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cent cinquante ans, offraient l'attrait de la nouveauté ; tandis que la plupart des matières traitées par Euler dans ses lettres forment, encore aujourd'hui, l'objet des recherches des géomètres, qui peuvent profiter utilement des aperçus et des tentatives de ce grand mathématicien.

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L'ouvrage dont nous devons rendre compte contient trois cent cinquante-six lettres d'Euler, de Goldbach, de Jean Bernoulli, de Nicolas Bernoulli et de Daniel Bernoulli, géomètres bien connus du siècle dernier. On y trouve en tête une notice biographique sur la vie et les écrits d'Euler et une liste systématique de ses ouvrages. Fils d'une petite-fille d'Euler, M. Fuss, éditeur de ce recueil, se trouvait placé dans les meilleures conditions pour pouvoir compléter, par des souvenirs de famille, les biographies que nous possédions de cet homme célèbre; malheureusement il n'a cru devoir consacrer qu'une dizaine de pages sa Notice sur la vie et les écrits d'Euler, notice qui, pour justifier ce titre, aurait exigé de bien plus grands développements. Il est vrai que, sans parler de Condorcet, l'éloge d'Euler avait été déjà tracé par le père de M. Fuss, et inséré dans les mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg; mais un éloge académique n'est pas, on le sait, une biographie complète; et, dès que l'éditeur actuel abordait de nouveau ce sujet, il était naturel de penser qu'il le traiterait avec tous les développements nécessaires1. Au besoin, M. Fuss aurait pu recueillir, dans la correspondance même qu'il publiait, des faits importants et nouveaux qui méritaient d'être groupés dans une introduction, et qui auraient rectifié des idées généralement reçues au sujet d'Euler. Pour n'en citer qu'un seul exemple, on sait qu'Euler, dont la prodigieuse fécondité n'a jamais eu et n'aura peut-être jamais de pareille, perdit successivement les deux yeux; et que, quoique aveugle, il ne cessa de produire, par centaines, d'admirables mémoires relatifs à toutes les parties des mathématiques. Ce fait a été mentionné par les biographes, qui ont admis généralement que ce fut dans un âge avancé, et par suite des calculs immenses qu'il avait dû exécuter, qu'Euler devint aveugle. Dans une savante biographie d'Euler, rédigée par notre regrettable confrère M. Lacroix, il est dit que l'illustre académicien de Pétersbourg avait perdu la vue à cinquante-neuf ans. C'était là, en effet, l'opinion adoptée communément. Dans l'éloge lu à l'Académie de Pétersbourg, en

1 Un fait assez curieux que fait connaître M. Fuss, c'est que, peu d'années après la mort d'Euler, on ne savait déjà plus, à Pétersbourg, dans quel coin du cimetière de Smolenskoïé son corps avait été déposé. C'est le hasard seul qui a fait découvrir récemment les restes de ce grand géomètre. (Correspondance mathématique et physique, t. I, p. XLIII.)

1783, et que nous avons cité déjà, M. Fuss père dit à peine deux mots sur la cécité d'Euler, qu'il attribue à une maladie violente et à une cataracte1. Le premier volume de la correspondance récemment publiée contient une lettre d'Euler à Goldbach, qui prouve que nous ne savions ni l'époque à laquelle la vue de cet illustre géomètre avait commencé à s'affaiblir, ni la cause qui avait produit ce malheur. La lettre dont il s'agit a été écrite par Euler, lorsqu'il n'avait que trentetrois ans. Elle est en allemand et fort courte. Nous croyons pouvoir en donner ici la traduction 2:

« La géographie m'est fatale. Votre Excellence sait que j'y ai déjà perdu un œil, et, maintenant, j'ai presque couru le même danger. Ayant reçu, ce matin, un paquet de cartes géographiques pour les examiner, j'ai aussitôt éprouvé une nouvelle atteinte. Car, comme ce travail exige qu'on embrasse, d'un seul coup d'œil, un grand espace, il attaque la vue bien plus que la simple lecture ou l'écriture. C'est pour ces raisons que je supplie très-respectueusement Votre Excellence de vouloir bien, par votre puissante intervention, disposer M. le président à m'exempter, par grâce, de ce travail, qui, non-seulement me détourne de mes occupations ordinaires, mais qui pourrait facilement me mettre dans l'impossibilité de travailler. Je suis avec considération et grand respect, LÉONARD EULER. >>

21 août 1740.

