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inscription qu'il n'a pas bien comprise, et dont M. Böckh a donné le vrai sens1.

A tous égards, on le voit, notre inscription se trouve en harmonie tant avec l'histoire littéraire qu'avec les notions admises, par les meilleurs critiques, sur le sacerdoce d'Éleusis.

Ainsi elle concourt, avec d'autres faits, à montrer que le sacerdoce d'Éleusis s'était conservé à peu près intact au moins jusqu'à l'époque où le christianisme se fut assis sur le trône. Sainte-Croix remarque qu'il est encore fait mention d'un dadouque qui avait été xóns, charge établie par Constantin 2. Lors du tremblement de terre qui eut lieu sous Valentinien, en 372, Zosime parle de Nestorius qui exerçait les fonctions d'hierophante ; il est encore question de l'hiérophante et de la célébration des mystères, en 396, lors de l'invasion d'Athènes par Alaric; mais on peut croire, comme le remarque Corsini 5, qu'après l'édit de Théodose ils n'étaient plus célébrés que clandestine

ment.

A l'époque où vivait Nicagoras, is faisaient encore partie du culte autorisé et soutenu par l'État, car ce personnage a bien le soin de nous avertir, en rendant, grâces à l'empereur, que c'est à lui qu'il doit la faveur de visiter l'Égypte; d'où l'on doit conclure que le dadouque, pendant l'exercice de ses fonctions, ne pouvait s'absenter, sans un ordre formel du souverain; ce qui annonce que les lois relatives à ce sacerdoce étaient en pleine vigueur.

Il me reste à signaler un dernier trait. Nicagoras, en visitant les syringes, et en inscrivant sa visite, se souvient du divin Platon d'Athènes, qui, tant de siècles auparavant, les avait aussi visitées. C'est là un fait qu'il ne faut pas trop prendre à la lettre. L'époque de toutes les inscriptions grecques qu'on y a relevées, d'après les caractères paléographiques ou historiques qu'elle présente, est postérieure aux derniers temps des Lagides; et la plupart sont de temps romain. Tout annonce que, lors du célèbre voyage de Platon en Égypte, les syringes n'étaient pas ouvertes aux voyageurs; mais, comme Platon avait voyagé et séjourné en Égypte, Nicagoras a voulu introduire là le souvenir de son divin compatriote. A cette époque, la plupart des littérateurs, particulièrement ceux d'Athènes, sortaient des écoles du platonisme. L'exemple de Longin montre même qu'ils professaient à la fois la rhétorique et la

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Corp. inscr. n° 388. 1 Mystères, etc. t. I, p. 229. ' Zosim. IV, 18, 3: NeσΤόριος, ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις ἱεροφαντεῖν τεταγμένος. — 'Eunap. in Maxim. p. 52, ed Boisson. 5 Fast. Attic. t. IV, p. 197.

philosophie du maître1. En ce temps, dit Gibbon, sophiste et philosophe étaient des mots synonymes 2. Platon était considéré comme un dieu, dont on célébrait la fête (Tà λatúveia) par des banquets solennels où se réunissaient les littérateurs aussi bien que les philosophes 3. L'épithète de eros pourrait n'exprimer ici autre chose que l'admiration pour le talent du philosophe; c'est ainsi que Longin (ou l'auteur quelconque du traité du sublime), lui donne le même titre, tout en prenant la liberté de trouver plus d'un défaut dans son style; Cicéron l'appelle deus ille noster 5; il dit ailleurs audiamus Platonem, quasi quemdam deum philosophorum, ce qui rappelle le mot d'Eunapius sur Apollonius de Tyane : ἦν τι θεῶν καὶ ἀνθρώπων μέσον, «c'était un etre qui tenait le milieu entre les dieux et les hommes 7. »

Une seconde inscription, que je vais rapporter, indique que Seios, dans la pensée de Nicagoras, était autre chose qu'une hyperbole admirative, et qu'elle comportait l'idée d'une divinité réelle, bien qu'elle n'ait jamais été reconnue comme celle d'Apollonius de Tyane, à qui des villes de Grèce et d'Asie élevèrent des temples, Caracalla un heroum, Aurélien des autels 1o; dont Alexandre Sévère plaçait le portrait dans son lararium 11; dont les miracles éclatants non-seulement furent attestés par les païens 12, mais furent avoués des chrétiens eux-mêmes, qui les attribuaient à l'assistance du diable 13. Eunapius, à la fin du Ive siècle, le traite encore de dieu incarné, car sa vie, c'est le voyage d'un dieu sur la terre 14. Bien que les titres divins de Platon n'aient jamais été, il s'en faut, aussi généralement reconnus, et qu'on ne cite de lui aucun miracle, il paraît qu'on l'invoquait comme dieu, et qu'on lui adressait des prières: c'est ce que semble prouver l'inscription suivante, tracée au-dessous ou à côté de celle que je viens d'expliquer. Elle est écrite aussi à l'encre rouge, de la même main, et certainement elle émane du même personnage. Elle est ainsi conçue: ἵλεως ἡμῖν Πλάτων, καὶ ἐνταῦθα. «Que Platon nous soit propice, meme ici.» C'est précisément l'invocation qu'on trouve ailleurs adressée à Sérapis:

