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mystique, dont quelques-uns échappent un peu à mon intelligence, et d'autres se trouvent peu en harmonie avec le genre peut-être trop positif de mon esprit. Les personnes qui aiment ce genre d'explications peuvent aisément se satisfaire, en consultant les détails qu'a rassemblés ou reproduits l'auteur1.

On sait que, dans un passage de l'Exode2, Dieu,, s'adressant à Moïse et lui révélant le nom auguste de Jehova, ajoute: «Je me suis montré à Abraham, Isaac et Jacob comme Dieu tout-puissant; mais je ne me suis point fait connaître à eux sous mon nom Jehova. » Et, cependant, en plusieurs passages de la Genèse, ce dernier nom se trouve indiqué expressément, dans les apparitions de Dieu à ces patriarches, et dans les discours, les avis, les ordres, les consolations qu'il leur adresse. Suivant ce que j'ai toujours pensé, la manière la plus naturelle de résoudre cette difficulté consiste à supposer que, dans les passages de la Genèse, Moïse a parlé par anticipation et pour mieux inculquer aux juifs le nom sacré que Dieu venait de lui révéler. C'est ainsi que, dans plusieurs endroits de la Genèse, Moïse, pour désigner certaines villes, a employé, non le nom qu'elles portaient à la date de l'événement, mais celui qu'elles avaient pris plus tard, et qui était plus connu de ceux pour qui l'historien sacré écrivait.

Je ne saurais en aucune manière souscrire à l'opinion de M. Drach, qui croit3 que le nom Jehova a du rapport avec le mot, qui signifie ruine, calamité. «Il est certain, dit-il, que, lorsque le Seigneur annonce tes vengeances de sa justice, il ajoute souvent que l'on connaîtra que son nom est Jehova. Nous citerons seulement les exemples suivants : «Et les Égyptiens connaîtront que je suis Jehova, lorsque j'étendrai ma << main sur l'Égypte. » (Exod. VII, 5.) Et: « Je serai glorifié dans Pharaon <«<et dans toute son armée; et les Egyptiens connaîtront que je suis « Jehova.» (Ibid. XIV, 4.) Et: « Les Egyptiens connaîtront que je suis « Jehova, lorsque j'aurai été glorifié dans Pharaon, dans ses chariots et « dans sa cavalerie. » (Ibid. 18, 4.)

་་

Mais ces passages, si je ne me trompe, sont loin de prouver le rapprochement imaginé par l'auteur. Ces mots : « je suis Jehova,» indiquent seulement : « Je suis le Dieu unique, le Dieu tout-puissant, qui, d'un seul mot, par un seul acte de ma volonté, renverse les ennemis les plus forts, délivre le faible de l'oppression; tandis que les prétendus dieux, adorés par les peuples idolâtres, ne sont que de vaines statues qui ne peuvent rien, ni pour leur propre défense, ni pour celle

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de leurs sectateurs, ni pour repousser ou anéantir leurs ennemis. » M. Drach1, voulant défendre l'authenticité de la leçon, et empêcher qu'on n'y reconnaisse le mot 7, fait observer que ce dernier mot devrait avoir pour voyelle finale un phathah, et non pas un kametz ; que, par conséquent, c'est le mot 7, pour lequel on a adopté la manière d'écrire qui convenait au mot Jehova. Mais ce raisonnement ne me paraît pas bien concluant. Suivant toute apparence, si, en transcrivant le mot Adonai, employé pour signifier Dieu, on lui a donné pour voyelle un kametz et non pas un phathah, c'est parce qu'on a voulu dans ce cas, il ne pût être confondu avec 7, désignant mes seigneurs.

que,

ייוסף

L'auteur, parlant des noms propres, dans la composition desquels entre, en tout ou en partie, le nom ineffable de Jehova, indique celui de Joseph1; mais je ne puis partager cette opinion. Partout, dans la Genèse, le nom de ce patriarche est écrit . C'est seulement dans un passage du psaume 81 que l'on trouve la leçon ; mais celle de la Genèse me paraît la véritable. Le nom , ainsi que le texte l'indique, vient de la racine, et signifie: (Dieu) m'ajoutera (un autre fils). La manière d'écrire est, si je ne me trompe, une forme récente provenant de l'influence de la langue chaldaïque, qui était dans l'usage d'ajouter un à l'aphel des verbes, ainsi qu'on peut le voir par les nombreux exemples que présente le texte des chapitres chaldaïques de Daniel et d'Esdras. Ainsi je ne crois pas que le nom Jehova soit entré dans la composition du nom de Joseph. M. Drach, à l'appui de son opinion, cite un passage du Zohar, où l'écrivain, parlant du patriarche

