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admises que lorsqu'elles seroient suffisamment constatées par une longue suite d'observations; mais M. Laplace a bientôt après dissipé toute espèce d'obscurité sur ce point. Il a su concilier un principe, qu'il avoit lui-même reconnu le premier, avec les variations apparentes des moyens mouvemens de Jupiter et de Saturne, et démontré qu'elles ne sont dues qu'à leur attraction mutuelle. C'est ainsi que deux des plus illustres successeurs de Newton, plutôt émules que rivaux, inspirés vers le même temps par le génie de la Géométrie, affermissoient le monde sur les bases inébranlables de la gravitation universelle.

Si les grands axes et les moyens mouvemens sont invariables, dans les autres élémens tout varie, plans des orbites, forme des ellipses, excentricités, mouvemens des nœuds et des périhélies. M. Lagrange procède à la recherche de ces variations, par différentes méthodes plus ou moins faciles, plus ou moins directes. Il passe, pour arriver aux diverses formules qui peuvent servir à les déterminer, à travers toutes les difficultés de l'analyse, et se dégage de ses entraves en la perfectionnant.

Les limites étroites dans lesquelles sont renfermées les excentricités et les inclinaisons des orbites des six planètes principales de notre système, lui permettent d'en négliger les carrés et les produits de plusieurs dimensions; elles contribuent même à rendre complète la solution du problème. Il profite aussi des simplifications dont la rend susceptible la petitesse des masses de toutes les planètes, relativement à celle du soleil, et de la petitesse des masses des unes à l'égard des autres. Si la masse de Jupiter est environ mille fois moindre que celle du soleil, les masses des autres planètes beaucoup plus petites, sont des quan

tités beaucoup au-dessous d'un millième; la terre ellemême n'en est pas la trois-cent millième partie. M. Lagrange a donc cru pouvoir négliger dans les équations différentielles les termes où les quantités qui représentent les masses des planètes, s'élèvent au-dessus de la première dimension.

L'homme superficiel devant qui seront prononcés les noms de nos plus grands géomètres, demandera peut-être quel est le but de leurs plus belles théories. Peut-être il pensera que, guidés seulement par une vaine curiosité, ils n'ont fait que consumer leur pénible existence sur d'arides calculs et d'inutiles travaux; mais le hardi navigateur, jeté par la tempête sur des plages inconnues, pourra lui répondre, que, c'est à ces mêmes travaux qu'il doit le plus souvent sa sûreté; l'intrépide voyageur qui s'égare dans des terres inhabitées, l'habile géographe qui détermine avec tant de précision les différens points du globe terrestre, lui diront qu'ils n'ont souvent d'autres guides que le ciel et les tables astronomiques dont la perfection est due à la Géométrie.

Jusqu'à ce que les observations comparées d'une longue suite de siècles, laissent appercevoir les lentes variations des orbites planétaires, c'est à la Géométrie seule qu'il appartient de les déterminer et de les faire entrer dans la construction des tables, de manière à leur donner une exactitude qui puisse s'étendre à des temps trèséloignés. Ainsi, pour rendre son ouvrage utile à l'Astronomie, M. Lagrange ne s'est pas contenté de donner les formules générales des variations séculaires; il en a fait encore une application détaillée à chacune des planètes principales.

Dans cette application, la connaissance de leurs masses

et de leurs distances moyennes au soleil, dont les expressions sont renfermées dans ses équations différentielles, devient la base fondamentale de ses calculs. Il regarde aussi les excentricités, les inclinaisons, les lieux des périhélies et des nœuds pour une époque donnée, comme des élémens nécessaires, mais seulement après l'intégration, pour déterminer les constantes arbitraires. Il emprunte des tables de Halley les principaux élémens dont il est ici question, et discute avec beaucoup d'étendue les rapports des masses, ou forces attractives des planètes à celle du soleil. Il distingue les masses des planètes accompagnées de satellites, et les masses de celles qui n'en ont point. Il détermine les premières d'après la relation des forces attractives considérées comme étant en raison directe des distances moyennes, et inverse des carrés des temps périodiques, relation (1) démontrée par Newton pour les corps qui décrivent des ellipses invariables, et par M. Lagrange, en ayant égard aux variations séculaires des orbites. Il conclut les secondes, à l'exemple d'Euler, de leurs volumes combinés avec leurs densités, en supposant d'après la loi que suivent à peu près la terre,

(1) D'après la relation démontrée par Newton et par M. Lagrange, en désignant par S la masse du soleil, par P celle d'une planète, par r sa distance moyenne au soleil, et par t son temps périodique; en désignant de plus par pla distance d'un satellite à la planète, et par 0 son temps périodique, on aura...

