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ceux où la pureté du goût, la simplicité, la vérité, sont encore conservées en honneur. L'auteur a su complètement écarter de cette histoire tous les écarts d'imagination, toutes les recherches de style ou d'images qui auraient pu déceler un poète. Il est impossible de séparer les deux talens qu'il réunissait avec un esprit plus ferme et un goût plus solide. D'ailleurs les aventures de Fernand Cortès, et de cette poignée de guerriers, qui, dans un nouvel hémisphère, allaient renverser un puissant empire; leur courage indomptable, leurs passions, leur férocité; les dangers qui renaissent sans cesse autour d'eux, et dont ils triomphent; les vertus plus paisibles des Mexicains, leurs arts, leur gouvernement, leur civilisation, si différente de celle d'Europe; tout cet ensemble de circonstances si piquantes et si neuves, formait un sujet digne de la plus belle histoire. L'unité de sujet, l'intérêt romanesque, le merveilleux s'y présentent d'eux-mêmes et sans art. Le tableau des lieux, celui des mœurs, les recherches philosophiques et politiques, tout est commandé par le sujet, tout doit exciter l'intérêt. Antonio de Solis n'a point été au-dessous d'un si beau cadre; peu d'ouvrages historiques se lisent avec plus de plaisir.

Toute littérature finissait cependant en Espagne; le goût des antithèses, des concetti, des

figures les plus exagérées, s'était introduit dans la prose comme dans les vers; on n'osait point écrire sans appeler à son aide, sur le sujet le plus simple, toutes ses connaissances mythologiques, sans citer à l'appui de la pensée la plus commune, tous les écrivains de l'antiquité; on ne pouvait exprimer le sentiment le plus naturel, sans le relever par une image pompeuse; et dans les écrivains médiocres, le mé– lange de tant de prétentions, avec la pesanteur de leur langage et la lenteur de leur esprit, fait le contraste le plus extraordinaire. Les vies des hommes distingués que nous venons de passer en revue, sont toutes écrites par leurs contem→ porains ou leurs successeurs immédiats dans ce style bizarre; celle de Quevedo, par l'abbé PaulAntoine de Tarsia, serait divertissante par l'excès du ridicule, si cent soixante pages d'un tel galimathias ne causaient pas trop de fatigue; surtout si l'on n'était pas attristé d'y trouver, non la folie d'un individu, mais la décadence du siècle, la perversion du goût de tout une nation. Parmi les centaines d'écrivains qui avaient transporté dans la prose tous les défauts, tout le précieux de Gongora, un homme d'un talent distingué contribua à rendre ce mauvais goût plus dominant encore; ce fut Balthasar Gracian, jésuite, qui s'est caché au public sous le nom emprunté de son frère Lorenzo Gracian.

Ses ouvrages appartiennent à la morale élégante du beau monde, à la morale théologique, à la critique poétique et à la rhétorique. Le plus étendu de tous, porte pour titre, el Criticon; c'est un tableau allégorique et didactique de la vie humaine, divisé en époques, qu'il appelle crisis, et entremêlé d'un roman fastidieux. On y reconnaît partout un homme de talent qui cherche à s'élever au-dessus de tout ce qui est commun, mais qui souvent, en même temps, dépasse et la nature et la raison. Un jeu d'esprit continuel, et un langage si prétentieux, qu'il en est souvent inintelligible, rendent sa lecture fatigante. Mais Gracian aurait pu être un bon écrivain, s'il n'avait pas voulu être un homme extraordinaire. Sa réputation fut bien plus proportionnée à ses efforts qu'à son mérite; il a été traduit et prôné en français et en italien, et il a contribué, hors d'Espagne, à la corruption du goût, qui dans sa patrie était déjà parvenu à sa dernière décadence.

CHAPITRE XXXIII.

Don Pedro Calderon de la Barca.

Nous arrivons à celui des poètes espagnols que ses compatriotes considèrent comme le roi du théâtre, que les étrangers connaissent comme le plus célèbre dans cette littérature, et que quelques critiques allemands mettent au-dessus de tous les auteurs dramatiques qui ont écrit dans aucune des langues modernes. Il n'est point permis de traiter légèrement une aussi grande réputation, et quelle que soit mon opinion sur le mérite de Calderon, c'est un devoir pour moi de faire connaître avant tout, dans quelle estime l'ont tenu des gens d'une haute distinction dans les lettres, pour que le lecteur ne s'arrête point, dans les extraits que je lui soumettrai, aux formes nationales, contraires souvent à nos habitudes; mais qu'il cherche le beau avec l'intention de le trouver et de le sentir, et qu'il s'arme contre des préjugés, dont moi aussi peut-être je ne suis pas exempt.

La vie de Calderon ne contient pas beaucoup d'événemens, il était né, en 1600, d'une famille noble; et dès sa qualorzième année on assure

qu'il commença à écrire pour le théâtre. Après avoir fini ses études à l'université, il demeura quelque temps attaché à des protecteurs qu'il avait à la cour. Il les quitta cependant pour entrer dans l'armée, et il fit quelques campagnes en Italie et en Flandres. Plus tard, le roi Philippe IV, qui aimait avec passion le théâtre, et qui composa lui-même plusieurs pièces publiées sous ce titre, par un bel esprit de cette Cour (un ingenio de esta Corte), ayant vu quelques pièces de Calderon, en appela, en 1639, l'auteur près de sa personne, lui donna le cordon de Saint-Jacques, et l'attacha pour jamais à sa cour. Dès lors les comédies de Calderon furent représentées avec toute la pompe qu'un riche monarque se plaisait à mettre à ses divertissemens, et le poète lauréat fut souvent appelé à faire des pièces de circonstance pour les fêtes de la maison de son maître. En 1652, Calderon entra dans les ordres, sans renoncer pour cela au théâtre. Cependant, dès lors, il composa surtout des pièces religieuses et des Autos sacramentales; et plus il avançait en âge, plus il regardait comme futiles et indignes de lui tous ceux de ses travaux qui n'étaient pas religieux. Admiré de ses compatriotes, caressé par ses rois, et comblé d'honneurs comme de bienfaits et de/ pensions, il parvint à une grande vicillesse. Son ami, Juan de Vera Tassis y Villaroel, ayant

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