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vagues, par des espérances lointaines; entreprenant sans cesse, se livrant avec ardeur à toutes les passions, à toutes les ambitions, et dépourvu de forces pour atteindre jamais son but, sa vie se dépensait à souffrir et à être détrompé. Dès sa première enfance, lorsque son sommeil était troublé dans son berceau се n'était que par des chants d'amour qu'on pouvait lui rendre le calme. L'amour avait ensuite dominé toutes ses jeunes années, et ne lui avait fait connaître que ses amertumes et ses tourmens. L'amour l'avait poussé dans l'armée, où il avait perdu un oeil en combattant les Maures; l'amour l'avait engagé dans la flotte des Indes. « Enfin, la pitié humaine m'a abandonné, j'ai >> vu me devenir contraires ceux que j'avais crus >> mes amis, et cela dès les premiers périls; aux >> seconds, la terre sur laquelle mettre mes pieds » m'a manqué, on m'a refusé l'air pour res>> pirer, le temps enfin, et le monde m'ont été >> enlevés : quel secret étrange et inexplicable » de la destinée? Naître pour vivre, et man» quer pour la vie de tout ce que le monde a » préparé pour elle ! Et, cependant, ne pouvoir » la perdre cette vie qui, tant de fois, paraissait » déjà perdue » (1)!.....

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<«< Hélas! je ne raconte point mes maux, » comme celui qui échappé à une tourmente, » en récite avec joie les détails dans le port; » car encore à présent les flots de la fortune » me poussent à une misère si étrange, que je

No primeiro perigo, e no segundo
Terra em que pór os pés me fallecía,
Ar para respirar se me negava,

E faltavame em fim o tempo e o mundo.
Que segredo taõ arduo e taõ profundo
Nacer para vivir, e para á vida

Faltarme quanto o mundo tem para ella.
E non poter perdella,

Estando tantas vezes ja perdida!...

.......

Nao conto tantos males, como aquelle
Que despois da tormenta procellosa,
Os casos della conta em porto ledo;
Qu'ind'agora a fortuna fluctuosa
A tamanhas miserias me compelle,
Que de dar hum só passo tenho medo.
Jà de mal que me venha nao m' arredo,
Nem bem que me falleça ja pretendo,
Que para mi naõ val astucia humana,
De forca soberana;

Da providencia emfim divina pendo.
Isto que cuido e vejo, às vezes tomo,
Para consolaçaõ de tantos dannos;
Mas a fraqueza humana, quando lança
Os olhos na que corre, e nao alcança
Senao memoria dos passados annos.
As agoas que entao bebo, e o paổ que como
Lágrimas tristes saỡ, qu'eu nunca domo,
Senao com fabricar na fantasia

Fantasticas pinturas d'alegria.

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>> tremble de faire un seul pas. Un mal qui me >> survient ne peut plus me surprendre ; je ne » demande plus un bien qui me fasse illusion, » plus rien d'humain ne me suffit désormais; >> c'est à la force souveraine, c'est à la provi>>dence divine que j'ai recours; ce que je pense, » ce que je vois d'elle est ma consolation dans >> tant de maux; mais la faiblesse humaine jette » de temps en temps ses yeux sur ce qu'elle pour>> suit, et cependant elle n'atteint que le souvenir >> du passé. Les eaux que je bois pendant ce » temps, et le pain que je mange ne sont que » de tristes larmes, et je ne puis les écarter » qu'en fabriquant, dans mon imagination, >> des tableaux fantastiques d'allégresse ».

Après les canzoni, qui sont le chant lyrique dans la forme romantique, le Camoëns a écrit dix ou douze odes, qui sont des chants lyriques dans la forme classique. Les strophes sont plus courtes; elles sont de cinq, de six, ou de sept vers harmonieux, et pleins d'inspiration. Quelques-unes sont mythologiques, plusieurs sont des chants d'amour; la huitième est adressée à un vice-roi des Indes, pour lui rappeler l'antique alliance entre l'héroïsme et les lettres, et pour lui demander des secours, que le malheureux Camoëns n'obtenait que par des sollicitations humiliantes, mais qui n'ont cependant laissé, dans ses écrits, aucune trace ou de

vénalité ou d'adulation. En demandant qu'il soulageât sa misère, il n'oubliait point que son bienfaiteur était son égal.

Le Camoëns a écrit quelques sextines; je n'en connais qu'une seule on dirait qu'il a voulu montrer qu'il saurait conserver sa liberté dans la contrainte extrême de ce petit poëme, mais que son bon goût l'en a depuis toujours écarté. On conserve du Camoëns vingt-une élégies, dont je ne connais que trois; elles sont en terza rima, et m'ont paru d'un style plus rapproché de la prose, et d'un esprit plus rapproché de la satire que l'élégie véritable. Elles contiennent au reste beaucoup de détails sur sa vie, et servent à faire connaître plus intimément ce poète si tendre et si malheureux. Des octaves adressées à D. Antonio de Noronha sur les désordres du monde, sont également satiriques. L'esprit du Camoëns n'était que trop porté à la satire. Des vers qu'il écrivit au mois de juin 1555, avec le titre de Disparates na India (les Folies de l'Inde), le firent exiler l'année suivante à Macao. J'ai lu avec attention ce poëme écrit en redondillas; mais, je l'avoue, je n'ai point pu le comprendre; ce qui est le plus difficile à entendre dans toutes les langues, c'est la plaisanterie; ici elle porte sur des personnages inconnus et des actions inconnues, dans un pays dont les mœurs et les usages sont tellement

différens des nôtres, qu'on n'a presque aucune donnée pour deviner. Cependant, le jugement du vice-roi me paraît singulièrement sévère; les désordres de l'Inde, que relève le Camoëns, sont toujours, des généralités; non-seulement il n'y a personne de nommé, il n'y a même aucun reproche qui paraisse tomber sur un individu; ce sont des accusations universelles de vénalité, de cupidité, de méchanceté pour les hommes, de galanterie et d'intrigue pour les femmes, qu'on pourrait tout aussi bien répéter dans tous les pays de la terre, sans que personne se sentît directement blessé.

C'est au retour du Camoëns de Macao, après son exil, que le vaisseau qui le portait se brisa sur la côte de Camboia, à l'embouchure du fleuve Mecon, et qu'il s'échappa à la nage, en soulevant d'une main son poëme au-dessus des eaux. Dans son isolement sur le rivage de Camboia, il exprima ses regrets pour sa patrie, et son attachement à cette terre lontaine, dans une paraphrase du psaume 137, Assis au bord de ce superbe fleuve ; ce sont des redondillas qui jouissent, chez les Portugais, d'une haute réputation.

« Je me trouvais sur les fleuves qui traver» sent Babylone; et, m'étant assis, je pleurai >> les souvenirs de Sion, le temps que j'y avais >> demeuré. Là une fontaine prit sa source dans

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