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signes de la poésie populaire. Les pièces de ce genre sont au nombre de quatre et dans la forme narrative; savoir: la légende fantastique dé Bonus en l'honneur de saint Michel, le fragment du cantique sur la translation des reliques de saint Denis 1, le récit d'un miracle de saint Nicolas, et surtout le fragment de l'histoire de Judith et d'Holopherne, versus de Judit et Holofernem (sic). Je serais tenté d'y ajouter la légende rimée du petit abbé Jean, due à saint Fulbert, évêque de Chartres et directeur de la célèbre école de cette ville 2, si cette joyeuseté ne me semblait plutôt avoir été destinée à égayer les cloîtres, ou à amuser le clergé séculier aux dépens du régulier. Les trois morceaux que je viens d'indiquer paraissent avoir été composés entre le vir et le vin siècle, du moins en avons-nous la preuve pour la légende de Bonus. Le chroniqueur Albéric des Trois-Fontaines cite textuellement les deux premiers vers de cette pièce sous la date de 764. Ces merveilleuses histoires ont dû être chantées, au son de la rote, les jours de marché, sur les champs de foire, ou, les jours de fête, dans le parvis des cathédrales. C'est bien là ce qu'on appelait alors urbana cantilena.

Ces curieux échantillons de la poésie foraine et légendaire, qui se chantait ou se débitait en plein air, et faisait, au moyen âge, les délices des artisans et des citadins, nous conduiraient naturellement à la dernière partie de l'ouvrage de M. du Méril, à celle qui renferme les chants populaires latins relatifs à des sujets profanes. Mais cette catégorie de pièces, de beaucoup la plus intéressante, a, dans ce recueil, trop d'étendue et d'importance pour que nous puissions en commencer immédiatement l'examen. Ce sera l'objet d'un second et prochain article.

1

MAGNIN.

Une pièce sur le même sujet, plus véritablement populaire, serait l'hymne en langue rustique dont parle Hincmar, archevêque de Reims, mort en 882, et qu'il nomme cantilena. Voy. Mabill. Annal. lib. XXXVII, no 85. — Mort en 1029. Voy. Hist. littér. de France, t. VII.

2

Histoire de la république de Gênes, par M. Émile Vincens, conseiller d'État. Paris, Firmin Didot, 1842, 3 vol. in-8°.

TROISIÈME ET DERNIER ARTICLE1.

La république de Gênes, après une expérience démocratique de deux siècles, avait rétabli systématiquement, en 1528, l'aristocratie qui s'était fondée naturellement au milieu d'elle, de 1150 à 1160. Le patriciat de 1528, constitué d'une manière plus réfléchie et plus savante que la noblesse de 1160, tirait son origine de la même source qu'elle, le commerce; devait son importance aux mêmes causes, la richesse et l'ambition; avait le même objet, le gouvernement exclusif de l'État. Seulement il reposait sur une base plus large et plus solide, puisqu'il unissait, dans les mêmes priviléges, la bourgeoisie et la noblesse, et qu'il avait ajouté, à l'éclat des anciennes familles, la force des nouvelles. Outre la vigueur qu'il puisait dans l'alliance de ceux qui s'étaient jusque-là combattus, il avait l'appui d'une loi précise, tandis que l'aristocratie, plus restreinte et moins bien définie des premiers temps, n'avait dominé que par la coutume.

Gênes venait d'opérer, au xvr° siècle, la révolution que Venise avait accomplie entre la fin du xin et le commencement du XIV. Quoique maritimes l'une et l'autre, et parvenues seules, par une marche en sens inverse de celle qu'avaient suivie les villes italiennes, à un établissement aristocratique, ces deux républiques n'avaient pas eu, toutefois, le même point de départ pour leurs institutions, qui, dès lors, n'étaient pas empreintes du même caractère. Au lieu de parvenir à l'indépendance, et de s'organiser sous le régime annuel des consuls pendant la guerre des investitures, comme Gênes et les municipalités lombardes, Venise, libre dès l'époque des invasions germaniques, s'était constituée dans le vir° siècle, au moment où il n'y avait d'autre modèle d'autorité en Italie, que la forme ducale également usitée chez les Lombards et chez les Grecs. Elle s'était dès lors donné pour chef, en 697, un duc ou doge, qui, nommé à vie, juge suprême de la république, général de ses armées, dispensateur de tous les emplois, désignait lui-même ses conseillers, dont, à son gré, il suivait ou rejetait les avis, et possédait un pouvoir uniquement tempéré par les assemblées du peuple. Venise avait ainsi formé, dès le début, une sorte de principauté démocratique qui, fondée sur l'élection, avait

1 Voir les cahiers de novembre et décembre 1843.

tendu cependant à devenir héréditaire, car plusieurs doges avaient éu leurs fils pour successeurs. C'est afin de remédier aux abus, et d'échapper aux périls de ce régime, moitié populaire et moitié monarchique, que Venise établit l'aristocratie la plus concentrée. Elle y parvint peu à peu.

