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rent: Mique, qui, nommé premier architecte le 21 mars 1775, n'eut plus, à partir de 1777, que l'honorariat de la fonction, Soufflot et Hazon. En maintenant un contrôleur général à la tête de ses bâtiments, la reine annihilait l'effet de la réforme tout au moins dans une partie du service. Le directeur espéra un instant qu'elle comprendrait d'elle-même l'anomalie d'une situation qui faisait dépendre de l'administration des bâtiments, pour les finances, un service dont le contrôle lui échappait. Mais il ne tarda pas à reconnaître l'inanité de son espoir. « Sa Majesté », écrit-il à Mique, le 4 avril, « m'a fait l'honneur de me dire qu'il est dans ses intentions que tout ce qui concerne l'établissement de son jardin soit traité et suivi par vous. » Et, se résignant à faire la part du feu, il décida que les travaux de Trianon seraient divisés en deux parties : l'une comprenant le jardin anglais pour lequel il se réduisait au rôle de bailleur de fonds; l'autre, le château, les potagers et le jardin français qui rentreraient dans le département des bâtiments du roi, tout en étant dirigés, comme le jardin anglais, par Mique.

L'exemple de Turgot était trop récent pour qu'il ne comprît pas le danger d'une résistance que la faiblesse du roi rendait d'ailleurs inutile. La tiédeur des premiers jours fera bientôt place au zèle le plus empressé. Je vous recommande «< encore plus particulièrement aujourd'hui », écrira-t-il à l'architecte, le 27 avril, « de pousser les travaux en question avec la plus grande diligence et de satisfaire à ce que les ordres ultérieurs de S. M. pourraient prescrire au-delà des plans et devis que vous m'avez fait passer et que je n'ai désirés que pour ordre d'affaires. Dans tous les cas de ce genre, vous devez être d'autant moins arrêté sur l'expédition la plus prompte que le règlement arrêté par le Roi, le 26 décembre 1776, et dont je vous ai remis une expédition, y a pourvu par une disposition expresse. »

Il était heureux que le fameux règlement prévît les exceptions, car, à Trianon, à peine un devis sera-t-il approuvé qu'un projet nouveau viendra déranger toutes les combinaisons arrêtées. Le directeur aura beau faire remarquer que ces dépenses supplé

mentaires, se présentant au moment « où les spéculations de l'année étaient arrêtées, même avec l'incertitude de pouvoir les remplir toutes également », rompaient l'équilibre du budget des bâtiments on n'en aura cure; la reine ne supportait ni observation ni retard. Le directeur reconnaîtra qu'il n'y a qu'à obéir et sans délai. « Vous connaissez notre maîtresse, » disait un autre fonctionnaire de la couronne', « elle aime à jouir promptement. »> Aussi fera-t-il suivre d'un correctif les plaintes qu'il n'exhalera plus que timidement et tout bas : « Je vous répète cependant que mon premier vœu est que la Reine soit satisfaite, dussé-je essayer de remettre quelques autres parties »; et ailleurs : « Il s'agit de satisfaire la Reine: ce mot exprime tout pour vous. comme pour moi. » Mais l'argent se trouvera moins facilement que les protestations de zèle; les entrepreneurs qui ne seront payés que très irrégulièrement (on leur devait encore, le 31 août 1791, près de 500,000 livres 3) murmureront; et il courra bientôt, sur les dépenses de Trianon, des bruits qui, d'écho en écho, iront retentir jusqu'au tribunal révolutionnaire. Mercy signale un premier mouvement de l'opinion, dès le 17 septembre 1776. « Le public, » écrit-il à Marie-Thérèse, «< a vu d'abord avec plaisir que le Roi donnait Trianon à la Reine. Il commence à être inquiet et alarmé des dépenses que S. M. y fait. Sur son ordre on a culbuté les jardins pour y faire un jardin anglais qui coûtera au moins 150,000 livres. » S'il avait dit 150,000 livres par an, l'excellent ambassadeur eût été moins loin de compte. Mais ce qui surtout nuira aux finances, ce sera le désordre résultant de l'impossibilité de maintenir dans des limites réglées les budgets des divers services royaux, dont les prévisions seront sans cesse modifiées par le caprice d'une jeune reine qui n'avait alors, nous dit Mercy lui-même, qu'une pensée : le plaisir.

(

1. M. de Fontanien, intendant et contrôleur général du garde-meuble du roi. Lettre du 10 juillet 1780 à Mique. O11879.

2. Lettre du 19 juin 1781. 011886.

3. Voy. plus loin: Documents, IV.

4. II, 495.

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Le moment est enfin venu de parler du plan adopté pour le jardin anglais de la reine. Il était à l'étude depuis 1774, et certaines portions se trouvaient déjà exécutées : la pelouse sur la façade nord-ouest du château, un fragment de la rivière, la grande île et le bosquet vert. Le comte de Caraman avait d'abord dirigé les travaux. Ainsi que nous l'avons vu, M. d'Angiviller fit évincer cet amateur auquel il espérait se substituer; mais le champ de bataille était demeuré à un troisième : l'intendant et contrôleur général des bâtiments de la reine. Ces délais ne nuisirent pas à l'œuvre en préparation. Depuis 1774, la méthode chinoise avait décidément fait école dans notre pays', et nos dessinateurs de jardins commençaient à montrer dans leurs ouvrages les qualités de discernement et de mesure qui caractérisent l'esprit français. L'un d'eux, Morel, le créateur des parcs d'Ermenonville et de Guiscard, publia en 1776 une Théorie

