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en voit encore, à côté de l'orangerie, le tronc desséché, conservé comme une relique. Malgré le roi qui, redoutant pour lui les dangers d'un pareil voyage, lui fit refuser un passeport, il s'embarqua ensuite pour l'Afrique, herborisa le long des côtes, d'Alger à Tunis, passa de là dans les îles du Levant et alla jusqu'en Asie-Mineure. Il revint chargé d'un immense butin, et reçut en récompense le titre de jardinier-botaniste-adjoint de Trianon. Bientôt il repartit, en 1765, pour herboriser en Écosse et en Irlande, puis en Hollande et en Allemagne, où il recueillit des variétés de pommes de terre supérieures à celles qu'on cultivait alors en France. En revenant dans son pays, après un an d'absence, arrivé au pied des Vosges, il ne peut résister au désir de jeter au moins un coup d'œil sur la flore de cette chaîne, de montagnes encore inexplorée. Il s'y engage sans guide et se laisse entraîner par la passion des découvertes jusqu'aux confins de la Suisse. A la vue des Alpes, une nouvelle ardeur l'emporte, et il n'hésite pas à en entreprendre l'ascension. Ce voyage enrichit le nouveau jardin du roi de plus de trois cents plantes qui ne figuraient pas dans ses plates-bandes et dont plusieurs étaient inconnues. Enfin, en 1767, il retourna au Mont-Dore et dans les Pyrénées pour y compléter les recherches qu'il y avait faites une première fois, dix ans auparavant'.

Le Petit-Trianon réunit ainsi plus de quatre mille végétaux❜méthodiquement classés: c'était alors la plus nombreuse et la mieux soignée des collections botaniques de l'Europe. La vue de ces richesses et l'exemple d'Antoine Richard déterminèrent la vocation de son cousin, Louis Richard, plus jeune que lui de vingt ans. Il était fils du jardinier d'Auteuil que nous avons mentionné plus haut, et faisait alors ses humanités au collège de Versailles. Antoine avait exploré le vieux continent; Louis alla, dans les dernières années du xvшr siècle, étudier le NouveauMonde. Dessinateur habile, préparateur exercé, écrivain savant,

1. L'abbé Caron. Notice nécrologique sur Ant. Richard, etc.

2. Le Roi. Coup d'œil rétrospectif sur l'horticulture versaillaise, etc.

aussi versé dans la zoologie que dans la botanique, il a marqué sa place au premier rang des naturalistes français'.

On a perdu le souvenir de la situation précise du jardin botanique. D'après la tradition la plus généralement acceptée, il aurait été placé entre l'orangerie et la maison du jardinier, au lieu où se trouve actuellement un fleuriste. Le plan reproduit ici (pl. VI) lèvera tous les doutes. Il a été dressé en 1774 et gravé dans la collection des dessins et plans de jardins formée par Lerouge. S'il a échappé jusqu'à ce jour à l'attention des nombreux écrivains qui se sont occupés de Versailles, c'est à cause de l'extrême rareté de cette publication'. Les collections, disposées suivant l'ordre imaginé par Bernard de Jussieu, occupaient une large bande de terrain au nord-est du jardin français. Le jardin botanique commençait au bout du fleuriste actuel et s'étendait jusqu'à la limite de l'enceinte près du château. Il fut planté en deux fois. On fit d'abord, en 1759, la portion supérieure qui contient une grande serre', sur la terrasse la plus élevée, avec le carré au-dessous que termine un canal destiné à la culture des plantes aquatiques. En 1761, lors de la construction du château, le jardin entier fut remanié, ainsi que nous l'exposerons tout à l'heure, et une nouvelle section botanique fut

1. Il devint, après la Révolution, professeur à l'école de médecine de Paris et membre de l'Institut.

2. Cah. VI. pl. 20. La planche 21 offre un plan du Trianon de Louis XV, dressé, en 1774, à une plus grande échelle, par Muller, jardinier de Carlsruhe. Ce plan ne va pas plus loin que les escaliers du château et ne contient pas, par conséquent, le jardin botanique. La collection Lerouge dont, parmi les bibliothèques publiques de Paris, celle de l'hôtel Carnavalet possède seule un exemplaire complet, est composée de 21 cahiers in-folio oblong. Commencée en 1774, elle a été interrompue par la Révolution. Elle n'a pas de titre général. Ceux des divers cahiers varient. Le 1er porte: Détail des nouveaux jardins à la mode; le 2o: Jardins anglo-chinois à la mode; le 3o : Jardins anglo-chinois. Ce dernier est celui de la majorité des cahiers. Ils contiennent ensemble 491 planches. Parmi, sont comptées comme planches 12 pages de titres et explications.

