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>> sur le rivage d'Afrique, elle domine plus que » vous toutes en Asie, elle féconde les champs >> de la nouvelle et quatrième partie du monde,: >> et si l'univers s'étendait encore, elle domine>> rait aussi dans ses nouvelles régions ».

Le Camoëns décrit ensuite, mais plutôt en géographe qu'en poète ou en peintre, la presqu'île occidentale de l'Inde, la côte de Malabar, et Calicut, capitale du Samorin, où Gama avait abordé. C'est là que les Portugais trouvèrent un Maure de Barbarie, nommé Monçaïde, qui reconnut l'habillement espagnol, et qui, leur parlant en langue castillane, leur offrit l'hospitalité. Il se souvenait seulement qu'il était né leur voisin, non que toute sa race avait été persécutée par eux. Monçaïde, après avoir reçu dans sa maison le messager de Gama, vint luimême à bord du vaisseau portugais, et donna à ses hôtes tous les renseignemens qu'il avait acquis sur l'Inde. Cependant le Samorin fait inviter Gama à se rendre à son audience: on l'y porte en palanquin, tandis que ses soldats l'accompagnent à pied. Monçaïde lui sert d'interprête; il demande au nom du roi de Portugal l'amitié de l'empereur de Calicut, et lui offre le commerce de l'Europe en échange de celui de l'Inde. Le Samorin, avant de répondre, veut consulter son conseil, prendre de Monçaïde des informations sur le Portugal, et faire recon

naître par ses Naïres les vaisseaux qui étaient arrivés dans son port. La visite du catual, ou ministre du Samorin, à bord des vaisseaux, et l'explication qu'il demande des tableaux qu'il y voit exposés, donnent occasion au Camoëns de faire une nouvelle digression sur les antiquités du Portugal. Mais auparavant il invoque les Muses, et il se plaint à elles des traverses qu'il a éprouvées à leur service (1).

(1) Cant. VII, Strop. 78.

Mas oh cego

Eu! que commetto insano e temerario,
Sem vós, nymphas do Tejo, e do Mondego,
Por caminho tao arduo, longo e vano.

Olhai, que ha tanto tempo que cantando
O vosso Tejo, e os vossos Lusitanos,
A fortuna me traz peregrinando,

Novos travalhos vendo e novos danos.
Agora o mar, agora exprimentando

Os perigos Mavorcios inhumanos,

Qual Canace, que a morte se condemna,
N'hua mao sempre a espada, e n'outra a penna.

Agora com pobreza aborrecida
Por hospicios albeos degradado,
Agora da esperança ja adquirida
De novo, mais que nunca derribado,
Agora as costas escapando a vida,
Que de hum fio pendia taõ delgado,
Que nao menos milagre foi salvar-se,
Que para o re judaico acrescentarse.

«Mais aveugle que je suis, téméraire, in>> sensé, comment osé-je, sans votre secours, » nymphes du Tage et du Mondégo, entre» prendre une route si pénible, si longue et si » variée ! J'invoque votre faveur en naviguant ››› avec un vent contraire sur une mer profonde; » si vous ne me secourez pas, je crains que » bientôt mon faible bateau ne s'abîme. Tandis >> que, depuis si long-temps, je chante votre Tage » et vos Portugais, la fortune m'entraîne dans » de lointains voyages, et m'expose à de nou>>veaux travaux et de nouveaux malheurs. Tan>> tôt je lutte avec la mer, tantôt avec les dangers >> inhumains du dieu Mars, et tel que Canacée, » résolue à mourir, d'une main je tiens tou>> jours la plume, et de l'autre l'épée (1). Tantôt » luttant avec une pauvreté abhorrée, je suis » repoussé jusqu'aux hospices de la charité; >> tantôt je suis précipité plus bas que jamais

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Pois logo em tantos males, he forçado
Que só vosso favor me naõ falleça,
Principalmente aqui, que son chegado
Onde feitos diversos engrandeça;
Dai-mo vos sós, que eu tenho já jurado

Que nao o empregue em quem o nao mereça,
Nem por lisonja louve algum subido,

Sobpena de nao ser agradecido.

(1) Fille d'Éole, dont les enfans illégitimes furent condamnés à mourir. Ovide lui attribue une de ses héroïdes.

» d'une espérance à laquelle je m'étais livré; >> tantôt m'échappant à la côte, je sauve ma vie >> qui déjà ne tenait plus qu'à un fil délicat, et » mon salut devient un miracle. Et ce n'était » point encore assez, ô nymphes ! que je fusse » assailli par tant de misères, il a fallu que ceux » mêmes que je chantais me donnassent pour » mes vers une cruelle récompense. Au lieu du » repos que j'espérais, au lieu des couronnes » de lauriers qui devaient m'honorer, ils in» ventèrent pour moi des travaux inouis, et >> ils me laissèrent dans l'état le plus cruel. » Voyez, ô nymphes! quel est le caractère de » ces seigneurs valeureux que nourrit votre >> Tage; voilà par quelles faveurs ils montrent » leur reconnaissance à celui qui, par ses chants, » a relevé leur gloire ! quel exemple pour les » écrivains à venir ! quel aiguillon pour éveiller »le génie, et pour conserver la mémoire des » choses qui méritent une gloire éternelle. Mais puisque j'ai su cheminer au milieu de tant de » maux, que du moins votre faveur ne m'aban>> donne pas, surtout au point où je suis arrivé. >> C'est de vous seules que j'invoque l'aide, car » j'ai juré de ne point exalter celui qui ne le » mérite pas, de ne point accorder de louanges » flatteuses aux nouvelles grandeurs, sous peine » de n'en obtenir aucune reconnaissance ».

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Le chant huitième, qui est introduit par cette

touchante invocation, n'est pas susceptible d'extrait. Tous les héros de Portugal, depuis Lusus, un des compagnons de Bacchus, qui donna son nom à la Lusitanie, et Ulysse, fondateur de Lisbonne, jusqu'aux infans don Pedro et don Henrique, conquérans de Ceuta, sont représentés dans les tableaux de Gama, et caractérisés par quelques vers qui n'ont d'intérêt qu'autant que le lecteur a déjà une connaissance approfondie de l'histoire et des fables du Portugal.

Cependant le Samorin consulte les oracles de ses faux dieux, qui, selon la bizarre mythologie non-seulement du Camoëns, mais de tous les poètes espagnols, ne manquent pas de lui révéler la vérité; car le pouvoir des miracles est toujours attribué par eux aux divinités du mensonge. Ces oracles révèlent donc à l'empereur de Calicut la grandeur future des Portugais dans les Indes, et la ruine dont ils menacent son empire. D'autre part, tous les musulmans établis dans ses Etats, soit par jalousie de commerce, soit par haine de religion, conjurent contre les Portugais; ils aigrissent le Samorin contre eux, et ils corrompent ses ministres. Dans une nouvelle audience que le Samorin donne à Vasco de Gama, il révoque en doute l'ambassade du roi de Portugal, et ne peut croire qu'un monarque si éloigné prenne intérêt aux affaires de l'Inde : il soupçonne le capitaine portugais de n'être 26

TOME IV.

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