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donc ou simplement P= ·()°(6)* la masse du soleil étant prise pour unité,

S

formule très-simple pour déterminer les masses des planètes accompagnées de

satellites.

Mémoires de l'Académie de Berlin, 1782, pag. 179.

Jupiter et Saturne, les densités réciproquement proportionnelles aux distances. Il ne dissimule point l'incertitude que laisse une base aussi précaire sur les masses des planètes sans satellites. Il détermine cependant, en conséquence des masses qu'il a trouvées pour les six planètes principales, les valeurs numériques de tous les coëfficiens des diverses équations différentielles, qui doivent servir à calculer les variations séculaires des excentricités, des inclinaisons, des noeuds et des périhélies, et laisse aux astronomes le soin de chercher, par une application semblable à celle dont il donne l'exemple, de nouveaux coëfficiens numériques, lorsque le temps aura produit quelques changemens dans les valeurs des masses des planètes. Dans ces diverses déterminations, il ne tient aucun compte de l'action d'Uranus dont les élémens n'étoient pas encore assez bien constatés à l'époque de ses recherches sur les variations séculaires des orbites des planètes.

M. Lagrange ne se borne pas à ces travaux préparatoires pour la construction des tables; il examine encore les équations qu'il a présentées sous leur forme différentielle, et pense que, dans cet état, elles peuvent servir à déterminer les petites variations annuelles des élémens des six planètes principales, que l'on peut regarder, pendant un très-grand nombre d'années, comme proportionnelles au temps. D'après cette hypothèse, il détermine leurs valeurs pour le commencement du 18e siècle, valeurs qui, multipliées par 100, peuvent donner les variations séculaires. En les comparant aux observations faites depuis le renouvellement de l'Astronomie, il entrevoit le moyen de fixer en quelque sorte l'incer titude qui reste encore sur les masses des planètes, et qui

ne peut l'être, en effet, que par la connoissance exacte des variations séculaires que le temps doit développer dans les mouvemens célestes.

Il compare ensuite les valeurs des variations annuelles déduites de la théorie, avec celles que donnent les observations. Cette comparaison lui présente, dans leurs résultats, des différences assez considérables sur les mouvemens des périhélies de Mercure, de Vénus, de Jupiter et de Saturne. Il trouve un plus grand accord entre la théorie et les observations sur les mouvemens du périhélie de Mars, du périgée du soleil, et la diminution de l'obliquité de l'écliptique. Les résultats de la théorie sont toujours hors d'atteinte toutes les fois que les données qui leur servent de base sont exactes; mais à l'époque de 1781, les masses des planètes étoient bien moins connues qu'aujourd'hui, la cause et la loi des grandes inégalités de Jupiter et de Saturne, découvertes peu de temps après par M. Laplace, étoient encore ignorées, et ces inégalités ne sont pas sans influence sur les mouvemens des périhélies des deux planètes.

La détermination des variations annuelles des élémens des planètes paroissoit devoir suffire aux besoins de l'Astronomie dans son état actuel; mais le géomètre ne renferme pas ses calculs dans les bornes de quelques siècles. En considérant la marche des phénomènes, il cherche à les connoître pour un temps quelconque; il cherche à déterminer les périodes et les lois de leurs variations; et comme il se propose souvent de devancer les observations ou de leur suppléer, il a besoin d'embrasser l'avenir tout entier dans ses théories. C'est par des considérations aussi élevées, qu'il découvre dans le système du Monde ses lois les plus générales, et surprend

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