1. A partir de cette époque, les ouvrages en vers et en prose sur les jardins abondent. Duchesne, dont nous avons parlé plus haut, fit paraître, un des premiers, un Essai sur la formation des jardins; Paris, 1775, in-8°.

des jardins', où il fixe les règles du nouvel art avec une précision et une sûreté de goût tout à fait remarquables. Morel dont, suivant l'abbé Delille*,

l'éloquente voix

De la simple nature a su plaider les droits,

est avant tout l'ennemi des jardins factices, à quelque genre qu'ils appartiennent. Il ne critique pas moins sévèrement les fantaisies à la mode poétiques, mythologiques, romanesques, imitatives, que l'abus de la symétrie dans les anciens jardins français. Cependant il reconnaît que ces derniers auront toujours leur raison d'être autour des palais et des monuments publics, où sied une certaine régularité, et il rend hommage au grand talent de Le Nôtre. Ce qu'il veut, c'est tout simplement l'appropriation du jardin à la nature du terrain, au site, au climat, à la destination des édifices dont il doit orner les abords. Si ces principes n'ont pas été appliqués à Trianon dans toute leur pureté, ils contribuèrent du moins à en faire écarter les inventions baroques qui ridiculisent la plupart des jardins de cette époque. Il y a déjà entre Monceau et Trianon une notable différence, toute à l'avantage de ce dernier, et dont il faut faire honneur au livre de Morel la reine l'avait dans sa bibliothèque.

Mique termina donc le plan d'ensemble du jardin du PetitTrianon, le 26 février 1777 (Voy. pl. XI). Il proposait d'établir, sur l'emplacement des terrasses, un groupe de coteaux

1. Paris, 1776, in-8°. Cette première édition est anonyme. Morel a mis son nom à la deuxième, en 2 v. in-8°, Paris, an XI-1802.

2. Les Jardins, poëme, ch. II.

3. Le plan, reproduit dans notre planche XI, a été dressé en 1783. Il nous représente le projet de Mique complétement exécuté. Les chiffres, qu'on voit marqués sur la partie spéciale au jardin de la reine, correspondent aux indications suivantes : 1 cour, 2 château, 3 jeu de bague, 4 temple, 5 grotte, 6 orangerie, 7 réservoir du Trèfle, 8 belvédère, 9 maison du jardinier, 10 comédie, 11 ménagerie, 12 pavillon de jeu, 13 salon frais, 14 communs, 15 chapelle.

avec un grand rocher. Une source, sortant de la montagne à quelques pas des poulaillers, transformés en foyers pour les acteurs, s'épanchera dans un petit lac derrière le rocher, à travers les fissures duquel elle s'échappera en bouillonnant pour former un plus grand lac aux bords échancrés, qui baignera le pied des collines. Ce lac donnera naissance à une rivière, dont le lit sera barré par des quartiers de roche occasionnant différentes chutes d'eau. Une première île, toute petite, auprès du lac, une plus grande, au sud-est de l'enceinte, agrémenteront son cours. Devant le château, la rivière étendra deux bras dessinant une presqu'île, et ira se perdre près de la porte verte dans un ravin. Sur la rive gauche, elle sera bordée par une avenue d'arbres de Judée, derrière laquelle s'élèvera un monticule boisé qu'on appellera le bocage. En face, à l'autre bout du jardin, sur la rive droite, était déjà planté le bosquet vert. Entre deux, la plaine sera coupée par un bouquet d'arbres allongé qui aura le nom de limaçon. Voilà pour le paysage.

Passant aux fabriques qui doivent le décorer, la principale consistera en un temple circulaire placé dans la grande île, visà-vis du château. Il y aura ensuite un ermitage avec sa cloche; — un salon hydraulique, formé de pilastres et de colonnes d'eau jaillissante, où l'on respirera un air frais pendant les grandes chaleurs; un cabinet de treillage couvert de roses grimpantes; -un parc de moutons à la chinoise pour animer les pelouses;des bancs chinois et des canapés turcs en pierre, « peints comme s'ils étaient d'étoffe ';»-une ruine sur le grand rocher, « représentant un temple ancien entouré de débris supposés tombés du frontispice; » — enfin, pour permettre d'embrasser d'un coup d'œil toutes ces merveilles, un belvédère sur la montagne près

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1. Si l'on veut se faire une idée de la façon dont on entendait le genre turc, il faut aller, à Fontainebleau, voir un cabinet orné de cette façon, dans les petits appartements de Marie-Antoinette.

2. « D'après la 44 planche des ruines de Balbec. » Elle représente un édifice circulaire d'un dessin très élégant. Voy. les Ruines de Balbec, autrement dite Heliopolis, dans la Cœlosyrie, par Robert Wood; Londres, 1757, in-folio, fig.

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