זכה ליקרא בהאי עלמא וליקרא לעלמא דאתי ולא עוד : Joseph, dit M. Drach אלא דקבה אשרי שמיה בגויה דכתיב עדות ביהוסף שמו

traduit : « Non-seulement il est devenu illustre dans ce monde et dans le monde à venir, mais aussi le Très-Haut, béni soit-il, l'a décoré de son propre nom. » Cette version, à mon avis, n'est pas parfaitement exacte. Si je ne me trompe, le mot son nom, ne se rapporte pas à Dieu, mais à Joseph. L'écrivain n'aurait eu nul besoin de faire observer, à l'occasion de Joseph, que le nom de Dieu avait été placé dans le Pentateuque, puisque ce nom sacré s'y trouve un si grand nombre de fois. Je traduis donc : «Le Dieu saint et béni a fait habiter (a consigné)

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le nom de ce patriarche dans le livre de l'alliance, par ces mots : Joseph est son nom. >>

Je ne pousserai pas plus loin cette discussion. Pour me résumer en peu de mots, je dois dire que je ne puis, sur cette matière, souscrire à l'opinion de M. Drach. Je pense, avec l'abbé Valperga de Caluso, Gesenius et autres, que les voyelles ajoutées au nom n'appartiennent

pas proprement à ce mot, mais bien à celui d'Adonaï, que les juifs, dans leur lecture, ont substitué et substituent encore au nom ineffable de Dieu. C'est ainsi, comme je l'ai dit plus haut, que, partout où le motest suivi du mot, ce dernier reçoit les voyelles

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; אֱלֹהִים et se prononce Elohim

; car on sait que c'est un usage constant, adopté par les Massorètes pour le texte de la Bible: partout où un mot leur a paru suspect, ils mettent à la marge le mot qui, dans leur opinion, doit être préféré à celui du texte; ce dernier, dans ce cas, reçoit les voyelles qui appartiennent à l'autre, et c'est celui-ci que l'on fait entendre dans la prononciation.

Il est à croire que le mot avait sa prononciation particulière, que cette prononciation était parfaitement connue des prêtres, des hommes pieux et instruits; mais on n'avait pas voulu que le nom sacré de Dieu fût dans la bouche du commun des hommes, et profané par eux, ou employé pour des objets frivoles. C'est ainsi que, dans tous les temps, les juifs ont été si réservés à prononcer un des noms de Dieu hors de leurs prières, et qu'ils ont employé, au lieu de ce nom, certaines périphrases, comme le nom, pon le lieu, vin les cieux, etc.

Quelle était la prononciation du mot ? C'est ce que nous ne pouvons pas décider d'une manière certaine. Ce qu'il y a de plus probable, c'est qu'il fallait lire Jahvé ou et reconnaître ici le futur, ou plutôt le présent du verbe : de manière que ce nom signifiait il est, c'est-à-dire l'être suprême, comme le mot désignait je suis.

A la suite de la discussion sur le mot Jehova, M. Drach en a placé une assez étendue sur le dica inconnu. On sait, par le témoignage des Actes des Apôtres, que saint Paul, prêchant la foi dans la ville d'Athènes, remarqua un autel qui portait pour inscription: au dieu inconnu, et qu'il dit aux juges de l'aréopage : « Je viens vous annoncer ce Dieu que vous adorez sans le connaître, ce Dieu qui a fait le monde et tout ce qu'il renferme.» M. Drach prétend que, par ce nom le dieu inconnu, les Athéniens avaient réellement prétendu désigner le vrai Dieu, dont ils avaient eu connaissance par les relations qu'ils avaient, à différentes

époques, entretenues avec la Judée. Cette conjecture peut être ingénieuse, mais elle n'est appuyée sur aucun témoignage historique, et ne saurait, par conséquent, résoudre la question. Il est certain qu'il existait à Athènes un autel consacré à un dieu inconnu; que saint Paul se servit habilement de cette circonstance pour prêcher aux Athéniens le culte du vrai Dieu. Du reste, quel était ce dieu inconnu? C'est ce que nous ne savons pas, et que probablement nous ne saurons jamais.

