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pièce française dont nous venons de parler. L'un et l'autre ne font guère que glorifier Jérusalem, comme ayant été le théâtre de toutes les scènes de la Passion. Malgré un cri d'extermination poussé contre les infidèles, à la fin de la septième strophe, ce chant, de l'inspiration la plus pacifique, semble plutôt un cantique de pèlerin que la chanson de guerre d'un

croisé 1.

A cette pièce, M. du Méril en a ajouté trois autres, postérieures à la prise de Jérusalem par Saladin. Le chant qu'il intitule, Complainte sur la prise de Jérusalem 2, n'avait été imprimé qu'en 1806, par M. le baron d'Aretin 3. Il consiste en 26 strophes, de quatre vers monorimes:

Heu! voce flebili cogor enarrare
Facinus quod accidit nuper ultra mare,
Quando Saladino concessum est vastare

Terram quam dignatus est Christus sic amare.

Un autre morceau, intitulé par M. du Méril, Chant sur la troisième croisade, et par Roger de Hoveden, vieux chroniqueur anglais, qui nous l'a transmis, Planctus super itinere versus Jerusalem, n'a que huit strophes, dans le même rhythme que la pièce précédente 3.

5.

Le même chroniqueur a fourni à M. du Méril une autre pièce, qu'il a intitulée Chant des croisés, et qui se distingue de toutes les autres par un éclat d'expression et une vivacité de rhythme vraiment remarquables. Chacun des six couplets de douze vers, dont ce chant se compose, est couronné par le refrain suivant :

Lignum crucis,

Signum ducis,
Sequitur exercitus.

Quod non cessit,
Sed præcessit

In vi sancti Spiritus '.

Roger de Hoveden nous apprend que cette pièce fut composée, vers 1188, par un clerc de l'église d'Orléans, qu'il nomme Bertherus (Berthier peut-être); mais il éclate un si vif enthousiasme dans cet appel aux armes, qu'il est difficile de ne voir dans ce chant qu'une simple composition cléricale. Je suis bien plutôt tenté de croire que ce morceau

1

4

2

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3

1 Poésies populaires latines, p. 297. — Ibid. p. 411. Beiträge zur Geschichte und Litteratur, t. VII, p. 297. Savile, Rerum Anglicarum scriptores, P. 666. 5 Poésies populaires latines, p. 414. Savile, ibid., p. 639. Poésies populaires latines, p. 408.- Voyez, sur ce clerc de l'église d'Orléans, l'Histoire littéraire de France, t. XV, p. 338, et M. Symphorien Guyon, Histoire d'Orléans, p. 409.

est une traduction, faite pour le clergé, d'un chant populaire en langue moderne, dont le prêtre de l'église d'Orléans aura habilement reproduit l'accent musical et l'heureux mouvement rhythmique.

Malgré les objections que nous nous sommes cru obligé de faire à quelques parties du savant travail de M. du Méril, surtout à la composition et aux divisions du recueil, qui ne tiennent pas toujours ce qu'elles annoncent, nous nous hâtons de reconnaître que la réunion en un volume de tant de pièces inédites ou dispersées dans de nombreux ouvrages est un grand et incontestable service rendu aux personnes que leurs études obligent d'avoir habituellement sous les yeux les monuments du moyen âge. Ce livre a donc une place marquée dans toutes les bibliothèques savantes. Nous ajouterons que les poésies latines des siècles barbares (indépendamment de l'intérêt historique ou philologique que la plupart présentent), ont encore, ainsi que l'a fait remarquer M. du Méril, un mérite non moins important, à savoir d'établir un lien entre la poésie ancienne et la poésie moderne. En effet, l'étude de la versification latine au moyen âge peut seule nous donner la clef de la formation et de l'histoire du rhythme moderne, cette partie si essentielle et si peu étudiée de notre poésie. M. du Méril a très-bien montré, dans son introduction', que c'est surtout à l'aide du rhythme latin et par la connaissance de ses diverses modifications qu'on peut parvenir à trouver les lois véritables et le principe de la versification des langues néo-latines.

