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I. Formation des montagnes.

Dans sa Théorie de la terre, Buffon attribuait la formation de toutes les montagnes à l'action des eaux. Dans ses Époques de la nature, il distingue très-bien la formation des montagnes primitives de la formation des montagnes secondaires.

Lorsque j'ai composé, en 1774, mon traité de la Théorie de la terre, je n'étais pas, dit-il, aussi instruit que je le suis actuellement, et l'on n'avait pas fait les observations par lesquelles on a reconnu que les sommets des plus hautes montagnes sont composés de granit et de rocs vitrescibles, et qu'on ne trouve point de coquilles sur plusieurs de ces sommets; cela prouve que ces montagnes n'ont pas été composées par les eaux, mais produites par le feu primitif, et qu'elles sont aussi anciennes que le temps de la consolidation du globe 1. »

Les montagnes primitives ont donc été formées par le feu; mais comment le feu les a-t-il formées? Selon Buffon, les montagnes se sont formées à la surface du globe, comme il se forme des inégalités, des aspérités, à la surface des masses de verre ou de métal fondu qui se refroidissent 2.

Buffon n'a pas eu l'idée du soulèvement, de ce mécanisme, enfin trouvé, de la formation des montagnes.

Il suit, d'ailleurs, du mécanisme supposé par Buffon, d'abord, que toutes les montagnes sont contemporaines de la consolidation du globe 3, et, ensuite, qu'elles sont toutes contemporaines les unes des autres; et rien de cela n'est conforme aux faits.

Les beaux travaux de M. Élie de Beaumont nous ont appris, d'abord, que la formation des montagnes est fort postérieure à la consolidation du globe; et, en second lieu, que, parmi les montagnes, les unes sont fort postérieures aux autres.

Mais, si Buffon s'est trompé sur le mécanisme de la formation des montagnes et sur l'époque où elles ont paru, du moins ne s'est-il pas trompé sur la cause qui les a produites. Cette cause est le feu, la cha

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'T. X, p. 265 (Supplément). — «Comparons les effets de la consolidation du globe de la terre à ce que nous voyons arriver à une masse de verre ou de métal fondu, lorsqu'elle commence à se refroidir: il se forme, à la surface de ces masses, des trous, des ondes, des aspérités...., lesquelles peuvent nous représenter ici les premières inégalités qui se sont trouvées sur la surface de la terre; nous aurons dès lors une idée du grand nombre de montagnes..... » T. IX, p. 101 (Supplément). — 3 « .... Elles sont aussi anciennes que le temps de la consolidation du globe. T. X, p. 265 (Supplément).

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leur intérieure de la terre, ce feu, cette chaleur, que Buffon a su voir comme un fait réel, général1, et dont il a tiré, le premier, toute une théorie nouvelle du globe2.

« L'action volcanique, dans le sens propre de ce mot, ne saurait être, dit M. Élie de Beaumont, la cause première des grands phénomènes qui nous occupent; mais les éruptions volcaniques paraissent avoir elles-mêmes des rapports avec la haute température que présentent encore aujourd'hui les parties intérieures du globe, et les analogies qui, au premier aperçu, nous feraient chercher, dans l'action volcanique proprement dite, les causes des révolutions de la surface du globe, doivent nous conduire finalement à chercher cette même cause dans le phénomène beaucoup plus large de la haute température intérieure de la terre 3. »

II. Espèces perdues.

L'idée des espèces perdues, la plus belle, la plus grande idée de l'histoire naturelle, est dans Buffon; et Buffon l'a eue dès le temps où il écrivait sa Théorie de la terre.

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«Il se peut faire, disait-il alors, qu'il y ait eu de certains animaux dont l'espèce a péri ces coquillages pourraient être du nombre; les os fossiles extraordinaires qu'on trouve en Sibérie, au Canada, en Irlande et dans plusieurs autres endroits, semblent confirmer cette conjecture, car, jusqu'ici, on ne connaît pas d'animal auquel on puisse attribuer ces os, qui, pour la plupart, sont d'une grandeur et d'une grosseur démesurées 5. »

<< Tout semble démontrer, dit-il dans ses Époques de la nature, qu'il y a eu des espèces perdues, c'est-à-dire des animaux qui ont autrefois existé, et qui n'existent plus ..... »