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'H. Vales. ad Euseb. Hist. Eccles. p. 108-109. T. IV, p. 39, no 1, éd. de Guizot. 3 Plus haut, p. 46. De sublim. XXIX; XXXII, 5. Cic. ad Attic. IV, 6. Divin. II, 12; cf. S. August. Contra Julian. Pelag. IV, 76.- Eunap. in Proam. p. 3, éd. de Boisson. Philost. Vit. Apoll. Tyan. I, 5. - ' Dio Cass. LXXVII, 18. Vopisc. in Aurel. § 24. "Lamprid. in Alexandr. c. xxvIII. Vopisc. 1. 1...llle mortuis reddidit vitam; ille multa ultra homines et fecit et dixit, etc.»- Quæst. et respons. ad orthod. inter S. Just. oppos. p. 405, A. D. Δέον ἀποδημίαν ἐς ἀνθρώπους Θεοῦ καλεῖν. Εunap. Proam. p. 3, ed. Boisson. cf. p. 138, 559.

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Ελεώς σοι ἀλυπί'. I semblerait donc que Nicagoras prenait au sérieux le titre de Seios, divin, qu'il donnait à Platon. Dans son invocation, il semble le traiter comme un dieu. L'expression xai évτaïla, ici même, est à remarquer; Nicagoras veut dire : «Que la protection de Platon, qui ne nous a jamais manqué, nous accompagne encore en ces lieux, si éloignés de notre patrie. »

Ces deux inscriptions du dadouque d'Éleusis sont donc, en réalité, deux pièces historiques qui, venant se placer au milieu d'une époque connue, non-seulement en confirment l'histoire, mais la complètent par des faits et des renseignements nouveaux.

LETRONNE.

DICTIONNAIRE français-arabe-persan et tarc, enrichi d'exemples en langue turque, avec des variantes, et de beaucoup de mots d'arts et de sciences, par le prince Alexandre Handjéri. Moscou, de l'imprimerie de l'université impériale, 1841, 3 vol. in-4°.

Le prince Alexandre Handjéri, auteur de l'ouvrage qui fait l'objet de cette notice, naquit à Constantinople, en 1760. Il appartient à une de ces nobles familles grecques établies dans cette capitale, et dont les membres, sous le gouvernement turc, ont été constamment appelés à des emplois d'une haute importance. Ses ancêtres portaient le nom de Paléologue, et avaient la prétention d'être alliés, par le sang, aux empereurs de Constantinople. Un des aïeux du prince Handjéri, étant médecin du sultan Mahomet IV, le guérit d'une maladie dangereuse. Le monarque, voulant témoigner sa reconnaissance à l'homme habile auquel il était redevable de la vie, détacha de sa ceinture un poignard enrichi de diamants et le mit à celle de son médecin, en lui disant : « Je veux que, dorénavant, en mémoire d'une si belle cure, vous portiez le nom de Handjéri. » Il faut savoir que le mot handjer, prononcé à la manière turque, représente le terme khandjar, qui appartient à la langue persane, et qui désigne un poignard. Les membres de la famille s'empressèrent d'adopter et de conserver jusqu'à nos jours un nom qui leur rappelait un souvenir extrêmement honorable.

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Alexandre Handjéri, dont le père avait rempli les fonctions de logo

1 Reines. I, n° 290; Osann. Sylloge inscript. sect. III, n° 300, p. 425.

thète, c'est-à-dire de chancelier, en Moldavie, étant destiné à jouer lui-même un rôle important dans la carrière politique ou diplomatique, reçut une éducation brillante, et apprit à fond, outre les principales langues de l'Europe, les idiomes arabe, persan et turc. Il occupa alternativement des places dans la chancellerie de la Porte, et celle de chargé d'affaires des deux principautés de Moldavie et de Valachie. Cette carrière brillante amena pour lui de nombreux dangers : trois fois il fut exilé; deux fois, il manqua perdre la vie. En 1805, il fut nommé premier drogman de la Porte, et, l'année suivante, le sultan l'appela aux hautes fonctions de hospodar de Moldavie. Mais la guerre qui s'était allumée entre la Russie et la Porte ottomane ne permit point au nouvel hospodar de pénétrer dans la principauté : il rebroussa chemin et alla rejoindre le camp turc. Au moment de la catastrophe du sultan Selim III, le prince Handjéri, ne se croyant plus en sûreté dans la position qu'il occupait, demanda la permission de se retirer à Constantinople, où il retourna en 1807.