En effet, l'autorité ducale cessa, en 1032, de pouvoir être transmise du père au fils, et le doge, à qui le peuple donna, pour guides et pour surveillants, deux conseillers, sans l'approbation desquels il ne dut rien entreprendre, fut tenu d'assembler les principaux citoyens à son choix, sous le nom de pregadi, et de les consulter dans les occasions importantes. Ce ne fut pas tout en 1172 on mit fin aux élections populaires des doges par l'établissement d'un grand conseil, composé de quatre cent quatre-vingts membres, qui s'en attribua la nomination, et qui, en 1179, les dépouilla du droit de rendre la justice en instituant le tribunal de la vieille quarantie criminelle, à l'aide duquel Venise échappa seule au régime des podestats. Élus par le grand conseil, soumis, par le serment qu'ils prêtaient en entrant en charge, à des obligations qui les rendaient de plus en plus incapables d'attenter à l'indépendance de la république, les doges avaient vụ, en 1229, s'élever à côté d'eux les soixante membres du petit conseil des pregadi, chargés de la principale administration de l'État, les cinq correcteurs des promesses ducales, appliqués à rendre leurs engagements toujours plus étroits, et les trois inquisiteurs de leur conduite, investis du droit de les juger après leur mort. Avant la fin du xin° siècle, la souveraineté avait passé du peuple au grand conseil, qui, en 1286, se renouvelait lui-même, et l'autorité, autrefois concentrée entre les mains du doge, était exercée par plusieurs corps de magistrature. Il n'y avait plus qu'un pas à faire pour donner à Venise une organisation entièrement aristocratique. Il se fit bientôt. Tout comme à Gênes, les riches familles, admises aux principales fonctions de l'État, avaient formé, vers le milieu du xio siècle, une noblesse naturelle qui s'était réservé le monopole des magistratures; de même, à Venise, les familles introduites successivement dans le grand conseil, depuis 1171, composèrent seules désormais cette assemblée souveraine, dont les éléments furent fixés en 1297, et dont l'accès fut interdit, en 1300, aux hommes nouveaux, après la conspiration plébéienne de 1299. La noblesse politique se trouva resserrée dans ces familles, dont les membres, à partir de 1315, durent se faire inscrire sur le livre d'or, lorsqu'ils eurent atteint l'âge de vingt-cinq ans, et entrèrent de plein droit dans le grand conseil. Cette organisation aristocratique, qui n'avait pas le caractère indéterminé de celle de Gênes, qui ne laissait pas subsister le lien de l'élection

entre la noblesse privilégiée et la masse des citoyens, après que le peuple, révolté contre elle en 1310, eut été vaincu, fut mise à l'abri des tentatives ambitieuses des nobles mêmes par des institutions formidables. Le conseil des Dix fut créé, et trois inquisiteurs d'État tirés de son sein, procédant, jugeant, tuant avec mystère, inspirèrent une soumission et une crainte universelles. Le doge fut désormais le serviteur de la noblesse, qui trembla devant le conseil des Dix, surveillé lui-même par les inquisiteurs d'État. L'immobilité et la défiance formèrent les caractères principaux des institutions de cette république; toutes les têtes se courbèrent sous leur redoutable niveau. Venise fut à l'abri des changements et des ambitions, elle eut de grands desseins et pas de grands hommes; elle craignit trop ces derniers pour leur permettre de se former, et elle réserva ses rigueurs à ceux qui menaçaient de le devenir. C'est d'une prison qu'elle tira le trop populaire Victor Pisani pour qu'il vînt la sauver à Chioggia, et c'est dans la détresse et la honte qu'elle condamna l'héroïque Carle Zénon à finir des jours consacrés à la rendre victorieuse. Mais, si elle ne souffrit pas que l'homme fùt trop grand, de peur que la république ne fût trop exposée, elle développa, dans la mesure seule de son utilité, l'esprit et le caractère de ses citoyens, qui mirent leur ambition dans sa grandeur. C'est en formant des sujets dévoués et des politiques habiles, qu'elle a suffi glorieusement à sa tâche pendant près de cinq siècles encore, qu'elle a été conquérante sans tomber sous la domination d'un chef militaire, qu'elle a été attaquée par les puissantes monarchies du continent sans être assujettic, en un mot, qu'elle a vécu sans changer jusqu'à nos jours, où elle a été emportée par la tempête qui a renversé sur le sol de l'Europe la plupart des Etats faibles et tous les gouvernements électifs.