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... nous suffit..... qu'on reconnaisse désormais cette chaleur intérieure, cette chaleur de la terre, comme un fait réel et général, duquel, comme des autres faits généraux de la nature, on doit déduire les effets particuliers. T. IX, p. 15 (Supplément). Ce grand fait, comme je l'ai déjà dit, paraît aujourd'hui démontré: M. Fourier a admis l'opinion de Buffon, l'opinion d'un feu central. Cependant il se trouve des lieux où la température ne croît pas à mesure que l'on pénètre dans l'intérieur de la terre; et un géomètre célèbre, M. Poisson, a proposé, dans ces derniers temps, sur le grand phénomène qui nous occupe, des idées très-différentes de celles de Buffon et de M. Fourier. Voyez sa Théorie mathématique de la chaleur. — 3 Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe, etc. (dans le Manuel géologique de M. Labèche, p. 664). Les cornes d'Ammon fossiles. T. I, p. 425.-T. IX, p. 40 (Supplément). « Ces énormes dents, dont la

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III. Grands ossements fossiles du Nord.

L'idée des espèces perdues est la plus grande idée de l'histoire naturelle, et c'est le grand fait des ossements fossiles, trouvés dans le Nord, qui a prouvé cette idée 1. Pendant un demi-siècle, le problème des ossements fossiles du Nord a été le problème de tous les hommes qui ont pensé en histoire naturelle. Gmelin l'avait légué à Buffon; Buffon le légua à Camper, à Pallas, à Blumenbach; M. Cuvier l'a résolu, et c'est là sa gloire immortelle.

Buffon supposait que les terres du Nord, plus tôt refroidies, et par conséquent plus tôt habitables, avaient été le premier séjour des grands animaux terrestres. Ensuite, ces terres s'étaient de plus en plus refroidies, et, à mesure qu'elles avaient perdu leur température, elles avaient aussi perdu leur population: les grands animaux avaient passé du Nord au Midi 2.

Pallas imaginait une grande irruption des eaux, qui, venues du sudest, avaient transporté et enfoui dans le Nord les animaux du Midi. M. Cuvier prouva que tous les animaux fossiles sont des animaux dont l'espèce n'existe plus. Tous les animaux fossiles sont des espèces perdues. Les animaux fossiles ne sont donc pas venus de l'Inde, comme le veut Pallas, puisque les animaux fossiles sont tous différents des animaux de l'Inde.

Les animaux actuels du Midi ne viennent donc pas des animaux fossiles du Nord, comme le veut Buffon, puisque les animaux qui vivent aujourd'hui dans le Midi sont tous différents de ceux qui ont vécu jadis dans le Nord.

Buffon n'avait pas su distinguer les éléphants fossiles des éléphants vivants. «Les défenses, les dents mâchelières, les omoplates, les fémurs

face qui broie est composée de grosses pointes mousses, ont appartenu à une espèce détruite aujourd'hui sur la terre, comme les grandes volutes appelées cornes d'Ammon sont actuellement détruites dans la mer. » T. IX, dents dont parle ici Buffon sont celles du mastodonte, espèce en effet perdue. P. 30 (Supplém.). Les énormes 1 « C'est par les os des quadrupèdes que nous apprenons, d'une manière assurée, le fait important des irruptions de la mer, dont les coquilles et les autres produits inarins à eux seuls ne nous auraient pas instruits...... révolutions de la surface du globe. Cuvier, Discours sur les cupé les parties septentrionales de la Russie et de la Sibérie, ..... où l'on a trouvé Nous ne pouvons douter qu'après avoir ocleurs dépouilles en grande quantité, ils n'aient ensuite gagné les terres moins septentrionales.... en sorte qu'à mesure que les terres du Nord se refroidissaient, ces animaux cherchaient des terres plus chaudes.....» T. IX, p. 246 (Supplément).

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et les autres ossements trouvés dans les terres du Nord, sont certainement, dit-il, des os d'éléphant; nous les avons comparés aux différentes parties respectives du squelette entier de l'éléphant, et l'on ne peut douter de leur identité d'espèce1. »

M. Cuvier est le premier qui ait distingué les éléphants vivants des éléphants fossiles. C'est même par cette distinction qu'il a commencé cette suite de découvertes et cette science de merveilles qui nous ont rendu toutes les populations antiques du globe.

