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chevaliers anglais, offensés par quelques dames de la Cour, attaquèrent leur honneur et leur réputation, et offrirent de prouver en champ clos, que celles qui les avaient offensés n'étaient point dignes du nom de dames. Personne en Angleterre n'osa accepter le défi de ces chevaliers, dont le crédit était redouté; mais le duc de Lancastre, qui avait combattu de concert avec les Portugais dans les guerres de Castille, et qui était beau-père du roi Jean, conseilla aux dames, dont l'honneur était compromis, de chercher des défenseurs en Portugal. Il leur désigna douze preux parmi ceux qu'il avait connus; il fit tirer au sort les douze dames offensées, pour que chacune eût son chevalier: toutes ces dames écrivirent alors au roi Jean, et au chevalier que le sort leur avait donné; Lancastre, de son côté, écrivit à tous. L'invitation à se battre pour ces beautés inconnues, fut reçue comme une faveur; et les nobles portugais, après avoir obtenu le consentement de leur roi, se pourvurent d'armes et de chevaux, et s'embarquèrent à Porto pour l'Angleterre. Un seul, nommé Magriço, voulut se rendre par terre jusque sur les bords de la Manche, et il demanda à ses compagnons, s'il n'arrivait pas au jour fixé, de vouloir bien soutenir, son honneur tous ensemble, comme s'il était présent.

En effet, après avoir traversé l'Espagne et la France, il fut retenu par des vents contraires dans un port de Flandres, et ses onze compa→ gnons entrèrent dans le champ clos, pour combattre les douze chevaliers anglais; chacun portait les couleurs de la dame dont il avait pris la défense, et le roi présidait au combat; dans ce moment Magriço arriva, embrassa ses compagnons d'armes; et se rangea à leurs côtés. Le poète, accoutumé lui-même aux combats, et fatigué sans doute comme nous des descriptions poétiques de beaux coups d'épée et de lance, se dispense d'en faire aucune; il nous apprend seulement que la victoire demeura aux douze portugais. Après des fêtes brillantes, données par le duc de Lancastre et les dames, les preux portugais reprirent le chemin de leur patrie. Sur leur route, ils rencontrèrent des aventures brillantes que le même conteur allait réciter, lorsque le pilote appelle, à grands cris, l'équipage à se tenir alerte, parce qu'un vent violent part d'un nuage noir qui s'élève sur l'horizon. En vain il ordonne d'amener la grande voile, elle est en pièces avant que la manœuvre soit exécutée; le vaisseau, jeté sur le côté, se remplit d'eau; celui de Paul Gama perd son grand mât, rompu par la tempête; celui de Coelho ne court pas un moindre danger, quoique le pilote eût réussi à faire amener les voiles

avant de tomber sous le vent. Pour la première fois une tempête est dépeinte par un poète qui, ayant parcouru sur les eaux la demi-circonférence du globe, connaît, par expérience, et leur puissance et celle des vents; aussi la vérité et la vivacité du tableau fait-elle reconnaître le navigateur. Vasco de Gama, dans ce danger extrême, adresse ses prières au Dieu des Chrétiens; mais d'après la bizarre mythologie adoptée dans tout ce poëme, ce n'est point Dieu qui le délivre; Vénus, dont l'étoile brillante commençait à s'élever sur l'horizon, appelle à elle toutes ses nymphes, et leur ordonne de s'orner de guirlandes de fleurs pour séduire les vents irrités les vents saisissent l'appât qui leur est présenté, l'amour les adoucit, les eaux se calment, les mousses, du haut des hunes, crient terre; l'équipage répète ce cri, et le pilote de Mélinde annonce aux Portugais que cette terre qu'ils ont sous les yeux est celle de Calicut, le terme de leur voyage.

Souvent nous voyons les nations se glorifier de leur grandeur, comme si l'augmentation du nombre des citoyens ne diminuait pas la part de gloire qui appartient à chacun dans les hauts faits du peuple, comme si les individus ne disparaissaient pas devant ces énormes masses, et comme si l'existence d'un homme était encore comptée entre tant de millions. C'est un point

d'honneur bien plus légitime que celui qu'un citoyen attache à la petitesse de sa nation, au peu de forces avec lesquelles elle a accompli les plus grandes choses. Les seuls citoyens des petits Etats peuvent se vanter d'avoir une part importante dans les grandes actions et la gloire de leur patrie; chacun sent alors qu'il a été pour quelque chose dans les destinées de son pays. C'est par l'expression de ce sentiment que le Camoëns ouvre le septième chant de sa Lusiade (1).

(1) Cant. VII, Strop. 2, 3, 4.

A vos, o geraçaõ de Luzo, digo,
Que tao pequena parte sois no mundo,
Nao digo inda no mundo, mas no amigo
Curral de quem governa o ceo rotundo;
Vós, a quem naõ sómente algum perigo
Estorva conquistar o povo immundo,
Mas nem cobiça, ou pouca obediença
Da madre que nos ceos está em essencia.

Vós Portuguezes poucos, quanto fortes,
Que o fraco poder vosso nao pezais,
Vós que
á costa de vossas várias mortes,

A lei da vida eterna dilatais;

Assi do ceo deitadas saõ as sortes,
Que vós, por muito poucos que sejais,
Muito façais na sancta Christandade,
Que tanto o Christo exaltas a humildade.

Vedes os Alemães, soberbo gado,
Que por tao largos campos se apascenta,
Do successor de Pedro rebellado,

Novo pastor e nova seita inventa;

«Portugais, en petit nombre autant que vail»lans, vous qui ne mesurez jamais votre fai→ blesse, vous qui, au prix de mille morts, » étendez l'empire de la loi éternelle de vie ; » voyez, les sorts du ciel ont réservé à votre » faible troupe de faire beaucoup pour la sainte » chrétienté, car le Christ exalte les plus hum» bles. Voyez les Allemands, ce troupeau superbe » qui pâture dans de si vastes campagnes; ils >> se sont rebellés contre le successeur de Saint>> Pierre, ils ont choisi un nouveau pasteur et » inventé une nouvelle secte; voyez-les, non >> contens de leur erreur aveugle, s'occuper à des > guerres honteuses; ce n'est pas pour repous» ser le superbe Ottoman, mais pour secouer >> un joug légitime». Le Camoëns suit de même les autres peuples, les Anglais, les Français, les Italiens; il leur reproche à tous leurs guerres profanes et leur mollesse, tandis qu'ils ne devraient songer qu'à combattre les ennemis de la foi. « Peuples insensés et aveugles, leur >> dit-il, tandis que vous ne vous montrez al» térés que de votre propre sang, la hardiesse » chrétienne ne tarit point dans cette petite de» meure de la Lusitanie. Cette nation a des forts

Vêde lo em feas guerras occupado,

Que inda co o cego error se naõ contenta
Nao contra o superbissimo Othomano,

Mas por sahir do jugo soberano.

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