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que l'auteur semble l'affirmer. D'ailleurs, est-il bien vrai que le Targum indiqué ait eu réellement pour auteur Jonathan-ben-Uziel, qui vivait environ trente ans avant l'ère vulgaire? Il est possible que l'ouvrage ait été rédigé par un écrivain de ce nom; mais, quand on examine cette production informe, remplie de fables absurdes, et dont le style fourmille de mots étrangers, on se persuade difficilement que la composition remonte au delà de l'époque où écrivit Onkelos, l'auteur du Targum sur le Pentateuque, dont le style est si pur et si correct; on est bien plus porté à croire que nous avons sous les yeux une mauvaise production d'un âge bien plus récent. Telle est l'opinion qu'ont soutenue les plus savants critiques d'entre les chrétiens. On peut voir, entre autres, sur ce sujet, la dissertation intéressante de M. Pétermann 1; et les écrivains juifs eux-mêmes n'ont pas fait difficulté de se rendre à cet avis. M. Landau, dans la préface du Sefer-Arouk2, s'exprime, à ce sujet, de la manière la plus formelle.

L'auteur fait observer que, dans le Talmud et autres ouvrages des rabbins, les noms d'Abraham et de Jacob sont presque toujours accompagnés du mot «notre père, » et qu'il n'en est pas de même du nom d'Isaac. Il pense que cette exception s'est introduite parmi les juifs, depuis qu'ils ont appris que les chrétiens voyaient dans Isaac le type, la figure de Jésus-Christ. Peut-être cette assertion n'est-elle pas parfaitement fondée. Si les juifs désignent exclusivement Abraham et Jacob par le titre de notre père, on peut rendre raison de cet usage en pensant que le premier de ces patriarches a été, par excellence, le père de la nation juive; qu'à lui furent révélées, pour la première fois, les promesses qui concernaient ce peuple, et que Jacob fut aussi le véritable ancêtre des Israélites, puisque c'est de lui qu'ils empruntèrent leur nom. Du reste, l'auteur semble un peu contredire son assertion, lorsqu'il dit 3 que «la Synagogue a un nombre prodigieux de prières qui ont pour objet de demander l'application des mérites d'Isaac. >>

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Ailleurs M. Drach s'exprime ainsi : « Il est fort remarquable qu'en hébreu la racine est la base des deux verbes s'incarner et annoncer une bonne nouvelle. « Ceux, dit-il, qui nient l'incarnation de Notre Seigneur pour annoncer l'Évangile ne peuvent pas assigner d'analogic entre ces deux verbes. Ici on ne saurait rien mettre sur le compte de ce que, dans le monde, on appelle le hasard; car, d'après la tradition, l'hébreu est la langue que Dieu a enseignée toute formée à nos premiers parents. Les

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rabbins prouvent, par les noms propres et les substantifs de la Genèse, que c'est véritablement la langue primitive.» J'ai cité ce passage pour donner un exemple des arguments employés quelquefois par l'auteur, et qui ne me paraissent pas toujours de nature à être accueillis sans réserve par une sage critique. En effet, le verbe ne signifie pas proprement annoncer l'Évangile, mais annoncer une nouvelle quelconque. On ne saurait donc, si je ne me trompe, employer comme preuve des vérités fondamentales de notre religion le rapport purement fortuit qui existe entre le verbe ann, «s'incarner, » et le verbe , « annoncer. » Quant à l'opinion qui fait de l'hébreu la langue primitive du genre humain, ce sentiment, quoique défendu avec chaleur par de savants. critiques, ne me paraît nullement démontré; et l'opinion des rabbins, à cet égard, ne saurait rien prouver. Il est bien plus naturel de croire que l'hébreu était la langue en usage parmi les peuples du pays de Chanaan, et qui fut adoptée par Abraham et ses descendants. Mais ce n'est pas le lieu d'entrer dans une discussion sur ce sujet.

