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M. Herschel s'étoit instruit dans la théorie de l'optique par la lecture des ouvrages de M. Smith; il en acquit la pratique en construisant pour lui-même un grand nombre de télescopes de différentes grandeurs, depuis deux jusqu'à vingt pieds.

Personne avant lui n'avoit mis autant de soin pour fondre et polir les miroirs. Son usage étoit d'en préparer plusieurs pour le même instrument, et de n'en admettre aucun qu'après les avoir éprouvés. Il en avoit préparé jusqu'à quatre-vingts pour son télescope de vingt pieds, dont la perfection étoit telle qu'il pouvoit grossir les objets jusqu'à six mille fois (1).

Ces différens ouvrages n'étoient que des essais relativement à son grand télescope, instrument unique jusqu'à ce jour dans les Observatoires de l'Europe, par les dimensions de toutes les parties qui le composent, et le mécanisme dont il est accompagné.

M. Herschel commença vers la fin de l'année 1785, la construction de la charpente énorme qui devoit lui servir de support; il dirigeoit lui-même les travaux des ouvriers, les surveilloit dans le plus grand détail, quoiqu'ils fussent quelquefois au nombre de quarante employés à

cette construction.

Il préparoit en même temps le grand miroir dont le moule, la fonte et le poli demandoient des précautions très-multipliées. Après un an de travaux non interrompus, il crut son ouvrage assez avancé pour commencer à l'éprouver par quelques observations, le 19 février 1787. Cependant il étoit encore loin de le regarder comme

(1) Philos trans., 1782, p. 173.

achevé; c'est dans le miroir qu'il trouvoit les plus grandes difficultés. Il découvrit, d'après l'examen du premier jeté en fonte, qu'il étoit trop mince vers le centre de la partie convexe. Au commencement de 1788, il en fit jeter un second, qui fut brisé en se refroidissant ; peu de temps après, il fit fondre le troisième, qu'il trouva d'un degré de force convenable dans toutes ses parties; il le polit, et, le 24 octobre de la même année, il en fit l'essai sur Saturne; mais n'étant pas encore entièrement satisfait, il continua de le travailler jusqu'au 27 du mois d'août de l'année suivante. Le 28, il le dirigea de nouveau vers Saturne, et le premier fruit qu'il retira de son ouvrage fut la découverte d'un sixième satellite de cette planète.

Lalande fait le plus grand éloge de ce télescope, qu'il dit n'avoir pas vu sans étonnement; il rapporte (1) que la nébuleuse d'Orion, qui n'est qu'une blancheur pâle et invisible à la vue simple, y répand une lumière semblable à celle du jour en plein midi. C'est cette grande lumière qui laisse appercevoir l'anneau de Saturne dans le temps de sa disparition ou de la phase ronde de la planète, tandis qu'il ne peut être apperçu par les télescopes ordinaires.

Le tube du grand télescope de M. Herschel est de forme cylindrique, composé de feuilles de fer artistement jointes ensemble. Sa longueur (2) est de 39pi 4 pou, et son diamètre de 4p10pou; celui de la face concave du miroir est de 4o, et son épaisseur égale dans toute son

(1) Bibliographie astronomiq., p. 683.

(2) Les dimensions du télescope et le poids du miroir sont ici désignés, d'après M. Herschel, en mesures et poids anglois.

étendue

étendue est de 3pou; son poids avant d'être poli étoit de 2118 livres.

Ce grand ouvrage de M. Herschel n'a pas moins contribué que ses découvertes, à rendre son nom célèbre parmi les astronomes auxquels il devenoit chaque jour d'autant plus utile, qu'il donnoit plus d'étendue à ses facultés visuelles.

ARTICLE II.

Observations de M. Schroeter, sur Vénus, Mercure, Mars, l'anneau de Saturne et la Lune.

En Allemagne s'est aussi rencontré dans ces derniers temps un astronome célèbre, émule de M. Herschel; c'est M. Schroeter, grand-bailli de Lilienthal. Posses-seur de deux excellens télescopes de M. Schader, l'un de 13 pieds et l'autre de 27, il a bientôt rivalisé, par leur secours, avec les meilleurs observateurs de l'Europe. Dès qu'ils ont été entre ses mains, il les a fait concourir avec d'autres de moindre force, pour donner, à l'exemple de M. Herschel, une idée bien frappante de l'immensité de l'univers.

