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Ce n'est point cependant d'après Boutterwek, si souvent mon seul guide dans la littérature portugaise, que je jugerai le talent dramatique de Ferreira; il me paraît l'emporter de beaucoup sur son talent lyrique : mais il appartient à cette école des imitateurs modernes de l'antique, que tous les littérateurs allemands ont frappée de leur réprobation. Ferreira écrivit une tragédie sur le sujet national d'Inès de Castro, que tant de poètes portugais ont célébrée après lui. Il n'avait alors d'autre modèle que les anciens le théâtre espagnol n'avait pas commencé, celui des Italiens était encore au berceau: Trissin mourut neuf ans avant Ferreira, et sa Sophonisbe ne put pas précéder de beau

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pas enrichir, par ses talens, la littérature d'un peuple rival. (L. 1, Cart. 3.)

Cuida melhor, que quanto mais honraste,
E em mais tiveste essa lingua estrangeira,
Tanto a esta tua ingrato te mostraste.

Volve, pois volve, Andrade, da carreira
Que errada levas (com tua pas o digo).
Alcançarás tua gloria verdadeira.

Té quando contra nós, contra ti imigo

Te mostrarás? obriguete a razao,
Que eu como posso, a tua sombra sigo.

As mesmas Musas mal te julgarao,

Serás em odio a nós, tens naturais,

Pois, cruel, nos roubas o que em ti nos dlaỡ.

coup d'années l'Inès du poète portugais; d'ailleurs, les quatre ou cinq tragédies qui existaient alors en italien, et qui n'avaient été jouées que dans de grandes solennités, étaient des modèles bien imparfaits. Ferreira composa donc sa tragédie sans connaître le théâtre, sans chercher à deviner les goûts d'un public qui n'existait pas encore; mais il suivit fidèlement les modèles grecs qu'il avait sous les yeux, et il s'éleva ainsi, ce me semble, fort au-dessus des Italiens ses contemporains.

On sait qu'Inès de Castro, maîtresse de l'infant don Pedro de Portugal, fut poignardée par ordre du roi Alphonse iv, qui voulait arracher son fils à un lien inégal. Ferreira, qui veut conserver de la grandeur, et même de la douceur au caractère d'Alphonse, a soin de motiver cette cruauté par de fortes raisons et politiques et religieuses; surtout de pénétrer le spectateur du ressentiment populaire qui poursuivait alors la malheureuse Inès. Celle-ci avait été aimée par don Pedro, lorsqu'il était l'époux d'une autre femme; elle avait consenti à tenir l'enfant de cette autre femme sur les fonts du baptême; son mariage avec le père de cet enfant devenait presque un inceste. La Cour et le peuple craignaient également de donner une marâtre au successeur légitime du trône. Le choeur, et même le

confident de l'infant, expriment avec courage, en lui parlant, ce voeu universel; et, dès le commencement, on voit la passion de deux infortunés lutter contre le sentiment d'une nation entière. Aussi Alphonse, pressé par ses conseillers d'assurer le salut public par la mort d'une femme, n'inspire-t-il ni horreur ni répu gnance; il mêle à sa faiblesse un caractère de dignité et de bonté ; et lorsque, cédant à des conseils qui lui répugnent, il déplore les misères de la royauté, on croirait reconnaître dans Ferreira le langage d'Alfieri.

« Celui-là seulement est roi, encore que son »nom ne soit jamais répété, qui passe ses jours » libre de craintes, de désirs, d'espérances,....... » O jours heureux ! contre lesquels je change->> rais avec joie toutes ces années où je suis ac» cablé de. tant de fatigues..... Je crains les >> hommes; forcé avec plusieurs de dissimuler, » il y en a que je ne puis châtier, il y en a que » je n'ose..... Être roi, et n'oser pas ! Ah!le >> roi aussi craint son peuple; le roi aussi souffre >> et soupire, et gémit, et dissimule!.... Non, je » ne suis point roi, je ne suis qu'un captif (1) »,

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Au commencement du troisième acte, Inès raconte à sa nourrice un songe funeste qui lui révèle l'avenir; elle le fait avec une noblesse de langage et une poésie qui s'allient à la plus touchante sensibilité, et avec une effusion de tendresse maternelle que notre style tragique plus pompeux ne saurait admettre, mais qui pénètre jusqu'au coeur. Voici les premiers vers de cette scène:

<<< INÈS. O clair! ô brillant soleil ! comme tu » réjouis des yeux qui, cette nuit encore, >> croyaient ne plus te revoir. O nuit triste! ô » nuit obscure ! comme tu étais épaisse ! comme » tu fatiguais mon âme, par tes vaines terreurs! »Tu m'avais environnée de tant de craintes, >> que je croyais perdre l'objet de mon amour, >> l'objet des désirs de mon âme, que je laissais » ici après moi.... Et vous, mes fils; mes fils, si >> beaux, en qui je retrouve et le visage et les » yeux de votre père, vous aussi, vous restiez ici abandonnés par moi!.... O triste songe! » dans quel effroi tu m'as jeté ! Je tremble en

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» core, je tremble!.... Grand Dieu, détourne » de nous un si triste présage (1) ».

Inès ignore encore les dangers qu'elle court. Le choeur les lui annonce dans la scène suivante.

« LE CHŒUR. Ce sont de tristes nouvelles, des >> nouvelles cruelles, des nouvelles de mort, » que je te porte, ô dona Inès! Infortunée! ah » malheureuse, malheureuse ! tu ne méritais » pas la mort cruelle qui vient ainsi te cher» cher.

» LA NOURRICE. Que dis-tu? Parle.

» LE CHŒUR. Je ne puis, je pleure. <>>INES. De quoi pleures-tu ?

>> LE CHŒUR. De voir ce visage, ces yeux,

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(1) IGNEZ.

Oh sol claro e fermoso!

Como alegras os olhos, que esta noite
Cuidarao nao te ver! Oh noite triste!
Oh noite escura! Quam comprida foste!
Como cansaste est' alma em sombras vas!
Em medos me trouxestes taes, que eria
Que alli se me acababa o meu amor,
Alli a saudade da minh' alma

Que me ficava cá.... e vós, meus filhos!

Meus filhos tam fermosos, em que eu vejo
Aquelle rosto e olhos do pay vosso.

De mim ficaveis cá desamparados!....

Oh sonho triste que assi me assombraste!...
Tremo ind'agora, tremo.... Deos afarte
De nós tam triste agouro!

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