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complet hommage à l'heureux choix des matières, à la nouveauté des détails, à l'intérêt des récits. M. Vallet a répandu sur divers points, notamment sur le tragique épisode de Montereau, une clarté inconnue. On peut dire que, pour la plupart, ce livre sera une révélation, Il me reste seulement à exprimer le vœu que l'imagination qui donne la vie, le mouvement et la chaleur, n'enlève rien désormais à la vérité des aperçus et à la rectitude des jugements (1).

G. DU FRESNE DE BEAUCOURT.

DE QUELQUES AUTOGRAPHES CURIEUX. Nous avons parlé dans notre dernier numéro de la magnifique collection d'autographes réunie par M. Fossé-Darcosse (2) et dont la vente a commencé le 18 janvier. Aujourd'hui nous allons glaner un peu parmi les 4,280 pièces mentionnées ou ana

(1) Je réunis ici quelques observations qui ne méritent d'être relevées autrement que dans une note. Page 61: pas la prise de Coutances et de Carentan n'était point opérée en octobre 1417, elle n'eut lieu que le 16 mars 1418.P. 115: Falaise capitula le 20 décembre 1417, et non le 20 novembre; Henri V était devant les murs de cette ville dès le 1er décembre. - P. 332: Philippe, bâtarde de Bourgogne, n'était point encore en 1422 la femme d'Antoine de Rochebaron; elle ne fut mariée que par contrat de juillet 1429. P. 372: le document de Joursanvault, dont la trace serait perdue, est au nombre des acquisitions de M. Moore, et doit se trouver au British Museum. Enfin je signalerai des passages contradictoires p. 114 et 124 et p. 218 et 219, (2) Par Par une erreur bien involontaire, nous avons annoncé que la vente de la collection de M. Fossé-Darcosse était une vente après décès, et c'est avec un vir plaisir que nous insérons du spirituel autographophile le billet suivant, dont nous le remercions.

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« M. Fossé-Darcosse présente ses compliments et ses souhaits de nouvelle année à M. Lud. Lalanne, sans lui gårder rancune de son homioide involontaire. Il le prie seulement de vouloir bien rectifier, dans le numéro prochain de la Correspondance littéraire, la nouvelle prématurée de son décès, qui pourrait émouvoir, avant l'heure, et ses parents et ses amis. M. Fossé-Darcosse se plaît d'ailleurs à reconnaître que la chose avait quelque vraisemblance, puisqu'il est plus qu'octogénaire; mais

Souvent la vraisemblance a peu de vérité.
(CORNEILLE, Clitandre.)

lysées dans le catalogue qui se compose de plus de 600 pages.

Voici d'abord une demande de logement adressée par Naigeon au Directoire exécutif :

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Je vous prie d'observer que la vieillesse me talonne, qu'il reste à la Parque bien peu de quoi filer, et que si vous tardez beaucoup à me donner "un asile où le fils de l'homme puisse reposer « sa tête, il pourra bien arriver que j'obtiendrai " un logement lorsque je ne serai plus que pous« sière. » Plus loin, je rencontre un extrait trop court d'une lettre de Me Lætitia à son fils Lucien, en date du 12 décembre 1809: « L'Empe« reur va faire divorce avec l'Impératrice, la chose "est décidée et ne tardera pas à être publiée. On " ne s'occupe plus que des formes. Louis va aussi "se séparer d'avec sa femme, mais sans faire divorce... Ne vous montrez pas obstiné, mon cher fils, pour faire ce qu'on vous demande. "J'espère qu'il ne se passera pas longtemps que "nous serons tous contents..."

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Le 11 août 1830, le maréchal Bugeaud écrit d'Excideuil à un général : J'avais renoncé à la carrière, ma position, ma famille, me l'avaient «faite (sic) oublier; mais la patrie réclame tous ses guerriers pour organiser et conduire une bonne armée. Je ne puis hésiter, et je suspens les "jouissances de la famille pour remplir le devoir du patriote. Vous savez que les troupes sont « mon élément; les instruire, les former au moral "comme au physique, les conduire au combat, voilà à quoi je suis essentiellement propre. Si, « pourtant, j'étais placé dans d'autres devoirs, j'y mettrais le même zèle, la même activité; mais peut-être pas le même savoir. Dès le 2, j'avais organisé les gardes nationales..."

