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la nation à qui elle appartient n'est pas nombreuse; et de plus, presque tous les Portugais qui se sont distingués dans les lettres ont écrit une partie de leurs ouvrages en castillan. D'ailleurs, c'est une littérature qui est hors de la portée du reste de l'Europe; le peu de commerce des Portugais avec tous les peuples civilisés, l'attention qu'ils dirigeaient uniquement vers l'Inde, tandis que l'esprit de vie existait en eux, et leur langueur actuelle, ont entièrement empêché leurs ouvrages de se répandre parmi nous. Ce n'est que par des voyages, et en visitant les bibliothèques les plus fameuses, que j'ai réussi à m'en procurer un petit nombre; souvent sur cent mille volumes, amassés à grands frais, on ne trouve pas un seul livre portugais, et sans l'ouvrage de Boutterwek sur cette littérature, il m'aurait été impossible d'en donner un compte tant soit peu satisfaisant.

Quoique tous les poètes portugais aient écrit aussi des vers castillans, le passage de l'une à l'autre langue n'est point aussi facile qu'on pourrait le croire d'abord. Le portugais est du castillan contracté, mais la contraction a été si forte, qu'elle a fait le plus souvent disparaître des mots les sons caractéristiques. D'ailleurs la langue est adoucie, comme le sont le plus souvent les dialectes des côtes, par opposition aux langues rudes et sonores des montagnes. Tel est le rap

port du hollandais au haut allemand, du danois au suédois, du vénitien au romagnol (1).

Les conquérans teutoniques du Portugal ne parlaient pas peut-être la même langue que ceux du reste de l'Espagne ; et si les monumens ne nous manquaient pas sur le langage familier de tout le moyen âge, peut-être trouverions-nous chez les Vandales et les Suèves, qui ne se mêlèrent jamais bien avec les Visigoths, des habitudes particulières de contraction dans les mots, qui influèrent, dès le temps de leur invasion,

(1) Le portugais, si l'on peut se permettre cette expression est du castillan désossé; la consonne du milieu des mots est en général celle qui demeure retranchée, et cette contraction déroute plus qu'un autre l'étymologiste. Ainsi, dolor, douleur, devient dòr; celos, les cieux, devient ceos; mayor, majeur, mòr; nello; no; dello, do, etc. Il y a ensuite quelques lettres pour lesquelles les Portugais semblent avoir de l'aversion. Ainsi, l'l est retranchée même de leurs noms: Alfonso, Affonso; Alboquerque, Aboquerque; ou elle est changée en r; blando devient brando; playa, praja. L'll se change en ch; llegar devient chegar; lleno, cheo. L'j consonne, qui n'est point aspiré, mais qui se prononce comme en français, prend la place, tantôt de l'y, tantôt du g. L'f prend la place de l'h; hidalgo, fidaljo. I'm est toujours substituée à l'n à la fin des mots, et les syllabes nasales en ion se changent en syllabes nasales en ao. Ainsi, nacion, naçao; navigacion, navigaçao, etc.

sur le patois de la Galice et du Portugal; peutêtre aussi dans les provinces occidentales, les sujets romains demeurèrent-ils plus nombreux après la conquête des Barbares, puisque la langue portugaise est demeurée plus rapprochée de la latine que la castillane, et s'est aussi formée plutôt. Mais l'invasion des Musulmans, à une époque où les habitans de l'Espagne n'écrivaient point encore dans leur langue vulgaire, rend ces recherches tout-à-fait conjecturales; seulement les érudits portugais se sont étudiés à prouver que leur dialecte particulier existait parmi les Chrétiens soumis à la domination des Arabes; et que dès cette époque reculée, il était déjà employé pour la poésie (1).

(1) Manuel de Faria y Sousa, dans son Europa Portuguesa, rapporte des fragmens d'un poëme historique en vers de arte mayor, qu'il prétend avoir été trouvés au commencement du douzième siècle, dans le château de Lousam, lorsqu'il fut pris sur les Maures. Le manuscrit qui les contient paraissait dès lors, dit-il, consumé par le temps (t. in, P. IV, C, Ix, p. 378); d'où il conclut que le poëme est à peu près de l'époque de la conquête des Arabes.

Le fait lui-même me paraît appuyé sur une autorité bien douteuse, et les vers ne me semblent, ni par leur construction, ni par leurs idées, ni même par le langage, indiquer une si haute antiquité. Cependant ce tout premier monument des langues romanes est encore assez

L'antiquité de ces premiers monumens de la langue, s'accorde, avec des observations histo

remarquable, pour que j'en rapporte ici trois strophes, que je crois nécessaire de faire précéder d'une traduction. << Horpas et Julien, ces cruels dévastateurs, ensemble » avec les neveux adultérins d'Agar, accomplirent cette » étonnante révolution; ils amenèrent de Ceuta sur le » sol de l'Espagne, Musa et Zariph, sous les étendards » du Miramolin, avec une nombreuse compagnie, une » fausse noblesse et des prêtres malfaisans ; et comme le >> comte était gouverneur des lieux même où était la force » et le boulevard de la Bétique, il conduisit en sûreté » les infidèles jusqu'à terre; Gibraltar même, quoiqu'il » fût approvisionné, quoique tout fût rassemblé pour sa » défense, leur fut ouvert, et fut pris par eux sans au>> cune fatigue. Parmi les prisonniers, ceux qui furent >> loyaux à la vérité, furent, sans égard au sexe ou à » l'âge, mis au fil de l'épée, après s'être rendus, par des » ennemis altérés du sang des baptisés. Lorsqu'ils eurent >> accompli cette œuvre cruelle, ils profanèrent le temple >> et l'oratoire de la Divinité, en le changeant en mos>> quée, où aussitôt ils adorèrent leur maudit et sacrilége >> Mahomet ».

A Juliam et Horpas a saa grei daminhos,

Que em sembra co os netos de Agar fornezinhos,

Huma atimarom prasmada fazanha,

Ca Muza, et Zariph com basta companha,

De juso da sina do Miramolino,

Com falsa infançom et Prestes malinho,

De Cepta aduxeron ao solar d'Espanha.

Et porque era força, adarve et foçado

Da Betica almina, et o seu Casteval

riques, pour faire croire que, sous le gouvernement musulman, les Chrétiens avaient reflué vers les côtes occidentales de l'Espagne, tandis que les côtes orientales étaient occupées par les Arabes, qui voulaient se conserver à portée du commerce du levant de l'Afrique. Le royaume de Léon fut tout entier arraché aux Maures long-temps avant la Nouvelle-Castille, et celleci avant Saragosse au centre de l'Aragon. Les Chrétiens, en continuant leurs conquêtes, parurent avancer en Espagne, non point parallélement à l'équateur, mais par une ligne diagonale, et du nord-ouest au sud-est. Il y a tout lieu de croire que les pays les premiers reconquis, étaient, avant leur conquête, plus peuplés de chrétiens moçarabes, qui favorisaient les armes de leurs libérateurs.

O Conde por encha, et pro comunal,
Em terra os encreos poyarom a saagrado.
Et Gibaraltar, maguer que adornado,
Et co compridouro per saa defensað,
Pello susodeto sem algo de afao
Presto foy delles entrado et filhado.

E os ende filhados leaes aa verdade,
Os hostes sedentos do sangue de onjudos
Metero a cutelo apres de rendudos,
Sem que esguardassem nem seixo ou idade;
E tendo atimada a tal crueldade,

O templo e orada de Deos profanarom,
Voltando em mesquita, hu logo adorarom
Sa besta Mafoma a medes maldade.

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