Il avoit d'abord dirigé son télescope de 4 pieds vers un point de la voie lactée, sur lequel il n'avoit trouvé qu'un petit nombre d'étoiles, les plus claires et les moins éloignées; mais dans l'enfoncement il avoit distingué une blancheur nébuleuse qui se transformoit en étoiles dans son télescope de 7 pieds. Dans celui-ci, il découvroit sur un fond plus éloigné, des traces de nébulosités qu'éclaircissoit son télescope de 10 pieds, et plus encore celui de 13. Celui-ci laissoit de même sur un plan céleste

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plus enfoncé, de nouvelles traces nébuleuses qui se résolvoient en étoiles dans son télescope de 27 pieds, et dans cet instrument, beaucoup plus grand, toutes les nébulosités n'étoient pas dissoutes. M. Schroeter pense qu'elles l'auroient été dans un télescope d'une plus grande force, mais qu'elles en auroient laissé d'autres dans des régions du ciel plus profondes. C'est ainsi que derrière ces nuages de corps célestes qui se présentoient sans cesse devant lui, à mesure qu'il pénétroit plus avant dans les cieux, il voyoit s'éloigner de plus en plus les bornes de l'univers, comme un voyageur voit toujours se retirer devant lui les bornes de son horizon.

Les vues que s'est proposées M. Schroeter dans ses observations, ont été principalement dirigées vers la connoissance des phénomènes que présentent les planètes à leur surface. Les durées de leur rotation, les densités de leurs atmosphères, les hauteurs de leurs montagnes sont les objets vers lesquels il a presque entièrement porté son attention. C'étoit un champ à peine encore cultivé, qui pouvoit promettre une nouvelle moisson de gloire, mais qui n'étoit pas à l'abri des influences de l'imagination.

La rotation de Vénus avoit été déjà plusieurs fois l'objet des recherches des astronomes; mais ce qui doit paroître étonnant, c'est l'énorme différence qu'ils trouvoient dans sa durée. Dominique Cassini, qui l'observa vers l'année 1666, fit tourner la planète sur son axe en 23 heures et demie. Bianchini, quarante ans après, trouva qu'elle n'achevoit sa révolution sur elle-même qu'en 24 jours. Depuis plus d'un demi-siècle, la question paroissoit encore indécise, quoique Jacques Cassini eût montré la possibilité de concilier les observations de

Bianchini avec une rotation de 23 heures 20 minutes : c'est ce dernier résultat que vient de confirmer M. Schroeter par des observations suivies avec persévérance pendant plusieurs années, sur les diverses apparences des cornes de la planète et de quelques points de lumière situés vers les bords de sa partie obscure. Il a vu quelquefois dans sa phase croissante, la largeur de l'une des cornes double de celle de l'autre, et vers sa plus grande élongation, l'une pointue et l'autre ronde. Ayant donc conclu sa rotation de ses observations faites depuis le 28 décembre 1789, à 5 heures du soir, jusqu'au 27 février 1793, à 6 heures 41 minutes, il l'a trouvée d'environ 23 heures 21 minutes 19 secondes (1).

L'examen suivi des mêmes apparences l'a convaincu qu'il s'élevoit à la surface de la planète, des montagnes d'une grandeur extraordinaire. Il a vu les rayons du soleil dorer les sommets de leurs masses monstrueuses, plongées dans l'obscurité de la nuit. En les comparant avec celles de la lune, il a trouvé le rapport de leurs hauteurs (2) égal à celui de leurs diamètres respectifs, rapport qui donne aux montagnes de Vénus une hauteur environ cinq fois plus grande que celle des plus hautes montagnes de la terre.

(1) M. Schroeter a trouvé ce résultat, que M. Herschel regarde encore comme incertain, en divisant 1157141', intervalle de temps que comprennent quatre années consécutives d'observations, par 1189,28, nombre des révolutions de la planète sur son axe.

(2) Le diamètre de la terre étant pris pour unité, ceux de la Lune et de Vénus sont respectivement de 2,72 et de 0,970. En admettant le rapport de M. Schroeter entre les montagnes de Vénus et celle de la Lune, et la plus grande hauteur de ces dernières égale à 25 mille pieds, les plus hautes montagnes de Vénus seroient d'environ 89213; c'est-à-dire, un peu plus de quatre fois et demie les plus hautes montagnes de la terre.

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