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On a vu plusieurs fois sur les catalogues figurer des lettres de voleurs et d'assassins à des collecteurs d'autographes qui n'avaient point bésité à leur écrire pour en obtenir la faveur d'une réponse qu'on ne tardait pas à voir passer dans Célébrités criminelles contient les noms de Laune vente. Dans le présent catalogue l'article cenaire, Lafarge, Contrafatto et trois lettres de deux Sanson, exécuteurs des hautes œuvres. L'une écrite le 12 février 1836, pour répondre à une demande d'autographes, se termine par cette formule: Agréez les assurances de ma parfaite considération et veuillez me croire votre ser vi66 teur... "

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La seconde, du 29 février 1836, est ainsi conçue: Si vous êtes curieux de voir le sort du * nommé Lhuilier se terminer, trouvez-vous de« main à 8 heures à la place Saint-Jacques; il y sera. Votre serviteur..."

Non loin de là se trouve une collection de pièces relatives à l'invention et aux premiers essais de la guillotine, qui porte, très à tort, comme on sait, le nom du docteur Guillotin; pièces parmi lesquelles on remarque la minute d'une lettre, en date du 20 avril 1792, au ministre des contributions publiques, pour l'informer « que M. Schmidt a construit, de concert avec M. Louis, une machine à décapiter, dont l'essai a eu lieu mardi à Bicêtre sur trois cadavres, et que cette machine, qui a produit tout l'effet qu'on peut en attendre, est du prix de 960 liv. »

Dans tous les catalogues un peu importants on est sûr de rencontrer quelques révélations plus ou moins fâcheuses sur de grands personnages. Celui de M. Fossé-Darcosse n'est pas à cet égard moins riche que les autres.

Voici, par exemple, une lettre du marquis d'Aigrefeuille (no 238) qui prouve, dit le catalogue, que la bibliothèque du consul Cambacérès fut formée avec des livres pris dans les bibliothèques publiques,» moyen peu coûteux, et depuis souvent mis en pratique.

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Les lettres littéraires abondent dans la collec❤ tion. Lacretelle jeune écrit, le 14 juillet 1826, à M. Auger, secrétaire perpétuel de l'Académie française pour le féliciter sur sa nomination à la place de secrétaire perpétuel : «..... Je jouis dų << lustre nouveau que vous allez répandre sur une " place déjà si belle; je jouis enfin de la désolation qu'un tel choix va répandre dans le camp des romantiques. Oui, le choix l'a dit, nous ne vou→ «<lons pas laisser enfoncer nos lignes par la bur"lesque audace de ces messieurs... Puisqu'à la « dictature du dictionnaire vous joignez une sorte « de monarchie académique; tâchez d'en user "promptement pour faire accorder à l'Académie " les vacances que l'assiduité tenace de M. Bigot ❝ de Préameneu nous avait fait refuser, etc., etc.» Citons encore celle-ci de Michel Huber, traducteur de Gessner; elle est relative aux littérateurs allemands du XVIIIe siècle : « Je vous envoie, « monsieur, les idées éparses que les remarques de votre jeune littérateur m'ont fait naître. Au « sujet de la prétendue création de trois genres « de poésie, voici ce qui me paraît vrai : c'est « que le nouveau dramatique est celui de Shakespeare; le nouveau roman, celui de Rous«seau, et la nouvelle ballade, celle des Proven"çaux. Lessing, par sa dramaturgie, a monté et « démonté toutes ces jeunes têtes....... Votre « homme dit que Goethe a dû donner à ses pièces « un degré de sublimité que même Shakespeare

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sera bâtie auprès des Invalides. Cet établissement est d'autant plus beau, que Sa Majesté y travaille depuis un an, et que les ministres n'y ont eu nulle part, et ne l'ont seu que lorsqu'il a eu arrangé tout à sa fantaisie...

