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Moniz, et le connétable Pereira, s'étaient rendus chers à la nation, pour avoir soutenu cette cause à deux époques différentes. Mais à la mort du cardinal Henri, en 1580, les Portugais se soumirent sans résistance à Philippe II. Bientôt la nation fut accablée par le poids du double despotisme civil et religieux. Pendant un espace de soixante ans, le Portugal fut soumis à un joug étranger. Philippe ш, Philippe ш et Philippe iv, qui y régnèrent successivement, et que nous avons déjà cherché à faire connaître à l'occasion du royaume de Naples et de ceux d'Espagne, traitèrent avec plus de négligence encore, et plus de dureté en même temps, les Portugais qu'ils regardaient comme d'anciens rivaux. Ces derniers étaient atteints par toutes les calamités qui frappaient la monarchie espagnole. Les Hollandais leur enlevaient successivement la plus grande partie de leurs possessions dans les Indes orientales; ils tarissaient ainsi la source de leurs richesses; ils détruisaient les monumens de leur gloire, et ils leur faisaient sentir doublement leur propre faiblesse et celle de leur monarque. La révolution de 1640, qui mit sur le trône Jean Iv; de la maison de Bragance, prouva bien moins l'énergie des Portugais que la décadence extrême des Espagnols. Les premiers soutinrent pendant vingt-huit ans la guerre pour leur indé

pendance, sans recouvrer le caractère qui avait fait la gloire et la puissance de leurs ancêtres. Jean IV était un prince médiocre, Alphonse vi, son fils, un fou déréglé, qui fut déposé par une intrigue amoureuse entre sa femme et son frère. Après la paix de 1668 avec les Espagnols, la monarchie recommença à sommeiller dans la mollesse et la superstition. La décadence des. moeurs privées, la nonchalance de tous les citoyens, étaient dans un juste rapport avec cet abandon de la chose publique. Le travail était devenu une honte, le commerce un état dégradant, l'agriculture un soin trop fatigant pour leur paresse. Les Portugais font encore aujourd'hui une partie importante de la population des Indes, mais ils y vivent dans la fainéantise, méprisant également les naturels du pays et les européens, et croyant se dégrader par le travail, non par la mendicité. C'est ainsi qu'ils. laissent perdre leurs plus beaux établissemens; c'est ainsi que Macao, ville portugaise à la Chine, n'est plus qu'une factorerie anglaise. En vain la souveraineté appartient au Portugal; en vain l'isthme est inattaquable, le climat délicieux, la situation unique pour le commerce; il est sans exemple qu'on y voie un Portugais entrer dans les affaires, ou exercer aucune profession. Cette nonchalance, ces préjugés absurdes, armés contre toute industrie, ont privé, 33

TOME IV.

en même temps les Portugais de leur antíque commerce, de leur population et de leur gloire; ce ne sont point leurs relations ou leurs traités avec d'autres puissances, c'est l'inquisition, et la paresse qui la suit, qui ont détruit leurs richesses.

Au milieu de la décadence nationale, le Portugal eut, pendant le dix-septième siècle, un très-grand nombre de poètes, mais aucun n'a mérité une vraie réputation. Des sonnets sans nombre, des bucoliques et des églogues toujours plus fades et toujours plus maniérées se succédaient sans jamais se surpasser; la monotonie la plus fatigante régnait dans toute la poésie.

L'homme le plus marquant de cette époque est un polygraphe, dont les volumineux écrits sont souvent consultés sur l'ancienne littérature, l'histoire, la statistique du Portugal, mais dont le goût n'a aucune justesse et la poésie presqu'aucun charme. Manuel de Faria y Souza a cependant joui d'une réputation brillante; on lui a fait un mérite, comme à Lope de Vega, des milliers de feuilles de papier qu'il a écrites dans sa vie; ses dissertations sur la poésie ont long-temps été considérées par les Portugais comme la base de la bonne critique; ses six centuries de sonnets et ses églogues ont été prises pour modèle, et il a exercé une assez

longue influence sur ses compatriotes. Il était né en 1590, et dès l'âge de quinze ans il fut employé dans les affaires publiques par un de ses parens, qui l'attacha comme secrétaire au poste que lui-même occupait. Manuel de Faria développa en effet une grande capacité et beaucoup de facilité de facilité pour le travail; mais ses talens avancèrent peu sa fortune; il passa à la cour de Madrid, alors souveraine du Portugal, et ensuite à Rome, attaché à une ambassade, sans réussir à se mettre dans l'aisance. A son retour à Madrid, il renonça aux affaires publiques pour se vouer presqu'uniquement à la composition, et il travailla avec une extrême diligence à son Histoire du Portugal, ou Europe portugaise; à sa Fontaine Aganippe, à son Commentaire sur le Camoëns, etc.; se vantant d'avoir écrit chaque jour de sa vie douze feuilles de papier, chaque page de trente lignes, jusqu'à ce que la mort, en 1649, mit un terme à cette diligence.

La plupart des écrits de Manuel de Faria sont en langue castillane, et d'ailleurs n'appartiennent point proprement à la littérature. Cependant son Europe portugaise doit être considérée plus encore sous le rapport du style, du talent de conter et de l'art oratoire, que sous celui du mérite historique, de l'exactitude des recherches et de la saine critique. Faria, réunissant en trois volumes in-folio ( Lisboa 1675) toute

l'histoire du Portugal dès l'origine du monde, s'est étudié à maintenir l'intérêt, à réveiller sans cesse l'attention, par le brillant des idées et de l'expression, par l'esprit prodigué à chaque ligne, par les antithèses et les concetti. Le goût qui dominait alors en Espagne chez Gongora, chez Gracian, chez Quevedo lui-même, s'étendait aussi sur le Portugal. D'ailleurs l'Europe portugaise étant écrite en castillan, appartenait en entier à l'école castillane. C'est sans doute une bien fausse manière de considérer l'histoire, que de sacrifier le ton de gravité, d'élévation, de franchise qu'elle exige, à ce désir continuel de briller, à ce papillotage d'idées et de figures hasardées ; mais il n'appartenait qu'à un homme de beaucoup d'esprit d'adopter une semblable erreur; et, en effet, la lecture de l'ouvrage de Faria fait regretter à chaque ligne le malheureux emploi qu'il a fait de talens supérieurs. Autant que ce jeu d'esprit continuel peut passer d'une langue dans une autre, j'en offrirai un exemple pris presque au hasard ( Tom. II, Р. 1, Çap. I, p. 39). Il s'agit de conter ces guerres sans cesse renaissantes entre la Castille et le Portugal, qui fatiguent l'écrivain par leur monotonie, et qui échappent à la mémoire la plus tenace; Faria les relève toujours par le tour nouveau du récit et par la recherche des expressions.

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