Non-seulement cette lettre si résignée nous fait savoir que déjà, à l'âge de trente-trois ans, Euler avait perdu un œil et qu'il était menacé de perdre l'autre, mais elle nous le montre usant ses yeux dans un travail subalterne, indigne de lui, et n'osant même pas se plaindre. Il a perdu un œil sans réclamer et il ne demande grâce que lorsque l'autre œil menace de se fermer à jamais3! Cette lettre explique la réponse cé

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Fuss, Éloge d'Euler, Saint-Pétersbourg, 1783, in-4, p. 5o. — Correspondance mathématique et physique, t. I, p. 102. Dans son Eloge, Fuss, qui était élève d'Euler, et qui avait épousé sa belle-fille, se borne à dire, à cet égard, que « la complaisance avec laquelle il se prêtoit à toutes les commissions extraordinaires, et le zele qu'il mettoit dans leur exécution, lui en attira plusieurs, et, entre autres, l'inspection du département géographique, que le Dirigeant-Sénat lui conféra en 1740. (Fuss, Eloge d'Euler, p. 18.) On dirait que, le Dirigeant-Sénat ayant chargé Euler d'examiner les cartes géographiques, Fuss ne se souciait nullement de dire, en Russie, qu'Euler avait pu perdre un œil par suite de cette commission. Le biographe officiel aime mieux s'arrêter sur la consolation qu'a eue Euler « de voir l'aurore des beaux jours que la direction sage et éclairée de Son Excellence madame la

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lèbre que, l'année suivante, Euler, arrivé à Berlin, fit à une princesse de Prusse qui s'étonnait de sa taciturnité. Pourquoi donc, Monsieur, ne voulez-vous pas me parler, lui dit la princesse ? Parce que, répondit Euler, j'arrive d'un pays où, quand on parle, on est pendu. Nous ne doutons pas que M. Fuss ne jouisse actuellement d'une liberté qui fut refusée à son illustre devancier. Cependant nous aurions désiré que, dans le sommaire français qu'il a donné de cette lettre, si intéressante et qui peint si bien l'époque et le pays, M. Fuss ne se fût pas borné à dire sèchement, Ealer désire être dispensé des travaux de géographie.

On vient de dire que M. Fuss a donné une nouvelle liste des ouvrages publiés et inédits d'Euler. Jamais une telle liste ne fut aussi nécessaire. Outre trente-deux ouvrages séparés sur toutes les parties de la science, et dont quelques-uns se composent de plusieurs volumes in-4°, Euler a imprimé sept cent cinquante-six mémoires scientifiques qui sont disséminés dans toutes les collections académiques du continent. M. Fuss a distribué ces mémoires en différentes classes, et il a indiqué le recueil dans lequel ils ont été insérés. Comme un très-grand nombre de ces mémoires ont paru après la mort de l'auteur, il serait peut-être nécessaire, pour éclairer certaines questions de priorité, d'indiquer, à côté de l'année de la composition, l'année de la publication. Quoique plus nombreuse que celles qu'on avait publiées jusqu'ici, cette liste n'est peut-être pas encore tout à fait complète. Ainsi, par exemple, si nous sommes bien informé, il existe en Russie un traité d'Euler sur la théorie des nombres qui est encore inédit, et que nous n'avons pas rencontré dans la liste donnée par M. Fuss. Un tel ouvrage, composé par un homme auquel l'analyse indéterminée doit de si notables progrès, est bien fait pour exciter l'intérêt des géomètres et mériterait d'être publié '.

Nous réservons pour un autre article l'examen des matières traitées dans cette correspondance. Pour nous borner ici au travail du savant éditeur, nous dirons qu'il est à regretter que souvent M. Fuss, au lieu de donner la lettre entière, se soit borné à en publier un extrait. Parfois même il n'a donné que quelques lignes de lettres qui paraissent devoir être assez étendues 2. Bien qu'on doive accorder la plus grande con

princesse de Daschkaw fait renaître parmi nous. » On sait que Catherine II avait eu l'idée plaisante de nommer la princesse Daschkaw présidente de l'Académie des sciences de Pétersbourg. Dans les réticences comme dans les compliments, le biographe officiel suit toujours le même système. (Voyez Fuss, Eloge d'Euler, p. 66.) Il existe à Paris différents mémoires inédits d'Euler; un de ces mémoires se trouve à la Bibliothèque royale. Ce système de publication par extraits avait été déjà adopté par le père de M. Fuss, dans quelques notes de l'Eloge d'Euler. A la

