Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

docteurs catholiques, les dieux du paganisme ne sont autre chose que les diables; qu'ils ont un pouvoir et une existence réelle, et qu'en luttant avec la Divinité ils ne font que soutenir leur ancienne rebellion. Bacchus fait ici le rôle que Belzebuth et Astaroth jouent dans le Tasse. Au reste, il faut convenir que la mythologie du Camoëns est toujours inintelligible, et que l'intérêt n'est point encore suffisamment excité. Le début du poëme était imposant, mais bientôt le récit a commencé à languir; les circonstances de la navigation sont toutes d'une vérité historique, mais Camoëns n'a rien ajouté à ce qu'on trouve dans le livre Iv de la première décade de Barros, qui a écrit l'histoire des conquêtes des Portugais dans les Indes. On dirait qu'il a pris là sa matière, au lieu de voyager lui-même dans ces régions inconnues: il va chercher tous ses ornemens dans la fable grecque, et il ne tire aucun parti ni du climat, ni des mœurs, ni de l'imagination orientale. Avançons, cependant, nous trouverons dans la Lusiade des beautés d'un ordre si supérieur, qu'elles méritent d'être achetées par quelque fatigue.

Vasco de Gama, encouragé par le rapport de 'son messager, et pressé par le roi de Mombaça, se résout à entrer dans le port avec le soleil levant; il retire ses ancres, le vent gonfle ses

voiles, et il paraît déjà dans cette enceinte où sa perte était assurée, lorsque Venus accourt auprès des Nymphes de la mer, et les supplie, au nom de la naissance qu'elle a reçue, parmi elles, de l'aider à sauver ses chers Portugais du danger qui les menace. Toutes les Néréides s'empressent autour d'elle, un Triton la prend sur ses épaules, il ne sent point le poids d'un si doux fardeau, il nage devant les autres, glorieux d'une si belle charge. Les Divinités de la mer ferment le chemin aux navires, Dioné elle-même appuie sa blanche et délicate poitrine contre la proue du vaisseau amiral, et elle le repousse en arrière (1), en dépit du vent qui gonfle les voiles, et de toute la manoeuvre. L'équipage, étonné d'un tel prodige, ne sait comment l'expliquer; les Maures, qui étaient montés en grand nombre sur le vaisseau, croient que la trahison qu'ils méditaient a été découverte; ils se précipitent de toutes parts dans les

(1) Cant. II, Strop. 22.

Poese a Deosa com outras em direito
Da proa capitaina, e alli fechando
O caminho da barra, estaõ de geito

Que em vao assopra o vento a véla inchando,

Poe no madeiro duro o brando peito,

Para detraz a forte não forçando :

Outras em derredor levandoa estavam,

E da barra inimiga a disviavam,

flots; le pilote lui-même s'échappe à la nage, et Vasco de Gama, jugeant de leur perfidie d'après leur crainte, s'éloigne de la barre qu'il avait voulu franchir, et se met en défense.

contre eux.

Vénus cependant monte au haut de l'empyrée pour solliciter Jupiter en faveur de ses Portugais, et sa marche au travers des cieux, sa parure, ses supplications sont exprimées avec une grâce, une mollesse, une volupté (1) que

[blocks in formation]

ne surpassent point les poètes pour qui le culte de Vénus faisait partie de la religion. Jupiter l'accueille avec bonté, il la console en lui prédisant la gloire future des Portugais, et toutes les conquêtes qu'ils doivent faire ensuite dans les mers de l'Inde, la fondation de l'empire à Goa, la double conquête d'Ormuz, et la ruine de Calicut. En même temps il ordonne à Mercure de conduire Vasco de Gama à Mélinde dans un royaume maure, il est vrai, comme les autres, mais dont le peuple hospitalier s'empressera de l'accueillir, et de lui fournir les secours dont il a besoin.

Le roi de Mélinde, en effet, frappé d'étonnement d'une navigation si hardie, et concevant la plus haute opinion de la puissance portugaise, s'empressa de faire alliance avec ces

De alva pretina flammas lhe sahiam,
Onde o Menino as almas accendia;
Pelas lisas columnas lhe trepavam
Desejos, que como hera se enrolavam.

E mostrando no Angelico semblante

Co o riso huma tristeza misturada;
Como dama que foi do incauto amante
Em brincos amorosos mal tratada;

Que se queixa, e se ri n'hum mismo instante,

E se mostra entre alegre magoada ;

Desta arte a Deosa, a quem nenhuma iguala
Mais mimosa que triste ao padre fala...

étrangers; il leur fournit les vivres, les rafraîchissemens dont ils avaient besoin; il consentit à venir sur mer s'aboucher avec l'amiral qui ne voulait point descendre à terre, et il montra pour les entreprises des Européens une curiosité dont Camoëns a tiré parti, pour lui faire adresser par Gama un long récit, non-seulement de sa navigation antérieure, mais de toute l'histoire de sa patrie. Ce récit, qui fait à lui seul à peu près le tiers du poëme, et qui dans le plan de Camoëns en est peut-être la partie la plus importante, est bien moins naturel que celui d'Ulysse aux Phéaciens, ou d'Enée à Didon, qui lui ont servi de modèle. Le roi maure auquel il est adressé, et qui n'a jamais entendu parler ni de l'Europe, ni de ses lois, ni de ses guerres, ni de sa religion, est dans l'impossibilité d'en comprendre la plus grande partie, et s'il le comprenait, le plus souvent, ce discours n'aurait d'autre effet que de le prévenir contre son hôte, ennemi héréditaire, ennemi juré de la race maure et de la religion musulmane. Mais, considéré en lui-même, ce discours est presque toujours un modèle de narration.

Gama commence son récit par décrire l'Europe, cette partie du monde d'où doivent sortir les conquérans et les instructeurs de l'univers; et sa description est noble et poétique : il caractérise chacun des peuples qui se sont

« VorigeDoorgaan »