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Au sud du village se trouve un château moderne, entouré de fossés et bâti probablement sur l'emplacement d'une habitation plus ancienne. Ce château, qui appartient à M. le comte des Courtils, est situé au milieu d'un parc planté de belles futaies.

III

Les quelques minutes dont disposaient les membres de l'excur sion ne leur permirent pas d'examiner avec autant de détail que nous venons de la décrire l'église de Bouconvilliers. Ils durent bien vite remonter en wagon pour se montrer exacts et se trouver à Nucourt à dix heures, comme il avait été convenu.

Ayant mis de nouveau pied à terre, on se dirigea vers l'habitation de M. G. Achenbach-Wahl, qui avait gracieusement offert au bureau la faculté de visiter les anciens ouvrages défensifs situés dans sa jolie propriété. M. Achenbach nous guida lui-même dans cette visite, en expliquant l'origine qu'il attribue aux ouvrages en question et les découvertes dont ce lieu a été le théâtre. Le plan ci-joint, dressé par ses soins et dont il a bien voulu permettre la reproduction, nous dispensera d'entrer dans de longs développe

ments.

A l'extrémité d'un petit plateau formant promontoire, entre l'étroite vallée où l'Aubette prend naissance et un autre vallon appelé la Vallée Grand'Pierre, nom dans lequel on pourrait peutêtre trouver un souvenir celtique, se voient des mouvements de terrain faits de main d'homme dans le but évident d'isoler l'extrémité du promontoire et d'en faire un véritable camp retranché, que défendaient de toutes les autres parts des escarpements naturels peu élevés, mais assez roides. Les marécages vaseux qui garnissaient le fond des deux vallons constituaient, en outre, un obstacle difficile à franchir. La position était donc fort bien choisie pour un établissement militaire, surtout si l'on ajoute à ces dispositions avantageuses la proximité d'une source placée au pied même de la pointe avancée du plateau. Le camp de Nucourt présente une superficie de deux hectares 80 ares, supérieure à celle de nos plus vastes châteaux du moyen âge, mais qui est bien loin d'approcher de Fimmense étendue occupée par d'autres postes militaires créés par

Romains. Ici une question se présente. A quelle époque et par v fut-il établi? M. Achenbach veut que ce camp tire son origine Jules César, qui s'y serait enfermé avec quelques légions en l'an avant Jésus-Christ, lorsqu'il eut à combattre la coalition des

Bellovaques, des Ambiones, des Aulerques, des Calètes, des Vélocasses et des Atrébates. Il lui trouve assez de similitude avec la célèbre position décrite dans le tome VIII des Commentaires pour conclure à leur identité. Assurément, si l'on accepte la donnée qui sert de base aux hypothèses que M. Achenbach a émise, dans une brochure publiée en 1879 sous le titre de Recherches sur l'origine du camp de Nucourt et sur l'emplacement de l'ancien Pétromantalum, il faut aussi accepter ses conclusions. Selon lui, les Gaulois alliés se seraient installés au sommet de la haute colline appelée la Molière de Serans, que trois kilomètres à peine séparent du camp de Nucourt. Mais je laisse parler l'écrivain :

« Pour fortifier le plateau sur lequel il venait de s'établir, César fit élever un rempart de douze pieds de haut avec son parapet à proportion; au devant, il fit creuser deux fossés à fond de cuve de quinze pieds de large et bâtir plusieurs tours à trois étages, jointes ensemble par des ponts et des galeries munies à l'intérieur d'un parapet, afin que ces ouvrages puissent être défendus par deux rangs de soldats, dont celui d'en haut, sur la galerie, pouvait lancer ses traits plus loin et plus hardiment parce qu'il était moins exposé, et l'autre placé sur le rempart, plus proche des ennemis, était couvert par les planchers de cette galerie. Il eut soin de mettre des portes et des tours fort hautes à toutes les entrées.

« Le camp de Nucourt a conservé la trace de tous ces ouvrages, et on voit encore si bien l'emplacement des tours qu'il serait très facile de reproduire l'aspect que devaient présenter ces fortifications; elles avaient pour base des élévations que jusqu'à ce jour on supposait être des tumuli, et par une coïncidence qui peut servir de preuve, ces petits mamelons ne se rencontrent que sur le côté nord, lequel était en regard des avant-postes gaulois, tandis que du côté opposé il n'y en a pas (1)........... Vers l'est, ce camp est séparé du plateau par des fossés, munis à l'intérieur d'un rempart, qui, quoique détériorés par le temps, se rapportent encore parfaitement à la description du livre VIII. Les fossés sont coupés par deux passages qui, distants l'un de l'autre d'environ 60 mètres, devaient servir d'entrées au camp. A l'intérieur du rempart, chacun de ces passages débouche entre deux tumuli ou élévations plus fortes que celles qui existent sur toute la ligne de crète septentrionale; ces élévations devaient donc supporter les tours et portes fort hautes destinées à en protéger l'entrée..... »

