour, commencer à agir.

Il ne fut bientôt plus question à la cour que de Temple de la spectacles, de bals et de fêtes. Chaque jour, la favorite

gloire, Voltaire

et Louis XV. inventait une surprise nouvelle, enappelant les arts

à son aide. Voltaire qui, sur sa demande, avait composé à l'occasion du mariage de la Dauphine sa comédie ballet La Princesse de Navarre, venait d'être nommé historiographe de France et avait payé ce titre par un poëme sur la bataille de Fontenoy. Il fut encore chargé par la marquise d'écrire les paroles d'un opéra intitulé Le Temple de la gloire, qui fut représenté sur le théâtre éphémère que Richelieu avait fait élever dans le grand manége de Versailles. Ennoblissant l'art de la flatterie, Voltaire y représente Trajan tout occupé de ses devoirs et dédaignant la renommée qui vole au-devant de lui; il finit par le placer dans le temple de la gloire devenu celui du bonheur public. Enivré du succès de sa pièce et de la pompe de ses propres vers, tout à coup Voltaire, qui se tenait derrière le roi, le serre dans ses bras et, identifiant Louis XV avec le héros sous le nom duquel il avait voulu le représenter Trajan est-il content? s'écrie-t-il. Un regard de dédain fut la seule récompense qu'obtint cet élan d'enthousiasme, qui ne fut pas puni, ajoute un biographe. Quinze années plus tard, Voltaire, faisant allusion dans une de ses œuvres légères au mensonge officiel dont il s'était rendu coupable, parle « d'un siècle que j'ai entendu, dit-il, nommer le siècle de Trajan. »

Il n'était pas besoin d'un si grand nombre d'années pour que le peuple apprît à apprécier à leur valeur les louanges toujours prodiguées par les courtisans à celui qui dispose de la fortune publique. Les dépenses de la guerre, se cumulant avec celles de ces fêtes somptueuses, avaient porté le budget à une somme énorme. D'après les lettres de validation envoyées à

La nation moins bien

traitée que les Budget de

courtisans.

1745.

la cour des comptes pour l'année 1745', les dépenses avouées s'étaient élevées à 234,327,463 livres, 18 sous, 21 deniers. Si l'on y ajoute les acquits de comptant, qui, lit-on dans l'Encyclopédie, sont des <<< lettres patentes expédiées à la décharge du garde du trésor royal pour certaines sommes remises comptant entre les mains du roi, » et qui s'élevèrent, pour cette année 1745, à 210,980,027 livres, 6 sous, 15 deniers, on trouvera un budget total de plus de 445 millions de livres, somme équivalant aujourd'hui à plus de deux milliards deux cent vingt-cinq millions. Si l'on en retranche trente millions payés à des puissances étrangères, quoique ces dépenses, destinées à demeurer secrètes, ne se fussent pas élevées, d'après le ministre des affaires étrangères d'Argenson, à plus de vingt-huit millions, il reste pour les dépenses personnelles du roi et ses libéralités à son entourage plus de cent quatre-vingt millions, qui feraient aujourd'hui au moins neuf cent millions de francs. On comprend donc aisément les motifs fort peu chevaleresques qui attachent les courtisans au souverain, et l'espèce d'horreur instinctive que rois et fonctionnaires éprou

Ces lettres de validation répondent à ce que l'on appelle aujourd'hui le compte définitif du budget. D'après ces lettres, qui portent deux dates: celle du 4 mars 1755 et celle du 21 juin 1757, c'est-à-dire la date à laquelle le règlement du budget avait été arrêté et celle où il avait été publié, il est évident que la vérification de la légitimité des dépenses n'avait eu lieu que dix années après qu'elles avaient été faites.

2 Les acquits de comptant, lit-on encore dans l'Encyclopédie, ne sont point libellés; ce sont des lettres de validation qui regardent certaines sommes données manuellement au roi, et que Sa Majesté veut que la chambre des comptes passe en dépense, sans qu'il soit fait mention de l'emploi auxquels on les a destinées, imposant, sur ce, silence à ses procureurs généraux.

3 Voir t. I, p. 218.

général Orry se retire, il est

4

remplacé par décemb. 1746.

Machault d'Arnouville,

vent pour une publicité qui apprendrait aux peuples comment est employé l'argent prélevé sur leur travail. Le contrôleur général Orry, habitué par Fleury à Le contrôleur une économie que l'on avait taxée de parcimonieuse, ne tarda pas à reculer devant des dépenses aussi effrayantes. Tout disposé qu'il était à se rendre agréable, il commençait à redouter la responsabilité qu'il pouvait encourir, quand un dissentiment entre lui et les frères Pâris acheva de le dégoûter du poste qu'il occupait. Il refusa avec obstination de payer les mémoires de Pâris-Duverney, alors engagé dans l'entreprise des vivres de l'armée. Voyant Duverney soutenu par le ministre de la guerre d'Argenson, par Mme de Pompadour et par tous les courtisans qui espéraient retirer quelque avantage de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau contrôleur général, Orry finit par offrir sa démission. Elle fut aussitôt acceptée et l'intendant du Hainaut, M. Machault d'Arnouville, fut appelé à le remplacer.

gouvernement

envers les Protestants pendant

1744 à 1749.

Le gouvernement, qui écrasait la nation d'impôts, Conduite du ne lui laissait pas même ce repos intérieur et cette sécurité dans les relations privées, qu'il est de son devoir strict d'assurer aux citoyens. Contenus par la la période de crainte d'exciter des troubles qui pourraient devenir dangereux en temps de guerre, les fonctionnaires publics veillaient sur les Protestants comme sur une proie qu'ils attendaient le moment de dévorer. «< Il faut tâcher de surprendre quelqu'un des prédicants qui sont l'âme des assemblées, écrivait d'Aguesseau ; cela a produit un très-bon effet dans quelques provinces, surtout en Dauphiné. » Jamais le pays n'a été plus tranquille, mande le commandant du Vivarais,

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