L'auteur, citant le premier verset de la Genèse, traduit : «Par le principe, Dieu créa le ciel et la terre. » Puis il ajoute: «Quel est ce principe qui ouvre l'Écriture, qui est le premier mot du volume inspiré?.... C'est le Verbe éternel.» Puis il produit, pour appuyer son assertion, des passages extraits du Zohar et d'autres ouvrages des rabbins. Mais cette explication mystique, allégorique, pourrait-elle être opposée avec succès aux adversaires de notre religion? L'âge où nous vivons exige des arguments d'un genre plus solide; et je crois qu'il faut s'en tenir à l'explication vulgaire : «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.» Je ne m'étendrai pas sur la discussion de ce passage; mais cependant je ne puis le quitter sans examiner l'interprétation que l'auteur nous donne d'un texte du Zohar. Il traduit ainsi : « Beth reschit, c'est la sagesse, ainsi que l'interprète Jonathan, nana, << par la sagesse,» parce que ce reschit est le second dans le nombre; et il est appelé reschit, «principe, » parce que la couronne céleste, toujours invisible, ne faisant pas encore nombre, le reschit est le second. » Il me semble que cette version n'est pas parfaitement exacte, et je traduis : «En effet, quoiqu'il soit le second sous le rapport du nombre, il a été nommé reschit, « principe,» attendu que la couronne sublime et cachée (Dieu même) est, à la vérité, le premier être. Mais, comme elle n'entre pas dans le calcul, le second être est devenu le principe. » Parmi les preuves que l'auteur allègue avec complaisance, et qui ne me pa

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raissent pas de nature à opérer une conviction entière, je citerai ce passage du Zohar1 qui dit « Lorsque l'esprit du Messie planera sur la face des eaux de la loi, aussitôt naîtra le salut. » Est-il nécessaire de donner à ces paroles un sens chrétien, d'y voir une allusion au baptême? Si je ne me trompe, c'est une expression allégorique, qui signifie sculement: «Lorsque l'esprit du Messie viendra vivifier, féconder la loi. »

L'auteur, voulant prouver le mystère de la sainte Trinité1, cite le texte du Deuteronome, où on lit ces mots : « Écoute Israël, Jehova notre Dieu est un seul Jehova. » Il s'attache à faire ressortir de ce passage un argument puissant en faveur de l'unité des trois personnes divines. Il ajoute, comme une chose digne de remarque, que les deux voyelles du mot hébreu 778, qui exprime l'unité, sont figurées, la première par trois points séparés, la seconde, par les mêmes points intimement unis. Il fait observer que, dans les anciens manuscrits des paraphrases chaldaïques, le nom ineffable Jehova est remplacé par trois points ou trois iod, souscrits de cette même seconde voyelle,, et quelquefois renfermés dans un cercle; Enfin il atteste que l'ancienne Syna

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gogue indiquait la divinité par la lettre schin, qui n'est autre chose que trois points ou iod unis par une ligature. Je le demande à tout homme qui lira cet ouvrage sans aucune prévention, des preuves de ce genre sont-elles de nature à convaincre ceux à qui elles s'adressent ? Dans le moyen âge, lorsque les juifs s'attachaient plus à une explication cabalistique de l'Écriture sainte qu'à l'interprétation littérale du texte, on pouvait leur opposer des arguments de ce genre, qui se trouvaient de leur goût et bien en harmonie avec leur manière de raisonner; mais dans ce siècle de critique et de scepticisme, je crains que des raisonnements de ce genre n'atteignent pas complétement le but que s'est proposé l'auteur, et que l'on ne puisse dire

Non tali auxilio.....
Tempus eget.

Avant de finir ce premier article, je prendrai la liberté de faire observer à M. Drach que, dans un passage cité par lui, et extrait du Targum de Jonathan-ben-Uziel', les mots chaldaïques

ne signifient pas moi qui étais, mais je suis celui qui suis.

(La suite à un prochain cahier.)

QUATREMÈRE.

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JOURNAL

DES SAVANTS.

JUILLET 1844.