« Les spectacles de Versailles n'ont pas recommencé. Le Roy veut diminuer sa dépense dans toutes les parties, quoyque celle-là soit peu considérable. Le public croyant qu'elle l'est, j'ay voulu en ménager l'oppinion et montrer l'exemple..."

Le catalogue de M. Fossé-Darcosse, je l'ai déjà dit, est rédigé avec un grand soin et une parfaite honnêteté, ce qui est fort important. Je n'ai à y relever qu'une attribution qui me semble pouvoir soulever quelques doutes que dissipera facilement, du reste, l'examen de la pièce elle-même. Il serait possible que la lettre no 120, donnée comme étant du chevalier Bayard, fût de son contemporain et homonyme Bayart, secrétaire du roi, si ma mémoire ne me trompe point, et dont il existe de nombreuses lettres à la Bibliothèque impériale. Je n'ose pas, du reste, l'affirmer; mais la similitude du nom et des temps pourrait induire en erreur le plus habile et le mieux intentionné.

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« ces dits mémoire étoient véritable, je n'ay pas refusé de le faire puisque le marchant avoit fourny sa marchandise et que l'ouvrier avoit travayé; mais tous ces objets ne sont point resté à ma possession; M. de Beauharnois a tout fait vendre aussitôt son arrivée à Paris, il doit mieux sçavoir que personne ce que sont devenus les meubles; je lui ay envoyer par la gouvernante de son fils il n'y a pas un mois la note de ce que « j'ay en ma possession qui consiste en très peu de chose. Quand aux bijoux et diamant, j'ay ❝ été bien susprise d'une note que m'a remis mon « beau père, il y a quinze jours, qui lui a été adressé par le jouaillier qui les avoit fournis; "c'est le compte totale de tout ce qu'il a fourni à «M. de Beauharnois pour son mariage : dans lequel il se trouve beaucoup d'objets pour lui, et qui lui ont servi à faire des présents; il demandoit que je reconnusse avoir reçu tous ces objets, cela lui étoit, disoit-il, nécessaire pour «ces arrangements avec M. le vicomte; j'ay répondue à ce jouaillier que je ferois un faux en " convenant de ce qu'il désiroit, mais que je lui envoyois volontier la note de ce que j'avois reçue de M. de Beauharnois et qui étoit en ma posses«sion. Cette note a consisté dans une paire de girandolle, une paire de bracelet, une montre et "un cordon garnie de petit diamant... »

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Dans un catalogue à prix marqués que vient de publier M. Laverdet, je trouve deux lettres qui valent bien la peine d'être mises sous les La seconde lettre est de sa mère, Mme Sanois de yeux des lecteurs. La première, signée Lapagerie Lapagerie, et adressée à M. le marquis de Beaude Beauharnais, autrement dit l'impératrice Jo-harnois, en septembre 1783 : séphine, est datée du 8 mars 1786.

"Son beau-père et sa tante, s'étant décidés à venir dans ce pays, son empressement à les suivre l'a empêchée d'avoir le plaisir de le voir, ainsi que M. Dreux. Son intention n'étant pas d'abandonner Paris, elle avait remis pour s'arranger avec eux de profiter du premier voyage qu'elle y ferait, comme elle en ignore encore le moment, s'il veut lui faire le plaisir de faire mettre en règle les comptes de M. Dreux et les siens et les lui envoyer, elle les arrêtera, si elle ne peut les payer sur-le-champ, et dans ce cas, elle prendrait avec lui un terme fixe pour s'acquitter. « Je ne peut croire que les vues de M. de Beauharnois "en me faisant demande l'état de mes effets ne " soient que pour s'épargner des surprises; depuis - son retour de la Martinique il a rebuté presque " tout les mémoires qui lui ont été présenté, en promettant de les payer si je reconnaissoit que