En résumé, M. Achenbach place à Nucourt et Serans la première halte dés deux armées, la seconde à Gagny, près de

(1) Les mamelons dont parle M. Achenbach sont aujourd'hui cachés par les épais taillis qui recouvrent les pentes du plateau. Il est à craindre que ces plantations ne viennent à les détruire tout à fait, de même que les fossés qui ferment le camp à l'est.

Loconville, et enfin il voit dans la vallée située au sud de Gisors la fameuse plaine des mille pas, où se livra le dernier combat pour l'indépendance bellovaque. Je ne puis pas ne pas vous rappeler en ce moment, Messieurs, que, depuis longtemps déjà, le théâtre de ces phases de la guerre des Gaules est réclamé par d'autres écrivains pour le Beauvaisis, et notamment pour le Mont-César. Vous avez tous présent à l'esprit le souvenir de la découverte faite en 1868 d'un pont de fascines et de charpente enseveli sous la tourbe dans la vallée de la Bresche, à Breuil-le-Vert, découverte dont M. Peigné-Delacourt s'empara immédiatement pour s'efforcer de prouver, avec sa vivacité ordinaire, que les étapes de cette seconde campagne furent Catenoy, Clermont, Angy et le Mont-César. (1) Enfin, vous avez lu le récent mémoire (2) dans lequel M. l'abbé Caudel apporte quelques modifications à la thèse du vénérable archéologue, tout en en adoptant le principe. Quant aux autres opinions qui s'étaient produites antérieurement, nous n'avons pas à nous en occuper aujourd'hui. La question se pose simplement, pour nous, entre Catenoy et Nucourt, entre le Mont-César et Gagny. Je n'oserai prendre sur moi de la résoudre, Messieurs. Des deux côtés, vous l'avouerez, il règne beaucoup d'incertitude. Le reproche que l'on pourrait faire, en général, aux écrivains qui s'occupent de ces questions, c'est de prendre presque toujours leurs conjectures pour des réalités. Déjà, en 1868, M. de Saulcy avait quelque peine à voir complaisamment dans le pont de Breuil, malgré son apparence romaine, celui précisément jeté par César. De même, vous demanderez à l'honorable M. Achenbach la preuve que le camp de Nucourt est dû au capitaine romain et non à l'un de ses lieutenants, par exemple, ou même qu'il n'est pas de beaucoup postérieur. Lorsque cette preuve sera faite, mais alors seulement, la question sera tranchée. Il n'est pas étonnant, d'ailleurs, que MM. Achenbach et Peigné-Delacourt obtiennent des résultats dissemblables: l'un fait arriver César par Pontoise, tandis que l'autre, serrant de plus près le texte du conquérant, le fait venir sur la frontière du pays des Suessions. Voilà, je crois, ce que peut penser un archéologue qui désire ne rien préjuger. Je me montrerais souverainement imprudent si je voyais dans les éléments actuels du problème autre chose que l'obligation d'une sage réserve.

Sur le chemin des hypothèses, il faut savoir s'arrêter. Si j'émets une opinion que je crois être la vôtre, Messieurs, au sujet du camp

(1) Peigné-Delacourt, Étude nouvelle sur la campagne de J. César contre les Bellovaques. Senlis, 1869.

(3) Seconde campagne de Jules César contre les Bellovaques, par l'abbé Caudel Comité archéologique de Senlis. Comptes rendus et Mémoires, tome IX, 1884, p. 47-84).

