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Un des derniers parmi les écrivains du théâtre espagnol, mais toujours du dix-septième siècle, fut don Joseph Cañizarez, qui travailla surtout sous le règne de Charles II; il a laissé un grand nombre de comédies, et presque dans tous les genres ; quelques-unes sont historiques, comme son Picarillo en España, fondée sur les aventures d'un Frédéric de Braquemont, fils de celui qui, avec Jean de Béthencourt, découvrit et conquit, en 1402, les Canaries; mais ces comédies historiques ne sont guères moins romanesques que celles qui sont entièrement d'invention. Du reste, ni les comédies de Cañizarez, qui sont les plus modernes, ni celles de Guillen de Castro et de don Juan Ruys de Alarcon, qui sont les plus anciennes; ni celles de don Alvaro Cubillo de Aragon, de don Francisco de Leyra, de don Agustin de Zalazar y Torres, de don Christoval de Monroy y Silva, de don Juan de Matos Fragoso, de don Geronymo Cancer, n'ont un caractère assez marqué pour qu'on puisse reconnaître la manière et le style de l'auteur. Leurs œuvres, comme leurs noms, se confondent, et après avoir parcouru le théâtre espagnol, dont la richesse étonnait et éblouissait d'abord, on le quitte, fatigué de sa monotonie.

La poésie espagnole s'était soutenue pendant les règnes des trois Philippe (1556-1665), mal

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gré la décadence nationale. Les calamités dont la monarchié était frappée, le double joug de la tyrannie politique et religieuse, les défaites continuelles, la révolte des pays conquis, l'épuisement des armées, la ruine des provinces la désolation du commerce, n'avaient point, arrêté immédiatement l'essor du génie poétique.. Les Castillans s'étaient enivrés sous CharlesQuint de la fausse gloire de leur monarque, de l'importance nouvelle qu'ils avaient acquise en Europe; un noble orgueil, un sentiment de leur grandeur, les poussait en avant à de nouvelles entreprises; ils avaient soif de distinction et de gloire; ils se précipitaient avec une ardeur toujours renaissante dans les carrières qui leur étaient encore ouvertes; le nombre des combattans pour cette noble palme ne dimi nuait point, et comme on leur fermait successivement les divers chemins qui pouvaient les mener à l'illustration, le service de la patrie, le culte de la pensée, toutes les branches de la littérature qui se liaient avec la philosophie; comme les employés civils étaient devenus de timides instrumens de la tyrannie, et comme les militaires étaient humiliés par des défaites continuelles, la poésie seule était encore permise à ceux qui voulaient se distinguer. Le nombre des poètes allait croissant, tandis que le nombre des hommes de mérite diminuait dans

toutes les autres classes. Mais avec le règne du quatrième Philippe, finit cette impulsion intérieure qui avait animé jusqu'alors les Castillans. Depuis long-temps le goût des poètes se ressentait de la décadence universelle, quand même leur ardeur n'avait pas diminué; l'affectation, l'enflure, tous les défauts de Gongora, avaient corrompu la littérature. Enfin le ressort qui les avait poussés si long-temps en avant se détendit; on entrevit la vanité de la gloire attachée à l'esprit précieux et à la boursoufflure; on ne se sentit plus de moyens pour en atteindre aucune autre; on s'abandonna à l'apathie et au repos; on courba la tête sous le joug; on s'efforça d'oublier les calamités publiques, de resserrer sa vie, de restreindre ses. goûts aux jouissances physiques, au luxe, à la paresse et à la molJesse; la nation s'endormit, et toute littérature cessa, avec tout essor et toute gloire. Le règne de Charles 11, qui, en 1665, monta sur le trône, âgé de cinq ans, et qui transmit à sa mort, en 1700, l'héritage de la maison d'Autriche à la maison de Bourbon, est l'époque de la dernière décadence de l'Espagne. C'est le temps de sa plus grande nullité dans la politique européenne, de sa plus grande faiblesse morale, et du plus grand abaissement de sa littérature. La guerre de la succession qui éclata ensuite, tout en dévastant toutes les provinces de l'Espagne,

commença cependant à rendre à leurs habitans quelque peu de l'énergie qui s'était si complètement perdue sous la maison d'Autriche. Un sentiment national leur mit les armes à la main, l'orgueil ou l'affection, non l'autorité, décidérent du parti qu'ils devaient suivre, et de même qu'ils recommencèrent à sentir pour euxmêmes, ils recommencèrent aussi bientôt à penser. Cependant leur retour vers la littérature fut lent et calme; cette flamme d'imagination qui, pendant un siècle, avait donné tant de milliers de poètes à l'Espagne, s'était éteinte, et ceux qui vinrent ensuite, n'avaient plus ni le même enthousiasme, ni le même brillant.

Philippe v n'influa sur la littérature espagnole par aucune préférence qu'il accordât à celle de France; il avait peu de talens, de goût et de connaissances, mais son caractère grave, sombre et silencieux, le rapprochait bien plus des Castillans que des Français. Il fonda l'académie de l'histoire, qui ramena les érudits à des recherches utiles sur les antiquités espagnoles, et l'académie du langage, qui s'est illustrée par la composition de son excellent Dictionnaire. Du reste, il abandonna ses nouveaux sujets à leur direction naturelle dans la culture des lettres. Cependant, l'éclat du règne de Louis XIV qui avait ébloui toute l'Europe, et qui avait imposé aux autres nations et

aux autres littératures les règles du goût français, avait frappé les Espagnols à leur tour. Un parti s'était formé parmi les gens de lettres et dans le beau monde, qui donnait une haute préférence aux compositions régulières et classiques des Français, sur toutes les richesses d'une imagination espagnole. D'autre part, le public s'attachait avec obstination à une poésie qui lui paraissait liée à la gloire nationale; et l'opposi tion entre ces deux partis, se faisait surtout sentir pour les pièces de théâtre. Les lettrés regardaient Lope de Vega et Calderon avec un mélange de mépris et de pitié, tandis que le peuple ne voulait point souffrir dans les spectacles, d'imitation ou de traduction des Français, et n'accordait ses applaudissemens qu'aux pièces de ses anciens poètes, dans l'ancien goût national. Le théâtre demeura donc, pendant le dix-huitième siècle, sur le même pied que du temps de Calderon. Seulement on ne vit plus guère paraître d'autres pièces nouvelles que des comédies religieuses, parce qu'on supposait que dans celles-ci la foi pouvait suppléer au talent. Dans la première moitié du dix-huitième siècle, on publia, on représenta des vies dramatiques des saints, qui, le plus souvent, auraient dû être des objets de ridicule et de scandale, et qui cependant avaient obtenu non seulement la permission, mais l'approbation et les éloges de

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