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Aurait-elle jamais cru que le vicomte de Beauharnois, son gendre, à son départ, lui aurait causé les chagrins qu'il vient de lui donner. Pendant son séjour ici (le lieu n'est pas indiqué sur la lettre) il les a fort négligées; elle lui passait le peu de temps qu'il leur a donné en faveur de sa jeunesse, livré à plusieurs femmes, il passait son temps plus agréablement à la ville qu'à la campagne où rien ne l'eût dissipé, mais elle ne se serait jamais attendue qu'il se fût laissé conduire par M de Longpré son compagnon de voyage, qu'elle lui aurait tourné la tête au point de s'oublier, de se manquer à lui-même comme il a fait, cette femme qui vraisemblablement n'a jamais rien senti pour les siens, lui a monté l'imagination, lui a inspiré de la défiance, de la jalousie pour sa femme et pour se l'attacher sans doute pour toujours, a jugé qu'il fallait le séparer de son épouse, » pour y parvenir a eu la bassesse de lui inspirer

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« de séduire un de mes esclaves, à qui ils ont l'un * et l'autre fait dire tout ce qu'ils ont voulu, en lui prodiguant de l'argent et l'accablant de pro« messe, le vicomte lui a donne quinze moëdes à deux fois, or! quel est l'esclave que l'on ne corromproit point avec cette somme et quel est ❝ celui qui ne vendroit pas ses maîtres pour la "moitié moins ; je le tiens enchaîné, je voudrois « bien qu'il fut possible de vous l'envoyer, pour «<le questionner; vous jugeriez vous-même, Mon« sieur de toutes les faussetés qu'on lui a fait dire par les erreurs où on l'a induit. Une conduite “ aussi basse, des moyens aussi vils peuvent-ils « être mis en usage par un homme d'esprit, et bien née. Je rends encore justice au vicomte, il " s'est laissé entraîner sans réfléchir, sans penser « à ce qu'il faisoit, il a de bonnes qualités, un bon "cœur, je suis persuadée qu'il n'est pas à en rougir. Tant de petitesse ne sont point compa« tibles avec une âme élevée et sensible. La der❝nière fois qu'il est venu à l'habitation, en se sé< parant de nous, je l'ai vu touché, ému, il s'em❝ bloit même chercher à me fuir promptement, à « éviter ma présence; son cœur lui reprochoit déjà une démarche aussi déplacée... Il n'est guère possible que ma fille puisse rester avec lui, à moins " qu'il ne lui donne des preuves bien sincères d'un - véritable retour et d'un parfait oubli... Qu'il est douloureux pour moi d'être séparée d'elle, et de me rappeler tous les dangers qu'elle a couru pour se rendre malheureuse, nous sommes, "monsieur, tous mortels, si elle venoit à avoir le ❝ malheur de vous perdre, à quel maux ne seroit-elle pas exposée. Pour les prévenir, vous me " rendriez le plus grand des services, si vous pou“viez obtenir de son mary de la laisser venir ❝ répendre ses larmes et ses chagrins dans le sein ❝ de ses honnestes parents, je vous le demande "même au nom de toute l'amitié que vous avez * pour elle, car peut-elle encore vivre avec un mary qui est assez foible pour employer les pro"messes et l'argent pour se couvrir de honte, en ❝ achetant le déshonneur de sa femme. O ma pau« vre fille, toutes vos peines sont dans mon sein, "elles ne me laissent du repos ni jour, ni nuit, << venes mêler vos pleurs à ceux d'une tendre “ mère, toutes vos amies vous rendent justice, ❝ vous aiment toujours et vous consoleront. Ren❝dés la moi, monsieur, et vous me donneres une - nouvelle existence. Le vicomte a jugé de toutes

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« Le soir de mon entrée en prison, j'entendis, à droite et à gauche de ma cellule et au plafond, des coups mesurés qui semblaient vouloir exprimer quelque pensée. Ce langage était nouveau pour moi. Je ne le compris pas, et je ressentis un vif regret de ce que, remplaçant peut-être dans ma cellule quelque prisonnier expert dans cet art, j'interrompais par ignorance un moyen d'échange qui était la seule consolation des malheureux.

