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tion, qu'il composa sa Monarchia Lusitana, à laquelle il doit sa réputation. Le titre même. qu'il donnait à cette volumineuse histoire, aurait dû l'engager à la commencer seulement à l'époque où sa patrie s'éleva au rang d'État indépendant. Au contraire, il voulut comprendre dans son livre l'histoire du Portugal dès la création du monde. Son premier volume infolio le mène seulement jusqu'à l'ère chrétienne, le second jusqu'à la naissance de la morarchie portugaise, et la mort qui surprit Brito en 1617, dans sa quarante-septième année, l'a empêché de passer l'époque qui aurait dû être celle de son commencement. L'ouvrage de Brito manque nécessairement d'unité et d'intérêt dans le récit, parce que sa patrie, qui n'était point un État, pendant tout le temps dont il traite, ne paraissait qu'incidemment dans des événemens étrangers, et dont la cause n'était point en elle; mais son style est ferme et soutenu, il ne fatigue point par des ornemens ou un poli affecté, et cependant sa manière est à lui, et bien supérieure à celle des chroniques qui lui ont fourni les faits dont il forme ses tableaux. Dès que l'intérêt des circonstances soutient son art pour les représenter, ses peintures historiques sont attrayantes, comme celles d'un digne, écolier des anciens classiques. C'est surtout dans sa seconde partie qu'il faut le juger, puisqu'a

TOME IV.

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lors, réduit à des sources absolument barbares, tout le mérite de la rédaction est bien à lui. Voici, par exemple, comme il décrit (livre vii, chapitre 3) les derniers malheurs de Rodrigue, le dernier des rois visigoths. Après la bataille de Xerès qu'il avait perdue contre les Arabes, il se réfugia dans l'église d'un couvent abandonné.

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« Le roi étant arrivé dans ce lieu, avec l'espé»rance d'y trouver quelque consolation, y ren» contra matière pour une plus grande douleur » et un renouvellement de peine; car les moines, effrayés par la nouvelle qui leur était arrivée » peu de jours auparavant, et empressés de » sauver les ornemens de l'église et les choses » sacrées, s'étaient déjà enfuis, les uns dans » Merida, d'autres dans l'intérieur du pays, » cherchant un asyle dans d'autres couvens. Le » plus petit nombre attendait les événemens dans » le cloître, désirant achever leur vie dans ce » sanctuaire, pour l'honneur et la défense de la » foi catholique. Le roi entra dans l'église, et la » voyant dénuée d'ornemens et vide de reli» gieux, il se mit en prières avec tant de douleur » et d'angoisse de cœur, que, fondant en larmes, » il ne se souvenait plus qu'il pouvait être en» tendu par quelqu'un, à qui l'excès même de »' son désespoir donnerait à connaître qui il >> était. Affaibli pour n'avoir pas mangé depuis

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plusieurs jours, le cerveau épuisé par le be>> soin du sommeil, accablé de fatigue pour avoir » marché à pied si long-temps, ses forces étaient rendues, les esprits lui manquèrent au point » qu'il tomba par terre évanoui, et qu'il de» meura privé de ses sens jusqu'à ce qu'un. » vieux moine vint à passer auprès de lui ».

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L'époque à laquelle Joao de Barros, Bernard de Brito et Jérôme Osorio, dont nous parlerons dans le prochain Chapitre, écrivirent leurs histoires, était celle en effet où l'on devait s'attendre à trouver chez les Portugais les meilleurs historiens. De grandes révolutions avaient commencé et s'étaient accomplies sous les yeux de la génération qui vivait alors. Les rois avaient conçu une ambition nouvelle; des hommes d'un rare talent, sortis de tous les rangs de la société, avaient été lancés dans une carrière inconnue; des événemens que rien ne pouvait faire prévoir, avaient trompé l'attente universelle et déjoué tous les calculs de la politique vulgaire ; Part militaire, la navigation, le commerce, avaient reçu des développemens inattendus, qui en changeaient presque l'essence; la nation enfin avait, sous tous les rapports, été arrachée à ses habitudes et jetée dans un autre univers, avec d'autres craintes, d'autres espérances et un autre avenir. Les hommes sont singulièrement disposés à croire que les événemens de la veille

seront aussi ceux du lendemain; une certaine paresse d'esprit les asservit bien vite à l'ordre quelconque sous lequel ils ont vécu, et leur fait substituer, pour juger l'histoire de leur temps, la routine à la réflexion. Comme l'ordre politique les atteint le plus souvent pour les faire souffrir, comme leur fortune, leurs espérances, leurs relations domestiques, sont alternativement brisées par les traités ou la guerre, ou les révolutions; souvent ils s'écartent avec une espèce d'effroi de réflexions douloureuses, et ils préfèrent se soumettre aux calamités publiques, comme à une espèce de fatalité qui se dérobe à l'examen. Aussi un État organisé depuis longtemps et vieilli dans ses habitudes, produit-il rarement de bons historiens. Il faut pour les faire naître, ou la liberté, qui appelle sans cesse les hommes à s'occuper des intérêts de leur patrie, ou une certaine violence qui, en renversant les institutions antiques, force chacun, par la souffrance, par l'inquiétude, si ce n'est par l'espérance, à s'occuper de celles qu'on y va substituer. Les grands historiens de la Grèce appartiennent à l'époque de la guerre du Péloponnèse, si fertile en révolutions; ceux de Rome ne s'illustrèrent qu'à l'époque où l'univers romain était déjà courbé sous le despotisme; mais l'oppression du genre humain, sous quelques monstres, forçait alors à réfléchir sur

l'étrange destinée des hommes et des nations. Les grands historiens de l'Italie, tous contemporains de Macchiavel, ont vu la ruine de leur patrie commencée avec l'invasion de Charles VIII. Ceux du Portugal devaient appartenir et appartiennent tous en effet à ces temps où la conquête de l'Asie avait été accomplie par une poignée de guerriers, mais où une corruption sans bornes avait été la conséquence d'exploits gigantesques, et où l'étendue de l'empire, sans proportion comme sans rapports naturels avec son chef, présageait déjà pour tous ceux qui pouvaient penser, une ruine étrange et d'effroyables calamités.

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