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et se dirigeait à petites journées vers Paris où l'on faisait de grands préparatifs pour la recevoir. A la fin de son voyage, elle coucha à Fontainebleau et arriva à Essonnes le lendemain 6 septembre 1656, vers 7 heures du soir. Là, l'attendait une réception merveilleuse que lui préparait M. Hesselin, Intendant des plaisirs du roi Louis XIV, et propriétaire alors du domaine de Chantemerle, où la Reine de Suède s'arrêta pour passer la nuit.

Hesselin se surpassa et la Reine fut émerveillée et éblouie par la magnificence des représentations qui lui furent offertes. L'eau et le feu jouaient les rôles principaux dans ces divertissements qui étaient très à la mode à cette époque; mais la fête donnée à la Reine Christine par Hesselin, semble avoir été plus magnifique que tout ce qui s'était fait dans ce genre. Un auteur du temps nous a conservé le récit de cette fête, et, en le lisant, on croit entendre un de ces contes de fées dont le récit charmait notre enfance.

L'auteur a fait précéder sa relation d'un éloge de la Reine Christine, éloge que nous reproduisons, ainsi que le récit, car c'est un curieux spécimen de l'art de la flatterie au XVIIe siècle.

Selon l'usage du temps, la fête se termina par un ballet, dont le détail nous a été également conservé.

La relation de ces fêtes n'est pas inédite, elle a été publiée à Paris, en 1656, par M. Lescalopier, Conseiller, Aumônier et Prédi cateur ordinaire du Roy, mais cette plaquette in-4° de 36 pages est d'une telle rareté (nous n'en connaissons que deux exemplaires, l'un à la Bibliothèque nationale et l'autre à l'Arsenal), que l'on peut dire qu'elle est presque inconnue. Et cependant elle offre un grand intérêt pour notre histoire locale, c'est pourquoi il nous a paru utile de la faire connaître en l'insérant dans notre bulletin.

Puisque nous avons parlé de M. Hesselin qui reçut à Chantemerle la Reine Christine, il nous semble bon de donner ici quelques renseignements sur ce personnage, qui a joué un rôle important sous Louis XIV et que l'on ne connaît plus aujourd'hui.

Hesselin a eu au xviie siècle une grande notoriété. C'était un amateur et un collectionneur très entendu, qui, servi par une fortune considérable, avait pu acquérir ou commander des œuvres d'art d'une grande valeur, et avait construit dans l'île Saint-Louis, à Paris, un hôtel aussi remarquable par son aspect extérieur que par les détails de son ornementation.

C'était aussi un homme de plaisir, aux goûts raffinés, qui s'était

fait une spécialité de l'organisation des ballets et des divertissements, si fort en vogue à cette époque (1).

Notre personnage portait le nom d'Hesselin, qui n'était point le sien; il se nommait en réalité Louis Cauchon, et ce nom de Hesselin, qu'il s'était approprié, était celui de sa grand'mère paternelle.

Ce changement fut d'ailleurs régularisé par lettres patentes de décembre 1626, lorsqu'il fut nommé Maître de la Chambre aux deniers.

Hesselin ne possédait pas seulement l'hôtel de l'île Saint-Louis, il avait encore une belle maison de campagne nommée Chantemerle, située à Essonnes, sur la route de Paris à Fontainebleau ; il l'avait acquise avant 1638 et y avait fait de grands travaux. Les auteurs du temps parlent de « la belle maison de M. Hesselin, à Essonnes, où il y a de beaux tableaux, et où rien n'est plus remarquable que ses jardins, ses fontaines, ses bassins, surtout celui de forme triangulaire, où l'eau arrive par une quantité de mascarons disposés tout autour » (2).

La maison de Chantemerle (3), située sur la route de Fontainebleau à égale distance de cette résidence royale et de Paris, devint, en quelque sorte, l'étape habituelle de la Cour et des plus grands personnages français et étrangers. De 1640 à 1660, on trouve, dans les mémoires du temps, le récit des fêtes données par Hesselin dans sa maison d'Essonnes, non seulement aux souverains français mais encore aux monarques étrangers et aux princes, princesses et grands seigneurs de tous pays. La réception de la reine. Christine de Suède fut une des plus brillantes.

Précédemment, en 1646, il avait reçu, le 18 août, la reine d'Angleterre, accompagnée du Prince de Galles, son fils, du Prince Robert, son neveu et d'une suite de 300 personnes. Le 23 août suivant, revenant de Fontainebleau, cette même reine s'arrêta de nouveau chez Hesselin, et de brillantes fêtes eurent encore lieu en son honneur. Le récit serait long des fêtes données ainsi à Chantemerle, mais on peut juger, par le peu que nous en disons, de l'importance qu'avaient à cette époque le seigneur Hesselin et son domaine de Chantemesle.

(1) R. DE CRÈVECŒUR, Louis Hesselin, amateur parisien, intendant des plaisirs du Roi ; 1600-1662. Paris, 1895.

(2) Op. cit.

(3) Au xvII siècle, on écrivait Chantemesle.

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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY.

ASTOR, LENOX AND

TILDEN FOUNDATIONS.

Ce beau domaine de Chantemerle est aujourd'hui morcelé ; l'une des voies nouvelles qui y ont été ouvertes avait reçu le nom de Hesselin.

C'était une idée intelligente qui rappelait une époque de splendeur de ce beau domaine disparu. Mais, pour des motifs que nous ne connaissons pas, on a fait disparaître ce nom historique en lui substituant une dénomination quelconque. Ce changement est doublement regrettable, non seulement parce qu'il efface le souvenir d'un passé glorieux pour Essonnes, mais encore parce qu'il va à l'encontre des intentions de l'homme regretté qui, soucieux de l'histoire de son pays, avait voulu, en donnant le nom d'Hesselin à l'une des rues du nouveau quartier de Chantemerle, fixer le souvenir d'un passé de magnificences qui avaient fait autrefois la gloire et la réputation de la ville d'Essonnes.

Lescalopier,

En terminant cette note, faisons une remarque l'auteur de la relation, écrit Essaune en parlant du village où est situé Chantemerle, tandis que ce nom s'est toujours écrit Essonne et de nos jours Essonnes. L'explication est bien simple: Les habitants de Corbeil et d'Essonnes ont toujours prononcé Essonnes avec l'o grave et long comme s'il était chargé de l'accent circonflexe; c'est incorrect, nous en convenons, mais il y a des siècles que cette incorrection existe et il est difficile de la changer. L'abbé Lescalopier, qui n'était pas de ce pays, a écrit Essaune parce qu'il l'a entendu prononcer ainsi par les habitants de l'endroit. Cette prononciation fautive est l'objet d'une controverse déjà ancienne entre quelques personnes de ce pays, et nous ne sommes pas fâché d'invoquer ici le témoignage de l'abbé Lescalopier, qui nous apprend comment on prononçait, il y a 250 ans, le nom du village mérovingien que traverse la jolie rivière l'Essonne, qui lui a donné son

nom.

A. D.

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