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démo est un petite drame romanesque et à moitié pastoral: aucune de ces trois pièces n'est digne du talent du Camoëns ou de sa réputation. Il n'est pas juste de prolonger son attention sur les ébauches imparfaites d'un homme qui a laissé des chefs-d'oeuvre.

Le Camoëns, dans ses essais dramatiques, prit pour modèle son compatriote Gil Vicente, qui, dans le temps où le premier écrivit ses comédies, était en possession du théâtre portugais, et qui n'a point eu de successeur. Gil Vicente, par l'époque de sa naissance et de sa mort, est antérieur à Camoëns; il l'est plus encore par son goût et les règles qu'il a suivies; mais j'ai cru ne devoir point séparer ceux qui, parmi les poètes portugais, avaient introduit les règles de la versification italienne. Le seul poète dramatique national, n'ayant eu ni maître ni écoliers, peut être placé hors de son rang sans inconvénient.

On ne sait point à quelle époque naquit Gil Vicente, que les Portugais ont nommé leur Plaute; mais ce doit être avant les dix dernières années du quinzième siècle. D'après le désir de sa famille, il étudia le droit, et jeune encore, il l'abandonna pour ne s'occuper que du théâtre. Il paraît avoir été attaché à la cour, pour laquelle il travailla avec activité, fournissant des pièces de circonstance pour toutes les solenni

tés civiles et religieuses. Ses premiers drames furent représentés à la cour du grand Emmanuel; mais il jouit plus encore dè sa réputation sous le règne de Jean III, qui prit lui-même un rôle dans quelques-unes de ses comédies. Probablement Gil Vicente était acteur; du moins il forma au théâtre sa fille Paula, dame d'honneur de la princesse Marie, et qui fut célèbre comme la première actrice de son temps, comme poète et comme musicienne. Gil Vicente, qui précéda les grands poètes dramatiques de l'Espagne et de l'Angleterre, aussi bien que de la France, avait acquis de son temps une réputation européenne qui s'est bien évanouie. Erasme, que des juifs portugais réfugiés à Rotterdam entretenaient apparemment de ce restaurateur du théâtre moderne, apprit le portugais dans l'unique but de pouvoir lire les comédies d'un homme qui excitait tant d'enthousiasme. On ne sait, d'ailleurs, presque aucun détail sur la vie de ce Plaute portugais : il mourut à Evora en 1557. Cinq ans après sa mort, son fils, Louis Vicente, fit paraître le recueil de ses ouvrages en un volume in-folio.

Gil Vicente peut à quelque titre être considéré comme le créateur du théâtre espagnol, et le premier modèle que Lope de Vega et Calderon suivirent en le perfectionnant. Il est plus ancien qu'eux de près d'un siècle, car on a de

lui une pièce religieuse destinée à célébrer la naissance du prince qui fut depuis Jean III, composée en 1504. Ce drame est écrit en espagnol, et les Castillans n'en ont conservé aucun de la même époque. A peu près tous les défauts, toutes les bizarreries qui nous ont frappés dans le théâtre romantique des Castillans, se trouvent dans celui de Gil Vicente, et il est rare qu'ils soient rachetés par des beautés comparables. L'auteur portugais n'avait point cette fertilité d'invention, qui variait à l'infini les aventures romanesques, qui réveillait la curiosité, et ranimait l'intérêt dans un dédale d'événemens; il n'avait point cet éclat des plus riches images, ce brillant de poésie qui, lors même qu'on l'accuse de profusion, enchante encore dans Lope et dans Calderon. Sa religion n'était pas plus sage et pas plus morale, sa mythologie pas plus exempte d'un mélange bizarre; et cependant il y avait encore, dans ces rudes ébauches, une richesse d'invention qui jusqu'alors était sans égale parmi les modernes, une vérité dans le dialogue, une vivacité, une harmonie poétique dans le langage, qui justifiaient l'enthousiasme national, et la curiosité des étrangers.

Les pièces de Gil Vicente ont été partagées par son fils en quatre classes: les autos, les comédies, les tragi-comédies et les farces. Les autos,

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ou pièces religieuses, sont au nombre de seize; ils sont destinés, pour la plupart, à solenniser la fête de Noël, non celle du Saint-Sacrement comme en Espagne. Les bergers y jouent toujours un rôle important, car la poésie dramatique elle-même doit en Portugal être mêlée de pastorale. Ces bergers portent des noms portugais ou espagnols; leur langage est naïf, mais souvent négligé et même trivial. Les scènes populaires sont interrompues par des apparitions des anges ou du diable, de la sainte Vierge, et de personnages allégoriques. Les mystères de la foi forment la liaison entre les choses terrestres et les surnaturelles, et l'ensemble du spectacle est destiné à persuader, selon la croyance du clergé d'Espagne et d'Italie, que le temps des miracles n'est point fini, et que la religion est encore aujourd'hui soutenue par des prodiges.

Voici, d'après Boutterwek, l'extrait d'un de ces autos qui me paraît caractéristique. Dans la première scène, on voit Mercure, le représentant de la planète de ce nom; il explique la théorie du système des planètes, et des cercles de la sphère, d'après l'autorité de Jean Regiomontanus, dans un long discours en redondilhas. Ensuite paraît un séraphin que Dieu a envoyé sur la terre à la prière du temps. Il annonce, comme erieur public, une grande foire on l'honneur de la sainte Vierge, et il invite

tout le monde à venir y faire des emplettes. II s'exprime en vers dactyliques : « A la foire, » s'écrie-t-il, à la foire! églises, monastères, » pasteurs des âmes, papes endormis, achetez » ici des habits! changez vos vêtemens, repre>> nez les tuniques de peau de vos prédéces→ »seurs, au lieu de celles que vous chargez de >> dorures ! Prêtres de celui qui a été crucifié, >> souvenez-vous de la vie des saints pasteurs » des temps passés !

>> Princes élevés, gouverneurs du monde, » gardez-vous de la colère du Seigneur des >> cieux! achetez une grande somme de la crainte » de Dieu à la foire de la Vierge, maîtresse du >> monde, exemple de paix, bergère des anges, » et lumière des étoiles. Femmes et filles, ac>> courez à la foire de la Vierge, car sachez que » dans ce marché les choses les plus belles sont » en vente (1) ».

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