» venir, tout ce qui se présentait à sa vue, était » pour lui un gage de bonheur. » Il refusait de s'unir aux plus belles dames, >> aux plus hautes princesses, car le plus pur >> amour méprise toute chose quand il est as» servi par un doux regard. Son vieux père, » voyant ses transports', et l'aversion de son fils » pour le mariage, fut frappé des murmures du » peuple. Il résolut d'enlever Inès au monde, » pour lui arracher son fils qu'elle retenait » captif; il crut, avec le sang d'une innocente, » éteindre le feu brûlant de l'amour. Mais quelle >> aveugle fureur lui fit lever contre une femme » faible et délicate l'épée tranchante qui avait >> soutenu le poids et la fureur des Maures. Des >> gardes redoutés la conduisaient devant le roi, » que la pitié commençait à ébranler; mais le » peuple, frémissant contre elle, répétait des >> accusations fausses et féroces, et demandait » qu'on la livrât à une mort cruelle. » Inès, d'une voix triste et plaintive, se la>> mente sur le sort de son prince et de ses fils >> qu'elle quitte; cette séparation lui cause plus >> d'angoisses que sa propre mort. Levant vers 、 >> le cristal des cieux ses yeux pleins de larmes, » ses yeux, car l'un des bourreaux retenait >> alors ses mains captives; se retournant en>> suite vers ses enfans pleins de grâces et qu'elle >> chérissait, ses enfans, qu'en tendre mère elle » tremblait de laisser orphelins, elle parla ainsi » à leur aïeul cruel (1). » Si parmi les animaux féroces, à qui la na>>ture enseigna la cruauté dès leur naissance, >> parmi les oiseaux sauvages, qui ne vivent dans >> l'air que de rapine, on a vu de pieux sentimens >> en faveur des faibles enfans de l'homme; ô toi, >> dont le visage, dont le cœur est encore celui » d'un homme, quoiqu'il soit peu digne d'un >> homme d'égorger une femme faible et sans » défense ?..... Respecte ces faibles créatures, puisqu'une mort funeste leur enlève leur » appui; prends pitié d'elles à cause de moi, >> quoique tu n'aies point eu pitié de mon in>> nocence. Si, lorsque tu as vaincu la résis» tance des Maures, tu as su donner la mort » par le fer et le feu, que ne sais-tu aussi, par » ta clémence, donner la vie à celui qui ne com>> mit point de faute pour mériter de la perdre. >> Si mon innocence peut mériter que tu m'é (1) Cant. III, Strop. 125. Para o ceo crystallino alevantando Com lagrimas, os olhos piedosos, Os olhos, porque as maos lhe estava atando Hum dos duros ministros rigorosos; E despois nos meninos attentando, Que taỡ queridos tinha, e taõ mimosos, Para avô cruel assi dizia. >> pargnes, envoie-moi dans un exil malheu>> reux et perpétuel, ou dans la froide Scythie, » ou dans la Lybie ardente, pour y vivre con>> stamment de mes larmes. Envoie- moi là où » la férocité règne seule entre les lions et les >> tigres, et tu verras si je ne pourrai pas ob>> tenir d'eux une pitié que les cœurs humains >> m'ont refusée. Là, avec cet amour qui rem>>plit mon âme, avec cette tendresse qui causa » ma mort, j'éléverai ces gages de celui que je » chéris ; ils seront la consolation de leur triste » mère (1). Le roi attendri, ébranlé par ces >> paroles qui perçaient son coeur, voulait lui >> pardonner; mais le peuple obstiné, et le des (1) Cant. III, Strop. 128. E se vencendo a maura resistencia, Poê-me onde se usa toda a feridade; » tin qui le voulait ainsi, ne lui pardonnèrent » pas. Ceux qui avaient sollicité cet arrêt fé>> roce, brandissaient déjà leurs épées de fin >> acier. C'est contre une femme, chevaliers, » que vous vous montrez barbares, et que vous » vous changez en bourreaux ! >> Ainsi que le cruel Pyrrhus lève son épée » contre la belle Polyxène, dernière consola>>tion de sa vieille mère, parce que l'ombre » d'Achille la condamne, ainsi que, soulevant >> ses yeux qui répandent la sérénité dans l'air, >> Polixène s'offre au cruel sacrifice, comme » une brebis douce et patiente, de même Inès >> présente aux cruels meurtriers ce cou d'al>> bâtre qui soutenait les merveilles par les» quelles l'amour subjugua celui qui devait en» suite la faire reine. Elle baigne leurs épées, >> elle couvre de sang ces lys, sur lesquels ses >> yeux avaient brillé. Ils se souillèrent par le >> meurtre, ils ne songèrent point, dans leur co>> lère, au châtiment qui les attendait. O soleil ! » que ne détournais-tu tes rayons d'un tel spec>> tacle, comme tu les détournas de la table fu>> neste de Thyeste, lorsqu'il dévorait ses fils » qui lui étaient servis par la main d'Atrée. Et » vous, vallons reculés, qui pûtes entendre les » dernières paroles de cette bouche glacée, vous » répétâtes long-temps le nom de don Pedro, » que vous lui entendîtes prononcer! De même » que la marguerite blanche et brillante, qui » fut coupée avant le temps, et maltraitée par >> les mains imprudentes de la jeune fille, pour »orner une chapelle, perd tout son éclat et sa >> couleur, de même cette jeune beauté, dans >> les paleurs de la mort, laisse sécher les roses » de son visage. Ses couleurs vives et son éclat >> s'enfuient également avec sa douce vie. Les >> filles du Mondégo rappelèrent long-temps, par » leurs pleurs, cette mort funeste, et pour en » garder une mémoire éternelle, les larmes » qu'elles versèrent se sont changées en une >> pure fontaine. On lui donna le nom des » Amours d'Inès, et il dure encore dans le lieu » qui en fut le théâtre. Ainsi, cette fraîche >> fontaine arrose encore des fleurs; ses eaux » sont des larmes, et son nom est d'Amour. Il » ne se passa pas long-temps avant que don >> Pedro tirât vengeance de ce meurtre, car, » lorsqu'il prit les rênes du gouvernement, il >> ne songea qu'à punir les homicides qui s'é» taient enfui. Il obtint qu'il lui fussent livrés » par un autre Pierre (de Castille), plus cruel » encore que lui. Tous deux, ennemis des vies » humaines, signèrent un traité de proscription >> dur et injuste, semblable à celui que Lépide >> et Antoine signèrent avec Auguste (1). (1) Canto II, Strop. 131 à 135. Qual contra a linda moça Policena, |