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des Indes; on la regarde comme un chef-d'œuvre de biographie, et on l'a traduite en plusieurs langues; en même temps elle est pour les Portugais un modèle de l'élégance et de la pureté du style historique. Juan de Castro vivait à cette époque glorieuse où les Portugais fondèrent, par un courage héroïque, l'empire dont leur mollesse et leur luxe précipitèrent la ruine dans la génération suivante. Andrade paraît animé par le sentiment de ces vertus antiques; il raconte les grandes actions de son héros avec autant de simplicité que de noblesse ; c'est lui qui a rendu célèbre la moustache donnée en gage par le vice-roi des Indes. Don Juan de Castro, après avoir soutenu contre le roi de Cambaya le memorable siége de Diú, et avoir triomphé de forces qui semblaient irrésistibles, prit la résolution de rebâtir dès les fondemens cette forteresse, pour se préparer à un nouveau siége; mais il n'y avait plus d'argent dans les coffres royaux, plus d'effets précieux, plus rien qui pût servir à payer les ouvriers et les soldats. Les marchands portugais de Goa, souvent trompés par des promesses qu'on n'exécutait jamais, ne voulaient lui faire aucun crédit. Son fils don Fernand avait été tué dans le siége. Il voulut d'abord déterrer ses os, afin de les donner comme gages aux marchands de Goa, pour l'emprunt qu'il voulait leur faire; mais on ne

les trouva plus, ils avaient été consumés par ce climat brûlant. Alors il coupa une de ses moustaches, qu'il leur envoya comme gage d'honneur de l'emprunt qu'il leur faisait. « Il ne m'est >> resté, leur dit-il, d'autre gage que ma propre » barbe, et je vous l'envoie par Diogo Rodriguez » de Azevedo; car vous devez déjà savoir que » je ne possède ni or, ni argent, ni meuble, ni >> autre chose de vaillant, pour assurer votre » créance, excepté une vérité sèche et brève » que le Seigneur, mon Dieu, m'a donnée ». Sur ce gage glorieux, Juan de Castro obtint en effet l'argent dont il avait besoin, et sa moustache, retirée ensuite par sa famille des mains de ses créanciers, est conservée encore aujourd'hui comme monument de sa loyauté et de son dévouement aux intérêts de sa patrie...

Parmi les imitateurs de Gongora, on compte dans le dix-septième siècle Simao Torezao Coelho, docteur de droit, attaché à l'inquisition, et qui écrivit aussi des saudades. Duarte, Ribeiro de Macedo, Fernam Correa de la Cerda, qui mourut évêque de Porto, et une religieuse, la sœur Violante do Ceo. Nous rapporterons un sonnet de cette dernière, pour faire connaître tout au moins, par un exemple tiré de la langue portugaise, cette même recherche, cette même affectation de bel-esprit, que nous avons vu à de certaines époques infester toutes les

littératures, lorsque les poètes trouvant toutes les voies déjà frayées devant eux dans la bonne poésie, ont voulu inventer, ont voulu renouveller l'art, sans avoir en eux-mêmes une vigueur de pensée et de sentiment qui pût suffire à une création nouvelle. La soeur Violante do Ceo (ou du Ciel) était religieuse dominicaine, et elle passa dans son siècle pour un modèle de piété aussi bien que de talent poétique. Elle était née en 1601, et mourut en 1693, laissant un recueil très-considérable de vers sur des sujets religieux et temporels. Le sonnet, dont voici la traduction, autant, du moins, que le galimathias peut se traduire, était adressé à Marianne de Luna, son amie, et c'est sur le nom de Luna qu'elle joue (1).

(1) Musas que no jardin do rey do dia,

Soltando a doce yoz, prendeis o vento;
Deidades que admirando o pensamento,
As flores augmentais que Apollo cria;

Deixai deixai do sol a companhia,

Que fazendo inveioso o firmamento,
Huma Lua que he sol, e que he portento,
Hum jardin vos fabrica de harmonia.

E porque nao cuideis que tal ventura
Póde pagar tributo à variedade,
Pelo que tem de Lua a luz mais pura,

Sabey, que por mercé da Divindade,
Este jardin canoro se assegura
Com o maro inmortal da eternidade.

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<< Muses, qui, dans le jardin du roi du jour, >> venez chercher le zéphir, en déliant vos dou» ces voix; divinités qui, en admirant la pen»sée, augmentez les fleurs qu'Apollon cultive, » laissez, laissez la compagnie du soleil car >> excitant l'envie du firmament, une lune qui » est un soleil, qui est un prodige, construit » pour vous un jardin d'harmonie ; et pour que >> vous ne croyiez point qu'un bonheur sembla» ble puisse payer un tribut à la variété, à >> cause de ce que cette pure lumière tient de la » lune, sachez que par une grâce de la Divi»nité, ce jardin musical est rendu inviolable >> par le mur immortel de l'éternité ».

Ceux qui sont plus exercés que moi à interpréter ce phébus, décideront si Marianne de Luna avait planté un jardin, ou préparé un concert, que Violante appelle peut-être jardin d'harmonie, ou enfin écrit un poëme. Etrange bizarrerie de l'esprit humain, qui a cru voir de l'imagination et de la finesse dans un pareil galimathias!

Un autre poète de la même école et du même siècle, qui jouit alors d'une grande réputation, et qui est aujourd'hui oublié, fut Jeronymo Bahia, l'un des auteurs des poëmes nombreux sur les Amours de Polyphème et de Galathée. Il commence cette églogue colossale par cette strophe toute en antithèses, qui peut donner une idée du reste.

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« Dans les lieux où Neptune, avec des me>> nottes d'argent, arrête le pied robuste du » Lilybée, ce mont qui fait la joie du ciel, le » tourment de la terre, la gloire de Jupiter et » l'enfer de Typhée; dans un champ assis sur >> cette montagne (la montagne est colosse et >> le champ colysée), un rocher sert de porte à » une froide caverne, d'où la nuit ne sort ja» mais, où jamais n'entre le jour (1) ».

Parmi les poésies de ce même Bahia, on trouve une romance adressée à Alphonse vi, pour féliciter et ce monarque et la patrie, de l'expédient qui devait sauver à jamais l'indépendance du Portugal, et assurer la victoire à ses armées. On venait, par des prières et des supplications solennelles, d'implorer Saint-Antoine de Padoue, qui naquit à Lisbonne en 1195, et que les Portugais regardent comme leur patron, pour qu'il acceptât un grade dans l'armée de sa patrie : les prêtres assuraient que l'habitant du ciel y avait consenti, et dès lors Saint-Antoine jouissait du grade, et son église

(1)

Donde Neptuno cổ grilhões de argento.
Prende o robusto pé do Lilibeo,
Que ao ceo dá gosto, á terra dá tormento,
Gloria de Jove, inferno de Tyleo,

Entre hum campo que tem no monte assento,
Colosso o monte, o campo Colysseo,
Cerra hum penhasco huma caverna fria,
Donde a noite nao sahe, nem entra o dia.

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