En 1821, les Grecs ayant pris les armes pour conquérir leur indépendance, les nobles familles grecques de Constantinople se trouvèrent compromises et exposées aux plus grands périls. Alexandre Handjéri, informé qu'on allait l'arrêter, s'échappa avec sa famille, trouva un asile auprès de l'ambassadeur de Russie; de là il se retira à Moscou, où S. M. l'empereur de Russie l'accueillit de la manière la plus distinguée, et lui conféra le rang de conseiller d'État.

Le prince Handjéri, se voyant, au sein d'une retraite si honorable, à l'abri des périls dont avait été semée sa carrière politique, s'occupa, avec une ardeur infatigable, à continuer le grand dictionnaire françaisarabe-persan-turc qu'il avait commencé en 1806, à la recommandation du général Guilleminot. Malgré l'âge avancé de l'auteur, l'ouvrage fut achevé dans l'espace de quelques années. L'empereur de Russie, en ayant accepté la dédicace, ordonna que le livre serait imprimé aux frais de l'État, et décora le prince du grand cordon de l'ordre de Sainte-Anne. Le Grand Seigneur souscrivit pour deux cents exemplaires.

Un pareil ouvrage, entrepris par un homme profondément versé dans la connaissance des langues de l'Orient, qui, revêtu d'emplois importants, de fonctions politiques et diplomatiques, a dû pénétrer toutes les finesses de l'idiome turc, s'en approprier toutes les richesses, ne peut manquer d'offrir, au plus haut point, un mérite éminent. Le lecteur peut être certain d'avance d'y trouver un guide habile qui le conduira, d'une main sûre, à l'intelligence des monuments de la langue turque, et lui rendra facile l'usage de cet idiome, dont l'importance va toujours

croissant, et dont la connaissance est réclamée impérieusement par la littérature, et surtout par la politique. C'est dans la longue expérience des affaires, c'est dans l'étude approfondie des monuments littéraires des Orientaux, que le prince Handjéri a, en grande partie, puisé les matériaux de son ouvrage.

Toutefois cette réflexion ne doit pas rendre injuste à l'égard des écrivains qui ont, avant le prince, entrepris des travaux d'un genre analogue. Certes, le lexique arabe de Golius, le lexique persan de Castel, le dictionnaire turc de Meninski, sont des ouvrages d'un mérite prodigieux, et qui doivent assurer à leurs auteurs une reconnaissance et une admiration éternelles. Quand on se représente les difficultés contre lesquelles ont eu à lutter ces hommes laborieux, obligés de travailler sur des langues inconnues, de parcourir des routes non frayées, sans aucun secours qui pût assurer ou faciliter leur marche, de se former à eux-mêmes des dictionnaires pour lesquels ils n'avaient point de modèle; quand on pense que, malgré ces obstacles, en apparence invincibles, ils ont réussi à créer des lexiques d'une vaste étendue, qui offrent encore aujourd'hui, pour nous, un secours précieux, indispensable, on reste confondu d'étonnement, et l'on ne peut apprécier trop haut ce qu'a pu produire un travail opiniâtre réuni à la plus rare sagacité. Mais Golius, Giggéi, Castel, Meninski, en rédigeant leurs vastes compilations, ont eu principalement en vue de faciliter aux peuples de l'Europe l'étude des monuments de la littérature des Arabes, des Persans, des Turcs; ils s'étaient moins occupés d'apprendre à parler et à écrire dans les idiomes des différentes nations de l'Orient. Golius avait, il est vrai, placé à la fin de son lexique un index latin qui renvoyait aux pages du dictionnaire, et présentait, en quelque manière, un lexique latin-arabe. Meninski avait terminé son grand travail par un volume intitulé Onomasticon, où tous les termes latins employés dans le corps de l'ouvrage se trouvent reproduits et expliqués en turc; malheureusement, cette partie si essentielle de l'ouvrage, et que l'on aurait pu facilement compléter et améliorer, n'a pas été reproduite dans la seconde édition du lexique de Meninski. Richardson a joint à son dictionnaire persan - anglais un second volume qui forme un dictionnaire anglais-persan. MM. Elious Boktor, Caussin de Perceval, Marcel, ont rédigé des lexiques où les mots français sont expliqués en arabe; MM. Bianchi, Rhazis, etc., ont fait, pour la langue turque, un travail d'un genre analogue: ces estimables ouvrages, plus ou moins étendus, plus ou moins complets, offraient donc un secours précieux et indispensable à ceux qui voulaient étudier les principaux idiomes de l'Orient, ainsi qu'aux Orientaux, qui, n'étant plus, comme autrefois,

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