de Nucourt, je serai bien plus certain encore d'être suivi par vous en déduisant les raisons qui s'opposent à ce que Nucourt soit l'emplacement de l'ancien Petromantalum. Certes, il convient de rendre hommage au soin avec lequel M. Achenbach a étudié les données des deux intéressants problèmes dont il se proposait de rechercher la solution. Mais, je le crains, cette solution n'est pas, pour l'un comme pour l'autre, de nature à obtenir votre suffrage. La question de Petromantalum est précisément des plus obscures. S'agit-il d'une ville, comme la plupart l'ont cru, ou simplement d'une auberge, peut-être même d'une pierre milliaire, Petrum viaco, selon une remarque de M. de Caumont? Sur la carte de Peutinger, Petrum viaco est figuré de la même manière que Juliobona (Lillebonne), Turnaco (Tournay), cités importantes au Ie siècle, date présumée du précieux document graphique qui nous a été conservé par le savant allemand. Il y est placé sur le parcours de la voie romaine qui va de Lutetia à Juliobona. L'Itinéraire d'Antonin, de son côté, l'appelle Petromantalum et l'indique sur la voie de Lutetia à Cæsaromagus (Beauvais). Qu'en faut-il conclure? Y a-t-il d'abord identité entre les deux localités? Il est, je crois, permis de le supposer. Le seul fait que l'on puisse dès lors considérer comme certain, c'est que Petromantalum se trouvait en un point commun aux deux chemins, c'est-à-dire à l'endroit même où ils se séparaient l'un de l'autre. Les distances données par les deux documents que nous venons de citer et qui ont fait jusqu'ici la base de toutes les discussions, ne sont pas concordantes. Il ne convient donc pas de s'en servir comme d'arguments décisifs.

La direction de la grande ligne de Paris à Lillebonne n'a jamais fait l'objet d'un doute. D'autre part, le chemin qui, venant de Beauvais par Liancourt, Hadancourt et Nucourt, traverse la première au lieu dit la Haie des Gens d'armes, sur la limite des territoires de Nucourt, de Cléry et de Banthélu, et se poursuit vers Mantes par Banthélu, Arthies, Aincourt, Drocourt et Limay, est incontestablement ancien. Or M. Graves, dont les observations sur les voies romaines sont toujours fort exactes, reconnaît dans ce chemin la voie de Beauvais à Paris, qui aurait été continuée plus tard jusqu'à Mantes. La Haie des Gens d'Armes devrait donc, et c'est l'opinion exprimée par ce savant, être l'emplacement véritable de Petromantalum. M. Achenbach objecte « qu'à l'endroit même, il n'existe aucun vestige de constructions anciennes. » Mais nous ne sachons pas qu'il y ait jamais été fait de recherches sérieuses. Pour nous, cet endroit est le seul qui réunisse les conditions imposées.

Selon M. Achenbach, Petromantalum aurait été situé tout près

et à l'est du camp de Nucourt. L'enceinte même n'en aurait été détruite que depuis une trentaine d'années. Elle était formée par un mur en pierre embrassant, dit M. Achenbach, une surface d'environ 45,000 mètres. Sa forme était assez bizarre (voir le plan). Nous ne savons ce qu'il faut penser de ce mur d'enceinte, mais, pour notre part, nous ne sommes nullement disposé à y voir l'emplacement de la station romaine, emplacement qui se trouve là en contradiction avec les documents. La tradition locale et le cadastre ne suffisent pas, en pareil cas, pour établir une certitude.

Certes, Messieurs, je ne voudrais pas diminuer à vos yeux l'importance de la question de Petromantalum. Pourtant, il est permis de se demander si les recherches que l'on a faites et que l'on poursuit encore pour déterminer la position de ce lieu auront jamais des résultats qui puissent enfin être considérés comme définitifs. A voir, en effet, la diversité des opinions qui se sont produites jusqu'ici et qui se produisent encore tous les jours à ce sujet, il est permis d'en douter. Mantes, Chaumont, Magny, Magnitot, Banthelu, Arthieul, Saint-Gervais, Estrées, la Chapelleen-Vexin, etc., ont tour à tour été choisis par les écrivains. Aussi la discussion menace-t-elle de rester stérile, tant que l'on n'aura pas ajouté aux indications trop vagues fournies par la carte de Peutinger et l'Itinéraire d'Antonin, le poids de découvertes archéologiques importantes. (1)

Les observations que m'a suggérées, à propos de la visite au camp de Nucourt, la lecture de la brochure de M. Achenbach ont été inspirées, vous n'en doutez pas, Messieurs, uniquement par le désir de faire rester la question dans les données scientifiques. Nulle pensée de froisser les convictions de notre honorable hôte n'a pu entrer dans mon esprit. Il est devenu notre confrère à l'occasion de l'excursion. Laissez-moi le remercier, en votre nom, de son bienveillant accueil et de sa générosité.

IV

En quittant la propriété de M. Achenbach, nous nous dirigeâmes vers l'église de Nucourt, située en face, au sommet du versant opposé de la petite vallée dans laquelle passe le chemin de

(1) M. Plancouard, instituteur à Cléry, a eu l'intention de faire pratiquer des fouilles à la Haie des Gens d'armes, mais il n'a pas jusqu'à présent mis son projet à exécution, dans la crainte de ne trouver que les fondements des habitations qui, parait-il, existaient encore à cet endroit il y a moins d'un siècle.

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