« On avait cessé depuis longtemps de frapper à mon adresse, sans doute pour ne pas s'exposer en pure perte. Au bout de q.elques semaines, j'entendis de nouveau des coups frappés sur le mur :

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portée de mes lèvres, et il me dit : « Suce cela. » J'ouvris la bouche, j'aspirai, et un vin délicieux et vivifiant, un vrai nectar, se répandit dans mes veines.

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A présent, souhaite-moi ma fête, ajouta-t-il. Sa mère avait obtenu la permission d'envoyer ce jour-là à ce pauvre garçon maladif, renfermé depuis quatre ans à la citadelle, en attendant qu'il fût jugé par un conseil de guerre, un verre de vin, des gâteaux et des cigares. L'ouverture était trop petite pour laisser passer les gâteaux. Les cigares, c'était autre chose : nous les fumions en commun. Il m'envoyait la fumée au moyen de la paille, et je humais tout ce qui pouvait en par

5 น X y « J'effaçai l'alphabet sur la terrine. A peine seul, je frappai sur le mur: Bonjour. Mon voisin répondit: Merci, Dieu. On comprend facilement l'application de cet alphabet. Ainsi, pour exprimer la lettre p, je vois qu'elle tient la première place au quatrième rang. Je la marque donc parvenir jusqu'à moi. les points ....

"Quand je pus, à la nuit tombante, échanger ainsi quelques mots, la prison devint plus supportable. Cependant les soupçons empoisonnaient ma joie. Si par hasard mon voisin était chargé de me faire des questions insidieuses!

« Une fois, mon bon collègue frappa ceci sur le mur: « Tu dois avoir faim, mon cher frère. Si tu "as déjà déposé ton procès-verbal, demande à « Morok du rôti et des légumes. Il est de leur po«litique de se faire prier.

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- Hum! La sauce, » murmura-t-il, et il sortit, en refermant la porte avec violence. Il était déjà dans le corridor que je l'entendais encore répéter: La sauce, la sauce.

Un jour nous convînmes de percer un trou dans le mur pour faciliter notre conversation. Les murs de séparation ne sont pas épais. Ce fut cependant une longue et pénible entreprise; nous ne pouvions la poursuivre qu'à certains moments, et nous n'avions pour outils que nos cuillers en bois, dont les manches nous servaient de vrilles. Tous les soirs, nous couvrions l'ouvrage commencé avec de la mie de pain frottée de poussière. A force de patience, nous vîmes le bout de notre travail. Nous pouvions dès lors soutenir l'un l'autre notre courage.

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« J'appris de lui qu'il avait réussi une fois à faire passer à sa mère quelques mots, écrits dans les plis empesés d'une chemise sale, au moyen d'une paille retirée de sa paillasse. Un morceau de papier mouillé, imprégné d'une poudre envoyée de l'hôpital, et ensuite brûlé et délayé avec de la salive, lui avait fourni, disait-il, une encre excellente.

« Je regrette de ne pouvoir consigner ici bien des faits qu'il me raconta. Il ne faut pas que ce livre fournisse des armes à nos ennemis.

« Nous causions presque constamment, à voix basse. En prison, les sens acquièrent à la longue une telle perfection que rien ne leur échappe. Les gardiens, dans leur naïveté, croient qu'il est facile de surprendre un prisonnier. Ils ignorent, ces braves gens, qu'à peine sont-ils levés de leur siége, et avant qu'ils aient fait un pas, le frôlement de leur manteau a déjà donné l'éveil ; quand ils se glissent sur la pointe du pied vers le guichet, le prisonnier a déjà compté tous leurs mouvements.

Une inspection générale amena la découverte de notre trou de communication. On le boucha; on nous changea de cellule, et je fus cité devant la commission.

à

« Percer les murs du gouvernement! On déploya dans cette circonstance une éloquencé superbe. Cependant on déclara qu'on me pardonnait, pour la première et dernière fois. Mais, partir de ce jour, je n'entendis plus parler de mon collègue, et le rôti, les légumes disparurent de mon ordinaire.

Je trouvai dans ma nouvelle cellule une disUne fois, mon voisin approcha une paille à | traction bien douloureuse, hélas! J'étais au

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