Nous avons, dans le cours de ces articles, rendu fréquemment hommage aux nombreux mérites de l'habile éditeur. Soigneuse révision des textes connus, intelligente publication de beaucoup de textes nouveaux, éclaircissement des principales difficultés, érudition variée, ingénieuse, et que nous louerions sans réserve, si elle ne s'épanchait sur tous les sujets avec une profusion trop peu méthodique : ce sont là, malgré les ombres, des qualités éminentes, et que nous nous plaisons à reconnaître dans l'ouvrage de M. Édélestand du Méril. On ne sera pas surpris, toutefois, que nous relevions çà et là plusieurs imperfections de détail qui ont échappé aux cartons et aux errata. Nous signalerons d'abord quelques locutions incorrectes, celle-ci, par exemple, basé sur...., se baser sur.....2, qui, pour être employée aujourd'hui à tout propos, n'en est pas moins fautive. Je lis à regret, dans une note, cette phrase, qui, d'ailleurs, n'est pas la seule de ce genre : « Virgile,

'Poésies populaires latines, p. 39 et suiv. Ibid. p. 46, note, col. 1; p. 48, no 4; p. 5o; p. 57; p. 58, n. 1; p. 67, n. 2.

dans son Georgica, » ce qui n'est peut-être pas incorrect, mais ce qui est au moins fort inusité. Cette bizarrerie me semble encore grammaticalement moins excusable dans le passage suivant: «Peut-être ces traditions avaient-elles passé dans les tragœdia togata, qui existaient du temps d'Auguste 1. » L'orthographe aussi n'est pas toujours assez soigneusement surveillée. Je lis plusieurs fois, et même dans une page qui a donné lieu à un carton, Anchise par un y 2; ailleurs Zopyre est écrit par un i3. Plus loin nous trouvons, à plusieurs reprises, Mathieu au lieu de Matthieu, Saville au lieu de Savile, bysantine au lieu de byzantine. Partout M. du Méril écrit chansons satyriques, épopée satyrique, satyre contre Rome, comme s'il s'agissait des satyres de la mythologie grecque ou du drame satyrique d'Athènes. Quelquefois ces distractions ont plus de gravité. Par exemple, en expliquant le dernier vers du Pervigilium Veneris:

Sic Amyclas, cum tacerent, perdidit silentium,

M. du Méril rappelle que le silence des habitants d'Amyclas était proverbial dans l'antiquité 10. Amyclas, au lieu d'Amyclée (Amycle), pourrait induire en erreur un lecteur inattentif. Ce sont là, nous le savons, des taches sans aucune importance, mais dont, néanmoins, la présence trop répétée est regrettable dans un ouvrage d'une aussi réelle érudition.

M. du Méril emploie aussi pour les noms propres grecs un système de transcription littérale qui contrarie, sans aucun avantage, toutes nos habitudes. C'est ainsi qu'il écrit Antigonos, Eustathios, Longos, Héphaistion, Hieronymos Cardianos, Diodoros, Coïntos, Hellanicos, etc., etc., et ce système, tout puéril qu'il soit, M. du Méril a, de plus, le tort de ne pas le suivre uniformément. En effet, dans la même note et presque dans la même ligne, il écrit: Silenos ou Seilinos et Timée de Sicile, Sisyphos de Coos et Denys d'Halicarnasse, Diodoros et Ælien". Nous allons transcrire une phrase entière de M. du Méril, pour faire juger de l'effet choquant que produit cette capricieuse bigarrure: «Virgile, dit-il, avait fait son Georgica et Macer son Theriaca d'après Nikander; Varron traduísait Apollonios de Rhodes, Ovide Aratos, et il prenait le sujet de ses Métamorphoses dans Nikander et dans Parthenios 12. » Pourquoi dire le

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Georgica de Virgile, quand, deux lignes plus bas, on croit pouvoir dire, comme tout le monde, les Métamorphoses d'Ovide? Pourquoi écrire Aratos, quand on vient de dire Varron? Pourquoi, dans la même note, écrire Dictys de Crète et Dictys Cretensis1, Aischyles et Ménandre 2?

M. du Méril a aussi une manière d'indiquer les citations, qui s'écarte de tous les usages philologiques. Il écrit, par exemple, «Ap. Polenus3; Scaliger ad Fastus; Van Lennep, apud Terent. Maurus 5. » Quelquefois même il mêle le latin, le grec et le français : « Servius ad Virgile....; Apud Cicéron, de republica?. » Ou bien : « Hesychius, voyez Euripides, ap. Athénée . » Trois langues dans la même ligne! Je n'insiste pas. Ce sont là des vétilles qui arrêtent et déroutent un peu le lecteur, mais qui ne doivent diminuer en rien la reconnaissance que mérite, je ne puis trop le répéter, une aussi utile et aussi intéressante publication.

MAGNIN.