fiance à M. Fuss, on aurait préféré avoir les lettres originales, car il ne s'agit pas autant de connaître les résultats obtenus par l'auteur que de voir la route qu'il a pu suivre, et les tentatives qu'il a pu faire. C'est pour cela surtout qu'on recherche ces correspondances scientifiques, et il est à craindre qu'on n'ait parfois, en abrégeant, caché un artifice analytique ingénieux que le lecteur aurait aimé à connaître, ou passé sous silence un fait historique intéressant. Nous regrettons aussi que, avant d'entreprendre cette publication, M. Fuss n'ait pas cherché à obtenir copie des lettres scientifiques d'Euler et de Bernoulli qui se trouvent dans différents pays. Dans le voyage qu'il a fait depuis à Paris, il a trouvé beaucoup de pièces inédites. Le rédacteur de cet article a eu l'honneur de lui confier la correspondance inédite d'Euler à Lagrange, correspondance bien plus importante que celle qui avait paru dans les deux volumes dont nous devons rendre compte. M. Fuss publiera, sans doute, un supplément à son ouvrage; mais les lettres d'Euler, ainsi dispersées dans différents volumes, ne se trouveront plus à leur place chronologique et perdront de leur intérêt. Ce défaut pourra, du reste, disparaître dans une seconde édition, et nous ne doutons pas que l'accueil que les savants feront à ce livre ne la rende bientôt nécessaire. Il conviendrait alors de réunir et de publier toute la correspondance d'Euler, sans omettre des lettres fort importantes que M. Fuss père a citées dans son Éloge, et qui ne figurent pas dans le recueil publié par son fils. La collection complète des lettres d'Euler et de celles qui lui ont été adressées par les plus illustres savants de son temps jetterait un nouveau jour sur l'histoire des mathématiques depuis le commencement du xvi° siècle jusqu'aux approches de la révolution française.

G. LIBRI.

page 49 de cet Éloge se lit une lettre écrite par Stanislas, roi de Pologne, au grand géomètre, et dans laquelle on a laissé en blanc toute la partie relative au chagrin que les événements politiques faisaient éprouver à ce prince. On a cru toujours que, indifférent à tout ce qui n'était pas relatif aux mathématiques, Euler n'avait jamais jeté les regards sur les affaires de ce monde. La lettre que nous venons de citer nous le montre vieux et aveugle, adressant avec courage, de Pétersbourg, des consolations au dernier roi de Pologne sur les malheurs de son pays. La censure russe ne permit pas à M. Fuss père de publier en entier la réponse de Stanislas. Nous espérons que M. Fuss fils pourra nous donner à la fois la lettre d'Euler et la réponse entière du roi de Pologne; car ces pièces doivent nous montrer, sous un jour nouveau et très-honorable, le caractère de ce grand géomètre.

LATINI SERMONIs vetustioris reliquiæ selectæ, recueil publié sous les auspices de M. Villemain, ministre de l'instruction publique, par A. E. Egger, professeur suppléant à la Faculté des lettres de Paris, et maître de conférences à l'École normale. Paris, imprimerie de Crapelet, librairie de L. Hachette, 1843, in-8° de XXII-428 pages.

Montrer, dans une suite de textes discrètement empruntés à ce que l'épigraphie et la littérature nous ont conservé des plus anciens monuments de la langue latine, par quels états divers elle a passé avant d'arriver à cette régularité, à cette perfection de formes des époques classiques, où disparaît la trace de sa lente et laborieuse formation, telle est l'idée de ce recueil. Elle semble si naturelle, qu'on a droit de s'étonner que, dans tant d'autres recueils consacrés à exposer, sous les aspects les plus divers, les antiquités romaines, elle ne se fût pas encore produite d'une manière spéciale, et que M. Egger, comme le témoignent le titre, la dédicace, la préface de ce volume, ait pu attribuer à M. Villemain l'honneur de l'avoir conçue, se réservant à lui-même, modestement, celui d'une exécution capable de répondre aux vues éclairées, de justifier les encouragements du ministre.

Le savoir, la sagacité critique, l'esprit judicieux, dont M. Egger avait fait preuve dans ses précédentes productions1, garantissaient de reste qu'il saurait comprendre et remplir les conditions de l'œuvre dont il se chargeait d'être le collecteur et l'éditeur. De là les mérites par lesquels elle se recommande, quant au choix, à l'ordre, à l'explication des morceaux qui la composent.

D'abord, c'est là un mérite négatif et caché, mais dont, en pareille matière surtout, il convient de tenir compte, il n'est aucun de ces morceaux dont l'authenticité soit suspecte. Ensuite, ils sont tous pris parmi ceux qui pouvaient offrir le plus d'intérêt, non-seulement pour ce qui est l'objet particulier du livre, l'histoire du mouvement et des révolutions successives de la langue latine, mais pour une autre histoire qui devait y entrer accessoirement, celle de la littérature, des mœurs, des institutions romaines. M. Egger a donné de chacun le texte le plus approuvé, sans s'interdire, c'était son droit et il en a usé avec sobriété et discernement, d'y faire lui-même, selon le besoin, les corrections né

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Voyez, dans le Journal des Savants, le cahier d'avril 1844, p. 253 et suiv.

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