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>>tels où ils forgent les pointes pénétrantes de >> leurs flèches, ils mettent, au lieu de combus>>tible, des cœurs embrasés et de vives en>> trailles palpitantes. L'eau dans laquelle ils » trempent leur acier, est recueillie des larmes >> des malheureux amans. La flamme vive et >> qui ne s'éteint jamais, est le désir qui brûle >> et ne consume point >>.

Vénus sollicite son fils en faveur de ses Portugais chéris, et c'est en ces termes qu'elle lui expose son dessein (1) : « Je veux, dit-elle, que » les filles de Nérée soient blessées par toi jus» que dans les profondeurs de la mer. Je veux » qu'elles brûlent d'amour pour ces Portugais

(1) Cant. IX, Strop. 41.

Alli com mil refrescos, e manjares,
Com vinhos odoriferos e rosas,

Em crystallinos paços singulares,
Formosos leitos, e ellas mais formosas,
Em fim com mil deleites naõ vulgares
Os esperem as Nymphas amorosas;
De amor feridas, para lhe entregarem
Quanto dellas os olhos cobiçarem.

Quero que haia no reino Neptunino
Onde eu nasci, progenie forte e bella,
E tome exemplo o mundo vil, malino
Que contra tua potencia se rebella;
Porque entendam que muro adamantino
Nem triste hypocrisia val contra ella;
Mal haverá na terra quem se guarde,
Se teu fogo immortal nas aguas arde.

» qui viennent de découvrir un monde nou>> veau ; qu'elles se réunissent toutes dans une » même île, une île que je ferai sortir pour » elles des entrailles du profond Océan, et que » j'ornerai de tous les dons de Zéphire et de >> Flore. Là, se trouveront mille rafraîchisse» mens, mille mets précieux, des vins odori>> férans, des guirlandes de roses, des lits splen» dides dans des palais magnifiques de cristal ; >> elles-mêmes seront plus belles encore que tout >> le reste. Que ces nymphes amoureuses atten>> dent mes guerriers avec mille plaisirs incon>> nus au vulgaire, qu'elles y soient blessées par » l'Amour, et qu'elles leur accordent tout ce >> que leurs yeux pourront désirer. Je veux que » dans ce royaume de Neptune, où moi-même >> j'ai pris naissance, il s'élève une race non >> moins forte que belle; je veux que ce monde >> vil et méchant qui se révolte contre ta puis»sance, ô Amour! apprenne à la connaître; » qu'il apprenne que ni mur de diamant, ni >> triste hypocrisie, ne peuvent le défendre con» tre toi. En effet, qui pourrait te résister sur » la terre, si ton feu immortel brûle même au >> milieu des eaux? »

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Tel est le projet de Vénus, tel est celui que l'Amour exécute. Ils s'associent la Renommée, qui, en répandant en tous lieux la gloire des Portugais, enflamme pour eux les Nymphes de

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la mer, avant même qu'elles aient pu les voir. L'île sur laquelle elles se réunissent, flotte d'abord au milieu des eaux, comme autrefois Délos, mais elle se fixe à l'instant où le vaisseau arrive à sa vue. Rien n'égale la beauté des arbres couverts de fruits, qui ornent ses paysages, des fleurs qui émaillent ses gazons; la mélodie des oiseaux qui chantent dans tous les bocages, la pureté des eaux dans lesquelles les nymphes se baignent, la coquetterie voluptueuse avec laquelle elles préviennent les héros, et elles fuyent devant eux pour se laisser ensuite atteindre. Tout ce tableau magique, digne de ce qu'Ovide a jamais écrit de plus gracieux, mais aussi de plus voluptueux, se dissipe tout à coup à la fin du chant, au grand étonnement du lecteur, qui apprend inopinément qu'il a été dupe d'une allégorie. Car le Camoëns, dévoilant à cette occasion toute sa mythologie, nous déclare que « ces nymphes si brillantes » de l'Océan, que Thétis et son île enchantée, >> ne sont autre chose que les jouissances de » l'honneur, qui donnent à la vie quelque » chose de sublime. Les prééminences glo>> rieuses, les triomphes, un front couronné » de palmes et de lauriers, la gloire, l'étonne»ment de tous, telles sont les vraies délices de >> cette île ». Il ajoute que tous les dieux de l'antiquité n'étaient que de faibles humains, à

qui la Renommée, pour récompenser leurs grandes actions, avait donné ces noms illustres. Cependant, au commencement du chant dixième, le Camoëns reprend la même allégorie. Les belles nymphes ont conduit leurs amans dans des palais radieux, des vins délicieux écument dans toutes les coupes : « Une >> Sirène chante au milieu d'eux, ses accens >> retentissent dans ces vastes palais, et s'accor>>dent avec les doux instrumens qui l'accom>>pagnent. A l'instant le silence impose un frein » aux vents, il fait couler plus doucement les >> eaux murmurantes, et il endort les ani>> maux dans les demeures que la nature leur a >> données >>.

Avant de dire quel était le chant de cette Sirène qui prédisait l'avenir, le Camoëns invoque une dernière fois sa Muse; et il y a dans ses vers une tristesse qui touche d'autant plus profondément, qu'on se rappelle la cruelle misère à laquelle était réduit ce grand poète. « O ma Calliope! je t'invoque ici, dans ce der>> nier travail, pour que tu me tiennes compte » de ce que j'ai déjà fait, et qu'au lieu de la » récompense à laquelle je prétends en vain, >> tu ranimes en moi le goût d'écrire qui se » perd. Déjà mes années descendent, déjà il » ne me reste plus que peu de pas pour passer » de l'été à l'automne. La fortune a glacé mon

» génie; hélas ! je ne songe plus à m'en vanter, » à m'en énorgueillir. Les soucis, les dégoûts >> m'entraînent vers la rivière du noir oubli, » du sommeil éternel. Mais, ô grande reine des » Muses, accorde-moi d'accomplir le travail >> entrepris pour la gloire de ma nation (1) ».

La Sirène chante d'abord les grands hommes qui devaient conquérir les régions découvertes par Vasco de Gama, et illustrer le nom portugais dans les Indes. Le Camoëns avait inséré, dans son troisième et quatrième chant, toute l'histoire politique, toute l'histoire royale du Portugal; dans le sixième et le septième, il avait trouvé le moyen de faire entrer tout ce que la fable, tout ce que l'histoire avaient conservé sur la biographie de ses héros; ici un génie prophétique révèle tout l'avenir, depuis

(1) Cant. x, Strop. 8.

Aqui minha Calliope te invoco,

Neste trabalho extremo, porque em pago
Me tornes, dó que escrevo e em vao pertendo,
O gosto de escrever que vou perdendo.

Vao os annos descendo, e já do Estio

Ha pouco que passar até o Outono ;
A fortuna me faz o engeno frio,

Do qual já me nao jacto, nem me abono :
Os desgostos me vaõ levando ao rio
Do negro esquecimento e eterno sono.*
Mas tu me dá que cumpra o grao Rainha
Das Musas, co o que quero á naçaõ minha.

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