3. Les plans et élévations de cette serre, dite serre hollandaise, sont conservés aux archives nationales (011879). Par son aspect et son développement, elle est vraiment digne d'un jardin royal.

ajoutée au premier enclos. La dernière catégorie du catalogue de Bernard de Jussieu, celle des conifères, s'arrêtait à la limite de l'avenue Saint-Antoine. D'après Duchesne', les cèdres du Liban, les pins et les sapins près de la porte, à côté de la grille d'entrée, sont demeurés au lieu même où Claude Richard les avait plantés. C'est, avec quelques arbres disséminés sur les pelouses et dans le fleuriste lors de l'établissement du jardin anglais de 1774 à 1777, tout ce qui reste à Trianon des collections botaniques réunies par Louis XV.

1. Cicerone de Versailles, 98.

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Au moment de l'établissement du jardin botanique, Louis XV fit étudier un projet de transformation et d'agrandissement du Petit-Trianon. Il s'agissait de supprimer le corps de garde des officiers, les volières, les poulaillers et les potagers, et de construire, à l'endroit où s'élevait le portique de treillage, un petit château'. Le jardinet des officiers devait être réuni à celui de la ménagerie; le dessin des salles d'arbres, à droite et à gauche du bassin, vers le Grand-Trianon, modifié; et le terrain occupé par les potagers, planté en bosquets'. Ces divers travaux s'exécutèrent de 1759 à 1761, en même temps qu'on disposait les collections botaniques au nord-est du futur édifice. On transporta les volières et poulaillers dans des pavillons batis en équerre au bout de la vacherie, et un bassin rectangulaire fut creusé pour les canards dans la cour par devant. Un méridien et deux statues de la Maladie et de la

1. Le portique était situé au point précis où commence la terrasse devan le château.

2. Archiv. nat. 011886.

3. A la place où se trouve aujourd'hui un bouquet d'arbres devant la comédie. 011885.

4. 011880.

Santé furent plus tard posés dans le jardin, je ne saurais dire à quel endroit'. Afin de remplacer les potagers détruits, on livra à Richard les terrains situés au nord de son jardin et du réservoir du Trèfle (pl. VI). Toute la partie mise en bosquets passa dans les attributions de Belleville, le reste releva du jardinier botaniste et fleuriste. Les dépenses de jardinage montèrent, de 1759 à 1769, à la somme de 130,409 livres, 1 sou, 9 deniers'.

C'est en 1762 qu'on fit les fondations du château. La grosse construction s'éleva en 1763 et 1764; pour la pose de chaque assise, un plan colorié de la partie achevée était dressé à une grande échelle; il indiquait les diverses natures et la place des matériaux. L'édifice fut couvert en 1764, et l'on commença à ravaler les murs. La sculpture, la menuiserie, la serrurerie, la peinture occupèrent les campagnes de 1765 à 1768. On pose les sonnettes cette dernière année il ne reste donc plus qu'à entrer en jouissance. Les comptes des bâtiments fournissent, pour le prix du château, des indications complètes et précises: il a coûté 736,056 livres, 16 sous, 6 deniers'.

D'Argenville, dans l'édition de son guide des environs de Paris qu'il publia en 1768, décrit ainsi l'extérieur du nouveau château : « Vis à vis le pavillon » de jeu et de conversation

1. « Le prononcé moëlleux de leur contour, » dit l'Almanach de Versailles de 1774 (p. 72), « et le fini de leur exécution les font singulièrement admirer des connaisseurs. >>

2. 012259-69. Dans ce chiffre sont comprises 4,000 liv. pour la maçonnerie de l'orangerie et autant pour celle de la clôture du jardin botanique. O1 2263-64. 3. Ces plans sont conservés aux archiv. nat. O11876.

4. Ce total se décompose ainsi : terrasse, 8,400 liv.; maçonnerie, 281,747 liv.; charpente, 7,500 liv.; couverture, 1,300 liv.; plomberie, 1,800 liv.; sculpture, 32,200 liv.; menuiserie, 200,440 liv.; serrurerie, machines, fonte et cuivre, 138,270 liv., 16 s., 6 d. ; marbrerie, 4,100, sans compter la valeur de la matière première, fournie par le magasin des marbres; peinture, vitrerie et glaces, 46,600 liv.; pavé, 13,200 liv.; sonnettes, 500 liv. — O12262-69. 5. T. II.

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