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» qui ne pouvais croire à sa tromperie, tel est l'aveuglement des amans, je livrai mon cœur >> aux désirs et à l'espérance. Déjà trompé, déjà » je renonçai à la guerre. Une nuit, comme » Doris me l'avait promis, je vis paraître de >> loin la figure élégante de la blanche Thétis, » mon unique désir. Je courus avec empresse» ment, ouvrant de loin mes bras pour y rece>>> voir celle qui est la vie de ce corps; et déjà » je croyais couvrir de mes baisers ses pau» pières, ses joues et ses cheveux. Mais com>>ment mon chagrin me permettra-t-il de con>>ter que, croyant tenir dans mes bras celle » que j'aimais, je me trouvai n'avoir embrassé » qu'une dure montagne, un âpre rocher d'une » énorme grandeur. Demeuré vis-à-vis de cette »roche, que j'avais prise pour un visage an» gélique, je cessai d'être un homme, muet et >> immobile, je me sentis transformé en pierre » comme elle. O nymphe! la plus belle de » l'océan, si ma présence ne peut te plaire, » que t'aurait-il coûté de me maintenir dans » mon erreur, de me tromper encore par une >> montagne, un nuage, un songe, tout enfin. » Je partis irrité, égaré par la douleur et la >> honte que j'avais éprouvée ; j'allai chercher » un autre monde, où je ne pusse voir per» sonne qui se rît de mes peines. Déjà mes » frères avaient été vaincus et soumis aux der

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» nières misères; déjà les dieux, pour se met» tre mieux à l'abri de leurs efforts, les avaient >> ensevelis sous de hautes montagnes; et comme » nos bras sont sans forces contre le ciel, tan» dis que j'allais au loin pleurer mes peines, » je commençais à sentir le châtiment qu'un >> destin ennemi imposait à ma hardiesse; mes >> chairs se convertissaient en une terre dure, » mes os se fixaient en rochers, ces membres » que tu vois et cette figure s'étendaient dans » les vastes eaux; enfin les dieux convertirent » mon énorme stature, en ce promontoire » éloigné; et pour redoubler ma peine, Thétis » m'entoura de ses flots. C'est ainsi qu'il parla, » et avec des pleurs effrayans, il disparut tout » à coup de nos yeux; le noir nuage se nuage se dissipa, >> et dans ses longs échos, la mer retentit au » loin. Pour moi, levant les mains vers le » choeur bienheureux des anges qui nous »'avaient guidés dans ce long voyage, je de» mandai à Dieu d'écarter de notre avenir les » cruels événemens qu'Adamastor avait pré» dits (1) ».

رانه

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4

(1)Cant.

(1) Cant. v, Strop. 56.

Oh que nao sei de noja como o conte :
Que crendo ter nos braços quem amava,
Abraçado me achei eo hum duro monte
De aspero mato e de espessura brava,
Estando co hum penedo fronte a fronte

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J'ai voulu présenter, dans leur entier les deux épisodes les plus célèbres de la Lusiade, celui d'Inez et celui d'Adamastor. Des extraits ne suffisent point pour faire juger de cette puissance de création, de ce mélange de grandeur et de sensibilité qui caractérisent le vrai poète; malheureusement une traduction ne suffit point non plus : l'harmonic du langage, la vérité, la pureté de l'expression et la beauté des vers sont inimitables; et une légère con→ naissance du portugais donnera plus de jouis

Que eu pelo rosto angelico apertava,

Naõ fiquei homem nao, mas mudo e quedo,
I junto de hum penedo outro penedo.

Str. 59.

Convertese me a carne em terra dura,

Em penedos os ossos se fizeram ;
Estes membros que vês, e esta figura
Por estas longas agoas se estendêram:
Em fim, minha grandissima estatura
Neste remoto cabo convertêram

Os Deoses, e por mais dobradas mágoas,
Me anda Thetis cercando destas agoas.

Assi contava, e co hum medonho choro,
Subito d'ante os olhos se apartou;
Desfez-se a nuvem negra, e có hum sonoro
Bramido, muito longe o mar soou.
Eu, levantando as maos ao sancto coro,
Dos anjos, que taổ longe nos guiou,
A Deos pedi, que removesse os duros
Casos que Adamastor contou futuros.

sance à la lecture de l'original, que la version la plus exacte.

Gama raconte ensuite son voyage le long de la côte orientale d'Afrique, son passage pardelà l'île où Barthelemy Diaz s'était arrêté; enfin son arrivée dans le lieu qu'ils nommèrent le port des Bons-Signaux, parce que la langue arabe y était entendue, qu'on y faisait usage de voiles sur les vaisseaux, et qu'on y avait quelque connaissance des Indes. Ces premières marques de civilisation ranimèrent leur espérance, à l'époque où ils en avaient le plus besoin; car le scorbut faisait alors d'affreux ravages sur toute la flotte. Ils reconnurent ensuite les ports de Mosambique et de Mombaça, d'où ils pas

sèrent à celui de Mélinde.

Le long récit de Gama étant achevé, le poète reprend, au commencement du sixième chant, la narration en son nom propre; l'amiral portugais se lie au roi de Mélinde par les droits sacrés de l'hospitalité; il lui promet que les vaisseaux de sa patrie aborderont toujours chez lui, et il reçoit de lui un pilote fidèle pour traverser le vaste golfe qui sépare l'Afrique de l'Inde. Cependant Bacchus, qui a vainement tenté d'arrêter les Portugais, avec l'aide des dieux célestes, a recours à ceux des eaux; il visite le palais de Neptune, où s'assemblent toutes les divinités des mers, Le Camoëns en prend occa

sion de dépeindre, avec des couleurs nouvelles, toute cette ancienne mythologie; et ce tableau serait digne des poètes classiques, si l'imitation pouvait jamais atteindre son modèle. Les dieux des mers, excités par Bacchus, consentent à déchaîner les vents, et à bouleverser les ondes, pour arrêter des navigateurs qui venaient explorer tous leurs secrets.

Mais avant que le conseil des dieux marins eût pris cette résolution funeste, les Portugais, qui naviguaient dans une pleine sécurité, s'étaient partagé les veilles. Ceux du second quart avaient déjà commencé leur office pendant la nuit, et ils cherchaient à triompher du sommeil qui les assaillait, en contant des histoires. Les uns demandaient des contes joyeux. Léonard, amoureux lui-même, voulait entendre conter des amours; «mais il ne convient pas, dit Velloso, » de parler de mollesse dans une vie si rude; » le travail des mers, qui nous éprouve, ne >> souffre point l'amour ou la délicatesse ; par»lons plutôt de l'ardeur, de l'impétuosité guer»rière, car notre vie doit être dure, et pour >> nous, vivre et travailler ont un même sens ». On l'invite alors à conter quelque haut fait de guerre, et il commence l'histoire des chevaliers portugais, qu'on nomme les douze d'Angleterre. .Pendant que Jean 1 régnait en Portugal, et Richard II en Angleterre (1385 399), des

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