Qu'a-t-il donc manqué à Buffon ? l'anatomie comparée2; et même, sur combien de points, guidé par la seule lumière de son génie3, ne l'a-t-il pas devancée? On peut en juger par cette page admirable:

«Les pétrifications sont le grand moyen dont la nature s'est servie pour conserver à jamais les empreintes des êtres périssables; c'est, en effet, par ces pétrifications que nous reconnaissons ses plus anciennes productions, et que nous avons une idée de ces espèces maintenant anéanties, dont l'existence a précédé celle de tous les êtres actuellement vivants et végétants, ce sont les seuls monuments des premiers âges du monde; leur forme est une inscription authentique qu'il est aisé de lire, en la comparant avec les formes des corps organisés du même genre; et, comme on ne leur trouve point d'individus analogues dans la nature vivante, on est forcé de rapporter l'existence de ces espèces, actuellement perdues, aux temps où la chaleur du globe était plus grande, et sans doute nécessaire à la vie et à la propagation de ces animaux et végétaux qui ne subsistent plus.

«C'est surtout dans les coquillages et les poissons, premiers habitants du globe, que l'on peut compter un plus grand nombre d'espèces qui ne subsistent plus; nous n'entreprendrons pas d'en donner ici l'énumération, qui, quoique longue, serait encore incomplète. Ce travail sur la vieille nature exigerait seul plus de temps qu'il ne m'en reste à vivre, et je ne puis que le recommander à la postérité

« Les ossements des animaux terrestres, conservés dans le sein de la terre, quoique beaucoup moins anciens que les pétrifications des coquilles et des poissons, ne laissent pas de nous présenter des espèces d'animaux quadrupèdes qui ne subsistent plus; il ne faut, pour s'en convaincre, que comparer les énormes dents à pointes mousses, dont j'ai

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1T. IX, p. 30 (Supplément). — Voyez, sur l'application de l'anatomie comparée à la détermination des ossements fossiles, mon Analyse raisonnée des travaux de G. Cuvier, Paris, 1841. Expression de Buffon. «..... Lorsqu'on commence à tomber dans cette profondeur du temps où la lumière du génie semble s'éteindre... » T. IX, p. 36 (Supplément). T. VII, p. 217 (Minéraux).

donné la description et la figure, avec celles de nos plus grands animaux actuellement existants........ De même, les très-grosses dents carrées que j'ai cru pouvoir comparer à celles de l'hippopotame, sont encore des débris de corps démesurément gigantesques, dont nous n'avons ni le modèle exact, ni n'aurions pas même l'idée, sans ces témoins aussi authentiques qu'irréprochables; ils nous démontrent l'existence passée d'espèces colossales différentes de toutes les espèces actuellement vivantes1....... Je le répète, c'est à regret que je quitte ces objets intéressants, ces précieux monuments de la vieille nature, que ma propre vieillesse ne me laisse pas le temps d'examiner assez pour en tirer les conséquences que j'entrevois....... D'autres viendront après moi qui pourront supputer 2..... »

Je termine ici cet examen des idées de Buffon. Quand on étudie, avec nous, cette suite, toujours croissante, de grands travaux; quand on s'élève, comme nous l'avons fait, des idées sur l'économie animale, sur la formation des êtres, sur la géographie zoologique, sur l'histoire naturelle de l'homme, aux idées sur la théorie de la terre, aux idées sur les époques de la nature, on admire ce puissant génie dont la vue toujours domine. Dans les Époques de la nature, en particulier, dans ce dernier et ce plus parfait de ses ouvrages, Buffon touche à tout ce qu'il y a de grand dans le temps, dans les faits, dans les forces de la nature, et néanmoins, dans ce livre de Buffon, il y a quelque chose qui paraît plus grand encore que toutes ces grandes choses: le génie de l'homme. Dans un neuvième et dernier article, je passerai en revue les éditions de Buffon.

FLOURENS.

PoESEOS POPULARIS ante seculum duodecimum latine decantatæ reliquias sedulo collegit, e manuscriptis exaravit, et in corpus primum digessit Édélestand du Méril. Parisiis, typis Guiraudet et Jouaust. (Poésies populaires latines antérieures au xır siècle. Paris, 1843, chez Brockhaus et Avenarius.) 1 vol. in-8° de 434 pages.

TROISIÈME ET DERNIER ARTICLE 3.

Il ne nous reste plus à examiner, dans le recueil de M. Édélestand du

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'T. VIII, p. 220 ( Minéraux). — ' T. VII, p. 238 (Minéraux). — Voy. les articles

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