M. Drach, parlant de la classe des docteurs juifs appelés gaon, au pluriel gheonim, ajoute : « C'est parmi eux, comme parmi leurs prédécesseurs, que l'on choisissait les chefs de la nation. Comme, de leur temps, les juifs étaient exilés de leur pays, on appelait ces chefs echmalotarques, terme grec qui veut dire princes de la captivité....... Is exerçaient leur autorité sous la protection et le bon plaisir des rois de Perse........ La puissance echmalotarchique finit par suite de la mort d'Ézéchias, petit-fils de David ben-Zaccai, de la race royale. Le roi de Perse l'avait fait priver de la vie vers 1005 de notre ère. » Je ferai observer, relativement à ce passage, que le chef de la nation juive portait le titre de baŋ (chef de la captivité), dont le mot echmalotarque n'est que la traduction grecque, et que les Arabes ont rendu parl. Il est peu exact de dire que ces chefs exerçaient leur autorité sous la protection et le bon plaisir des rois de Perse; car, depuis quatre siècles, la Perse n'avait plus de rois: elle était soumise, comme le reste de l'empire, au sceptre des califes arabes. Le chef de la captivité résidait dans la capitale, c'est-à-dire à Bagdad. Si le dernier magistrat juif fut mis à mort l'an 1005 de notre ère, ce ne fut pas par ordre d'un roi de Perse qui n'existait pas, mais par ordre, soit du calife abbasside, soit du sultan, de la famille de Bouiah qui, à cette époque, avait usurpé l'autorité souveraine. Quant à la date indiquée pour la mort du dernier chef de la captivité, je doute qu'elle soit parfaitement exacte; car un écrivain arabe aussi instruit que judicieux, le savant Birouni, qui écrivait quelques années plus tard, fait mention du chef de la captivité comme existant alors, et ne dit rien qui puisse faire entendre que cette charge fùt sur le point d'être abolie.

Je prendrai encore la liberté de faire observer à M. Drach que la ville de Fez n'est pas la capitale du Fezzân; que ce dernier mot désigne une contrée placée au midi de la régence de Tripoli, et qui, par conséquent, se trouve à une distance énorme de la ville de Fez.

QUATREMÈRE.

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1 P. 172, 173.

CORRESPONDANCE inédite de Malebranche et de Leibnitz.

DEUXIÈME ARTICLE 1.

Leibnitz est à la fois un disciple et un adversaire de Descartes. Sans Descartes, Leibnitz n'eût jamais été. Sans l'application de l'algèbre à la géométrie, il n'y aurait jamais eu de calcul de l'infini, et la Théodicée n'est que le couronnement des Méditations. Entre les deux écoles philosophiques qui se partagent le xvII° siècle, d'un côté l'école de Gassendi et de Locke, de l'autre celle de Descartes, c'est à cette dernière que Leibnitz appartient. Mais il y occupe une place à part, et, sans contredit, la plus éminente. Il possédait une originalité naturelle qu'il se complaisait un peu trop à mettre en lumière. Il aimait passionnément la gloire; et puis il voulait être bien avec les puissances, et toutes celles du jour, religieuses et politiques, étaient déclarées contre Descartes. Sans se mettre ouvertement dans le parti anticartésien, il n'était pas fâché de ses succès; il lui fournissait des armes 2, et, au lieu de défendre contre d'obscurs détracteurs cet illustre libérateur de la raison humaine, il avait la faiblesse de se joindre à eux pour relever les erreurs qui lui étaient échappées et les imperfections qui restaient dans sa doctrine. Il consentit à faire cause commune avec un sceptique tel que Huet, contre une philosophie à laquelle il devait les trois quarts de la sienne. Moins généreux que Bossuet, quand l'orage éclata sur le cartésianisme, il le seconda presque, ou, du moins, il ne s'y opposa point, et assista de sang

1 Voir le premier article dans ce journal, cahier de juillet 1844, p. 419 et suiv. -Voyez Fragments philosophiques, 3° édition, t. II, Correspondance de Leibnitz et de l'abbé Nicaise, p. 213, 220, 229, 267: «Si M. d'Avranches fait réimprimer un jour sa Censure de la philosophie cartésienne, je pourrais lui communiquer quelques choses curieuses pour l'augmenter..... » Voyez la réponse de Huet, p. 278 et 284. Leibnitz avait répliqué à la réponse de Régis à la Censura philosophie Cartesianæ de Huet. Il envoya cet écrit à Huet, qui naturellement en fut très-content. (Ibid. p. 319.) -On sait que Bossuet accueillit assez mal l'ouvrage de Huet, au témoignage de Huet lui-même, dans ses mémoires, Comment. de rebus ad eum pertinentibus, p. 388: Jamdiu vero erat quum se Cartesianis partibus addixerat Benignus Bossuetus.... studium certe ille suum palam dissimulabat satis caute; at privatim aliquando super nonnullis dogmatis hujus capitibus amicæ quidem, acres tamen habitæ fuerant inter nos concertationes. » Au plus fort de la persécution, il n'a jamais échappé un seul mot à Bossuet contre les principes mêmes de Descartes. Il s'est borné à repousser les conséquences que des disciples imprudents en avaient tirées. Voyez notre ouvrage des Pensées de Pascal, avant-propos, p. xxxix.

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