ΑΝΩΝΥΜΟΥ ΣΤΑΔΙΑΣΜΟΣ, ἤτοι Περίπλους τῆς Μεγάλης Θαλάσσης. ANONYMI STADIASMUS, sive Periplus Maris Magni. Interprete nunc primum J. Fr. G. Dans le second volume des Petits Géographes de M. Gail, p. 409 et suiv.

Chargé par M. le ministre de l'instruction publique de visiter les manuscrits grecs des bibliothèques d'Espagne, mon premier soin, en arrivant à Madrid au mois de mai de l'année dernière, fut d'examiner le manuscrit d'après lequel Iriarte a publié le Stadiasmus. Tout le monde connaît l'importance de ce curieux fragment de géographie ancienne. Postérieurement à Iriarte, M. Mannert s'en était servi pour la partie septentrionale de la côte d'Afrique, M. Leake, pour la côte méridionale de l'Asie mineure, et M. Pacho, pour celle de la Cyrénaïque. M. Gail est encore le seul qui ait publié un travail véritablement critique sur le Stadiasmus; ce travail, qui se trouve dans le second volume de ses Petits Géographes, a été singulièrement amélioré par l'analyse et les observations de M. Letronne. (Journ. des Sav. février 1829, p. 14.)

« Tel qu'il est, dit ce dernier, le Stadiasme est encore un des débris les plus précieux de la géographie ancienne. Nous avons dit que le texte a 1 Poésies populaires latines, p. 35, n. 1. Ibid. p. 56, n. 4. 3 Ibid. n. 6. — Ibid. p. 12, n. 7. 45, note, col. 1, et p. 56, n. 3. p. 18, n. 4; p. 104, n. 5; p. 113, n. 1.— -'Ibid. P. 18, n. 6.— Ibid. P.

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Ibid.

P.

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p. 12,

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Ibid.

113, n. 1.

été publié par Iriarte sur un seul manuscrit, et l'on a tout lieu de croire que le savant espagnol ne l'a pas toujours bien lu. M. Gail aurait bien désiré en avoir une nouvelle collation; mais il n'était pas facile, apparemment, de se la procurer. Il s'en est tenu au texte d'Iriarte, qu'il a dû corriger ex ingenio, le plus souvent de manière à laisser peu de doute sur la certitude de ses corrections. On ne doit pas moins désirer que celui qui le publiera une troisième fois puisse se procurer la collation nouvelle dont M. Gail a été privé; car, après son travail, il y reste encore un grand nombre de passages tellement corrompus, qu'il faut désespérer de les rétablir sans un tel secours. Les mesures, principalement, sont altérées dans une multitude de passages, soit qu'Iriarte ait mal lu les chiffres, soit que les altérations existent dans le manuscrit lui-même. Le plus souvent, l'éditeur a été obligé de mettre à côté de ces nombres le mot mendose; et c'est, en effet, tout ce qu'en bonne critique il était possible de faire. »

Personne ne répondit à l'appel de M. Letronne, qui, en 1840, prit le parti de faire écrire à Madrid, afin d'obtenir la collation du manuscrit en question; il comptait en faire usage pour son édition des Fragments des poëmes géographiques de Scymnus de Chio et du faux Dicéarque. (Paris 1840, in-8°.) Il reçut effectivement cette collation, grâce à l'obligeant intermédiaire de M. le vicomte de Santarem; mais il fut si peu satisfait des résultats, qu'il se décida à réimprimer ses observations sur le Stadiasmus, publiées dans le Journal des Savants, rendant ainsi compte de cette infructueuse négociation : « M. le vicomte de Santarem a eu la bonté de demander pour moi à Madrid une collation nouvelle du manuscrit du Stadiasme. Cette collation, faite avec grand soin, sous la surveillance de M. Patino, conservateur en chef de la bibliothèque de Madrid, dissipe toutes les espérances que je fondais sur une révision de ce manuscrit. Il est malheureusement trop certain, à présent, qu'Iriarte l'avait publié avec beaucoup d'exactitude; car la collation qui m'a été transmise n'offre que six ou sept variantes, trop insignifiantes pour que je les transcrive. On ne peut donc espérer d'améliorer ce texte corrompu autrement que par des conjectures, à moins qu'on ne trouve un second

manuscrit. >>

M. Letronne a fait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer le texte de ce précieux fragment géographique, et il était assez naturel qu'il abandonnât toute espérance après cette dernière et infructueuse tentative. Je suis heureux cependant de lui annoncer que ses premiers soupçons étaient très-bien fondés, et de pouvoir mettre à sa disposition une collation à laquelle il attachait, avec raison, tant d'importance.

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