CORRESPONDANCE mathématique et physique de quelques célèbres géomètres du XVIIIe siècle, précédée d'une notice sur les travaux de Léonard Euler, tant imprimés qu'inédits, et publiée sous les auspices de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, par P. H. Fuss, secrétaire perpétuel de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. - Saint-Pétersbourg, 1843, 2 volumes in-8°.

PREMIER ARTICLE.

Ce n'est pas seulement par l'intérêt qui s'attache à tous les travaux des hommes supérieurs, que le recueil épistolaire publié par M. Fuss sera reçu avec empressement par le public; c'est surtout parce qu'Euler et les Bernoulli ont déposé dans ces lettres une foule d'aperçus nouveaux, d'idées ingénieuses, qu'elles méritent d'être lues avec attention. Les personnes qui ont étudié le Commercium epistolicum de Leibnitz et de Jean Bernoulli savent tout le fruit qu'on peut retirer de l'étude d'une correspondance qui fait assister le lecteur au développement de quelque idée scientifique fondamentale. Si, dans ces premières ébauches, l'exposition est parfois moins claire, moins savante que dans des ouvrages plus complétement rédigés, on y trouve en revanche un mouvement, une vie, qui parfois s'éteint lorsque l'auteur a pu donner une forme plus didactique à sa composition. En général, la lecture de ces écrits, dans lesquels la science positive se trouve mêlée nécessairement aux idées philosophiques, devrait être recommandée aux jeunes savants qui dé

butent dans la carrière scientifique; ils y apprendraient l'art si essentiel de saisir chaque remarque nouvelle qui se présente à l'esprit de tout homme qui médite sur un sujet, et de généraliser ces remarques pour s'avancer peu à peu dans des régions inconnues. Lorsqu'on a eu l'occasion de recevoir les confidences des jeunes gens qui, doués d'un esprit pénétrant, et suffisamment préparés par l'étude des maîtres, paraissent propres à faire avancer la science, l'on sait que, croyant toujours voir surgir les grandes théories comme d'une pièce du cerveau des inventeurs, ils négligent les remarques simples qui s'offrent à leur esprit, et hésitent longtemps avant de croire à la possibilité de faire quelque chose de nouveau. Peut-être y aurait-il lieu à introduire, sous une forme quelconque, dans l'instruction publique, un enseignement qui consisterait à montrer aux jeunes gens comment il faut s'y prendre pour franchir cet espace qui sépare l'homme qui étudie les écrits des autres de celui qui travaille sur son propre fonds. Mais, jusqu'à ce que cet enseignement complémentaire ait pu être créé, nous croyons que la lecture attentive des essais, et, en particulier, des lettres dans lesquelles les inventeurs ont consigné leurs premiers aperçus, doit être recommandée particulièrement aux jeunes savants. L'exemple des hommes les plus éminents leur apprendra qu'on peut souvent se tromper, et qu'il ne faut pas se décourager. Ils verront que les idées nouvelles émises par les maîtres sont en fort petit nombre, et que les aperçus les plus simples, suivis avec persévérance dans leurs dernières conséquences, ont donné lieu quelquefois aux plus sublimes doctrines. Ne rien négliger, méditer longuement sur un même sujet et tenter de généraliser sans cesse les propositions déjà connues, voilà des secrets que les inventeurs ne divulguent pas dans leurs ouvrages, mais que surprendra facilement tout lecteur attentif dans leurs premiers essais et dans leurs ébauches. C'est là qu'on apprend à séparer les méthodes des théories auxquelles elles sont appliquées, et à s'en servir comme de nouveaux instruments de la pensée.

Si la correspondance publiée par M. Fuss ne contient peut-être pas autant d'idées fondamentales qu'on en rencontre dans le Commercium epistolicum, elle se recommande à l'attention des jeunes géomètres par une plus grande variété de recherches, ainsi que par une utilité plus pratique et je dirais presque plus actuelle. Leibnitz et Jean Bernoulli discutaient ordinairement dans leurs lettres les points fondamentaux de la théorie du calcul différentiel et du calcul intégral qui venaient de prendre naissance. Les progrès qui ont été faits depuis par les analystes ne laissent que bien peu de chose à faire sur des sujets qui, il y a

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