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Le petit comté de Portugal, qui ne comprenait alors que la province, appelée aujourd'hui Tra los Montes, ou le voisinage de Bragance, secoua le joug des Musulmans, aussi bien que la Galice, peu d'années après leur invasion. Mais aussi long-temps que dura la puissance des califes Ommiades, les Portugais, contens de se défendre dans leurs montagnes, eurent peu d'espérance de faire des conquêtes, et n'aspirèrent qu'à demeurer ignorés. La période d'anarchie chez les Musulmans, qui suivit, en 1931, la mort d'Hescham el Mowajed, le dernier des Ommiades de Cordoue, et qui s'étendit jusqu'en 1087, lorsque Joseph, fils de Teschfin-le-Morabite, soumit les Maures d'Espagne à l'empire de Maroc; cette periode, dis-je, donna aux Portugais, comme aux Castillans, le loisir de respirer, et de songer à s'agrandir.

Ce fut vers ce temps-là qu'Alphonse VI, qui venait de conquérir Tolède, maria deux de ses filles à deux princes de Bourgogne de la maison royale de France, auxquels il donna pour dot, à l'un la Galice, à l'autre le comté de Portugal. Henri de Bourgogne, le premier des souverains connus du Portugal, à la tête des aventuriers français qui l'avaient suivi, étendit son petit État de 1090 à 1112, aux dépens des Maures du voisinage. Son fils Alphonse Henriquez, le vrai fondateur de la monarchie

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portugaise, pendant une vie de quatre-vingtonze ans, et un règne de soixante-treize ans,

1112-1185), conquit successivement presque tout le Portugal actuel, à la réserve du royaume des Algarves. Les efforts des Almoravides, pour maintenir tous les petits princes de l'Espagne sous la dépendance de l'empire de Maroc, paraissent avoir donné quelque répit aux chrétiens; sans doute aussi le nombre trèsconsidérable de chrétiens moçarabes, qui habitaient ces provinces, favorisa cette conquête, qui pourrait, à plus juste titre, s'appeler une révolution, puisque, sans changer la nation, elle rendit dominante une autre religion et une autre dynastie. Ce fut sous le règne de cet Alphonse, que la grande victoire d'Ourique, le 26 juillet 1139, dans laquelle cinq rois maures furent défaits, engagea les Portugais à changer le titre de comté en celui de royaume. Les Cortès, assemblés à Lamego, donnèrent, en 1145, une constitution libre à ce nouveau peu¬ ple; et la prise de Lisbonne, en 1147, lui donna une puissante capitale, déjà enrichie par le commerce le plus actif, et habitée par une immense population.

La puissance et la richesse de Lisbonne, cette grande capitale d'une petite nation, eut une influence très-marquée sur les mœurs et le génie du peuple. Les Portugais furent, dès leur première

origine, accoutumés à une vie moins solitaire; ils se formèrent par le commerce des hommes, non par la vie des châteaux ; ils furent, en conséquence, moins sauvages, moins impérieux,moins fiers, moins fanatiques : d'autre part, un plus grand nombre de Moçarabes se trouvant tout à coup incorporés à la nation, l'influence orientale se fit sentir sur eux plus vivement encore que sur les Castillans. L'amour occupa une partie plus grande encore de leur vie; il fut plus passionné, plus tendre, plus. rêveur; et leur poésie est devenue un culte de leurs belles plus enthousiaste que celle d'aucun peuple de l'Europe.

Dans le plus beau pays de la terre, dans la patric des orangers, sur ces collines où l'on recueille, presque sans soins, les vins les plus exquis, les Portugais ne semblent pas avoir poussé jamais très-loin les connaissances et les soins de l'agriculture; aujourd'hui l'une des rives du Tage est absolument déserte, et l'on voyage dans une vaste et fertile plaine, sans rencontrer une chaumière, un épi de bled, un monument de la vie de l'homme ou de son industrie. Les déserts sont abandonnés au pâturage, car proportionnellement à la population, le nombre des bergers est considérable; et ce n'est pas sans raison, qu'aux yeux des Portugais, la vie des champs se confond toujours avec

le soin de garder les troupeaux. La nation, partagée entre de hardis navigateurs, des soldats, et des bergers, se montra plus propre à un grand développement d'énergie et de courage, qu'à l'activité persistante de l'industrie. L'amour, le désir de la gloire, la soif des aventures pouvaient faire supporter au Portugais les plus rudes fatigues, les plus sévères privations, car il s'était accoutumé à tout, comme matelot et comme berger; mais dès qu'il ne sentait plus l'aiguillon des passions, il retombait dans son indolence rêveuse. L'oisiveté des peuples du Midi n'affaiblit pas leur âme autant que celle des peuples du Nord; ce n'est pas à des jouissances grossières qu'ils s'abandonnent dans leur repos, mais à la contemplation, et aux douces influences d'un beau climat. Lors même qu'ils agissent le moins, ils vivent encore avec la nature. Quelque déchus de leur grandeur passée que soient les Portugais dans les derniers siècles, ils rappellent encore avec orgueil la place qu'ils ont occupée dans l'histoire du monde. Une poignée de chevaliers avait fait en moins d'une génération, la conquête d'un royaume; et pendant huit siècles, les frontières de ce petit peuple n'ont jamais reculé, du moins en Europe. Des combats glorieux contre les Maures leur donnèrent une patrie qu'ils durent conquérir pied à pied. Dans des expé

ditions chevaleresques, ils secoururent, ils protégèrent leurs puissans voisins, les Castillans les rois chrétiens de l'Espagne ne livrèrent aux Maures aucune des grandes batailles qui signalent cette histoire, sans que les Portugais y fussent invités et y occupassent une place honorable. L'esprit de chevalerie les transporta, au commencement du quinzième siècle, au-delà du détroit de Gibraltar, et leur fit entreprendre de fonder un nouvel empire chrétien sur les frontières de Fez et de Maroc. Une plus vaste ambition, des espérances plus lointaines séduisirent au milieu du même siècle les héros qui gouvernaient le Portugal. L'infant don Henri, troisième fils de Jean 1er, Alphonse v, et Jean II, devinèrent la forme péninsulaire de l'Afrique, et le vaste océan qui embrasse le monde. Les plus hardis navigateurs traverserent cette zone torride qu'on avait crue inhabitable, franchirent la ligne, virent s'élever sur leurs têtes un nouveau pole, et se dirigèrent sur une mer inconnue par les constellations d'un ciel également inconnu ; ils doublèrent enfin ce terrible cap des tempêtes, que , que le roi Jean II, avec une juste prévoyance, appela le Cap de Bonne - Espérance: ils ouvrirent aux européens la route ignorée de l'Inde ; et la conquête de ses plus riches royaumes, la conquête d'un empire qui égalait en étendue et en riches

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