Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

A peu près à l'époque d'Ericeyra, on vit recommencer, à Lisbonne, quelque chose qui ressemblait à un théâtre portugais. Pendant tout le dix-septième siècle on n'avait eu, dans cette ville, qu'un théâtre espagnol; et les Portugais eux-mêmes, qui cultivaient l'art dramatique, adoptaient la langue castillane. D'autre part, le roi Jean v appela à Lisbonne, et soutint par sa munificence un opéra italien; et cet exemple nouveau fit bientôt après naître un genre bâtard de spectacle. Ce furent des

A constancia mais forte, e resoluta,
De ondas e rochas tragicos bramidos,
Temia vendo unirse em dura guerra
Contra hum só coraçao o mar e a terra.

Enfin le combat de Henri et Ali, au douzième chant.

Torrente de cristal que arrebatada
Inunda os valles, e supèra os montes,

Exhalaçao sulfurea, que inflamada
Fulmina as torres, rasga os orizontes,
Vento setentrional, que em furia irada
Agita os mares, e congela as fontes,
De Deucalion o rapido diluvio,
Chamas do Ethna, ardores do Vesuvio,

Ainda que com seus rapidos effeitos
Causem no mundo estragos e terrores,
A tanto impulso de cair desfeitos
Toda a izençaõ dos globos superiores,
Nao sey se excedem dos valentes peitos
As nobres iras, e iuclitos ardores,
Com que se vio ao impeto iracundo
Parar o ceo, atremecerse o mande.

n'é

opéras comiques sans récitatif, peut-être même composés sur de la musique d'emprunt comme nos vaudevilles, mais ornés en même temps de décorations, de grand spectacle, et de toute la pompe des opéras italiens. Les pièces écrites par un poète du coin, un juif, Antonio José, dont le nom même était à peine connu, taient recommandables ni par la conduite, ni par le style, ni par l'invention; mais une gaîté populaire, dans le genre des arlequinades italiennes, les soutenait; et de 1730 à 1740, elle attira en foule le public au spectacle. Le Juif fut brûlé par ordre de l'inquisition, au dernier auto-da-fé de 1745. Les directeurs craignirent peut-être de rendre leur foi suspecte en continuant la représentation de ses pièces, et le spectacle tomba. On a deux collections de ces opéras portugais sans nom d'auteur (1746 et 1787, 2 vol. in-8.). Les huit ou dix pièces qu'ils contiennent sont toutes également grossières de construction et de langage, mais elles ne manquent pas de sel et d'originalité. L'une d'elles, dont Esope est le héros, mais à laquelle on a cousu bizarrement les faits brillans de la guerre des Perses, pour pouvoir mettre des batailles et des évolutions de cavalerie sur le théâtre, a, dans le rôle d'Esope, les lazzis et la gaîté d'un vrai Arlequin de Bergame.

Quoiqu'il n'y eût réellement point de théâtre

portugais, quelques hommes de talent s'efforçaient cependant de temps en temps de combler ce vide, et de donner à leur nation une branche de poésie qui lui manquait. Pedro Antonio Correa Garçao, dont les œuvres ont été publiées en 1778, et qui, par son étude constante d'Horace, ses efforts pour introduire dans le portugais la manière de ce grand poète, et jusqu'au mètre qu'il a employé dans ses odes, a obtenu le nom de second Horace portugais, s'est aussi efforcé de réformer le théâtre, et de donner à sa patrie quelques pièces dans la manière de Térence. La première, qu'il a intitulée : Theatro novo, est plutôt un cadre pour exposer ses principes sur l'art dramatique, et faire la critique de ce qui existait déjà, qu'une comédie faite pour devoir ses succès à ellemême. Une autre pièce de lui, intitulée : Assemblea, ou Partida, est une satire du beau monde, à peu près dans le genre du Cercle de Poinsinet.

L'Académie des sciences, qui avait promis un prix pour la meilleure tragédie portugaise, couronna, le 13 mai 1788, Osmia, tragédie, dont l'auteur se trouva être une femme, la comtesse de Vimeiro. A l'ouverture du billet cacheté joint à la pièce, et qui devait contenir son nom, on ne le trouva point, mais seulement la demande de destiner le prix, si Osmia était couronnée, à

l'encouragement de la culture des oliviers, dont le Portugal pouvait attendre de grands avantages. On eut beaucoup de peine à découvrir le modeste auteur de cette tragédie, qui a été imprimée en 1795, in-4°. Boutterwek l'attribue, par erreur, à une autre femme justement célèbre du Portugal, Catherine de Souza, celle même qui osa seule braver le terrible marquis de Pombal, et refuser d'épouser son fils. C'est de la famille de cette femme illustre que j'ai appris qu'Osmia n'était point son ouvrage.

Dans ce genre de composition, où les femmes se sont rarement essayées, la comtesse de Vimieiro porta les qualités qui distinguent son sexe, une grande pureté de goût, une grande délicatesse de sentimens, et l'intérêt de la passion plutôt que celui des circonstances. La scène est placée en Portugal, mais long-temps avant l'existence de la monarchie, à l'époque où les Turditains, peuples qui habitaient cette contrée, se révoltèrent contre les Romains. Leur prince Rindacus avait épousé l'héroïne, Osmia, qui ne l'aimait point. Cependant les Turditains sont battus, Rindacus est blessé, et Osmia est faite prisonnière. Le prêteur romain Lélius s'est enflammé de la passion la plus tendre pour sa belle captive; elle n'y est point insensible, et toute la péripétie repose sur la lutte entre l'amour et le devoir, dans le coeur d'Osmia.

Elle ne veut point se montrer indigne de sa naissance, l'orgueil du patriotisme combat en elle contre l'amour du Romain, qu'elle devrait haïr, et dont la générosité la touche toujours plus. Son caractère en prend une teinte de douceur mêlée à l'héroïsme, qui la rend, à chaque scène, plus intéressante. Son charme est encore relevé par le contraste avec une prophétesse, sa compatriote, également prisonnière, et qu'enflamment à l'envi sa haine pour les Romains, et son orgueil national. La violence de son patriotisme amène les événemens auxquels tient le nœud de l'action; l'intérêt tragique est ménagé de manière à s'accroître jusqu'au dénouement. La mort d'Osmia est_racontée, mais son mari est amené blessé et mourant sur le théâtre. La comtesse de Vimieiro, dans ce dénouement comme dans toute la pièce, avait suivi les règles du théâtre français; dans la vivacité du dialogue, elle paraît avoir pris pour modèle Voltaire, plutôt que Corneille ou Racine. La pièce est écrite en vers ïambes, non rimés; c'est en quelque sorte, aujourd'hui, la seule tragédie du théâtre portugais.

Le nouvel empire des Portugais, celui sur lequel reposent désormais toutes leurs espérances d'indépendance et de grandeur future, a commencé de son côté à cultiver les lettres, et

« VorigeDoorgaan »