L'aristocratie génoise de 1528 ne fut ni aussi disciplinée, ni aussi tremblante, ni aussi profonde que l'aristocratie vénitienne. L'esprit des deux peuples différait tout comme leur organisation. La mobilité, la turbulence, l'ambition, l'audace des Génois, ne se prêtaient pas à cette humble déférence envers les lois, à cette action prudemment renfermée dans les limites fixées par elles, que le patriotisme et la peur inspirèrent à tous les Vénitiens. La vigilance des institutions ne vint pas même, sous ce rapport, en aide aux défauts du caractère, car les syndicateurs suprêmes ne ressemblaient en rien aux inquisiteurs d'État, les uns étant chargés de juger la conduite morale des magistrats sortis de fonction, les autres, de surveiller dans le silence et de prévenir par la terreur les turbulents et les ambitieux. Aussi l'établissement aristocratique de 1528, avant de se consolider, fut soumis à deux remanie

ments, ceux de 1547 et de 1576, exposé à deux conspirations, celle de Fieschi en 1548, et celle de Vachero en 1627.

Malgré les sages précautions qu'avait prises André Doria, pour unir dans un patriciat commun les deux classes qui avaient successivement gouverné la république jusqu'alors, celles-ci ne se fondirent point ensemble. La différence des origines survécut, entre elles, à l'égalité des droits, et elles formèrent bientôt deux partis opposés de sentiments et rivaux d'ambition. Sous le nom de portique de Saint-Luc, que prit la vieille noblesse concentrée dans ce quartier, et sous celui de portique de Saint-Pierre, que reçut à cause du sien la noblesse plébéienne, les deux partis ne tardèrent pas à se disputer les magistratures, qu'aux termes de la constitution ils devaient se partager. Appuyés sur le peuple, dont ils étaient depuis moins longtemps séparés, plus nombreux que leurs adversaires, et, dès lors, plus favorisés par le sort, qui était le principal électeur de la république, fortifiés d'ailleurs, toutes les années, par dix anoblis que la loi permettait d'introduire dans le corps aristocratique, les patriciens de la bourgeoisie rompirent, en 1546, l'équilibre si la, borieusement établi en 1528. Ils élurent deux fois de suite le doge dans le portique de Saint-Pierre, au lieu de le choisir à son tour dans le portique de Saint-Luc. La lutte était sur le point de s'engager de nouveau, et de faire retomber Gênes dans ses désordres et ses périls précédents, lorsque André Doria intervint, à la tête d'une balie dictatoriale, pour raffermir la paix, en perfectionnant son œuvre. Il trouvait que le galbe de sa république (c'était l'expression dont il se servait) avait besoin d'être retouché. Ce mot, employé au diminutif, galbetto, et, en prononçant à la manière génoise, garibetto, devint le titre de sa législation remaniée en 1547.

Pour redresser la balance du pouvoir, qui penchait trop vers le patriciat plébéien, le vieux Doria la fit tomber du côté du patriciat noble, et le garibetto, destiné à restituer à l'ancienne aristocratie son action légale dans l'État, assura sa prépondérance. Le sort, trop favorable au grand nombre, fut remplacé, dans la plupart des élections, par le choix, confié au petit conseil, au sénat, au collège des procurateurs, etc.; de cette manière l'autorité se concentra peu à peu entre une trentaine de vieilles familles, dont l'extrême richesse et la vaste influence tendirent à rendre oligarchique le gouvernement de Gênes. Non contentcs d'annuler les anoblis plébéiens, elles les offensèrent, en leur contestant les noms dont ils avaient été revêtus par leur affiliation avec elles, dans les familles politiques des alberghi. Cet état de choses se trouvait trop contraire aux ambitions et aux habitudes génoises pour

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