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JOURNAL

DES SAVANTS.

OCTOBRE 1844.

THE WAR IN CHINA..... ou Récit de l'expédition anglaise en Chine, depuis son origine, en avril 1840, jusqu'au traité de paix, conclu en août 1842, par Duncan Mc Pherson, docteur médecin dans l'armée de Madras, attaché au service de sa hautesse le Niram, et depuis à celui du 37 régiment de grenadiers, en Chine. Troisième édition. Londres, 1843, 1 vol. in-8°.

De nos jours, où le temps marche si vite, l'attaque de la Chine par les Anglais est déjà un vieil événement. Le début de ce drame avait excité, au plus haut degré, l'attention, la curiosité de l'Europe. On croyait voir bientôt s'abaisser les barrières que les mœurs, les croyances, le langage, et la constance d'une politique séculaire, avaient élevées avec tant de force autour de ce vaste empire, pour le défendre de toute communication avec le reste du monde. Ce devait être, en effet, un grand phénomène historique, et un curieux spectacle à contempler, que l'ouverture soudaine de rapports sociaux avec une moitié presque du genre humain, jusqu'alors étrangère et inaccessible à l'autre moitié. Mais la péripétie a été tout autre que ne l'avaient espéré les spectateurs. Une paix, ou plutôt un répit, acheté à prix d'or, a suspendu l'envahissement du grand empire. La politique prudente des vainqueurs s'est momentanément bornée à s'établir sur ses rivages, pour le soumettre à une sorte de blocus commercial; et les communications ultérieures ont été enveloppées d'un secret silencieux. Les journaux de l'Inde, plus à portée que nous de connaître ce qui se passe dans ces contrées

lointaines, ne donnent maintenant, sur les affaires de la Chine, que des détails insignifiants; et la généralité de l'Europe s'en trouve aussi séparée que jamais.

Dans cette privation de nouveaux renseignements, nous n'aurions pas songé à entretenir nos lecteurs de faits accomplis, qui auraient seulement ramené sous leurs yeux des détails déjà connus, dont la nature était d'ailleurs étrangère au but purement littéraire et scientifique de notre journal. Mais, en voyant annoncer un ouvrage où les circonstances de cette expédition, reproduisant celle de Cortez contre les Mexicains, avaient été décrites par un témoin oculaire, que sa profession pouvait mettre en état de l'apprécier sous un point de vue philosophique; en lisant, sur l'annonce, que ce récit avait obtenu, en Angleterre, les honneurs de trois éditions, qui se sont rapidement succédé, nous avons espéré y trouver le sujet d'une analyse susceptible de quelque intérêt. C'est ainsi qu'en 1838, lorsque les spéculations du commerce anglais purent se porter librement vers la Chine, par l'expiration du privilége de la compagnie des Indes, un autre médecin, sous le nom, vrai ou supposé, de Toogood Downing, publia, comme préparation à ces nouveaux rapports, l'ouvrage très-amusant, intitulé Fan-Qui in China, Les diables étrangers en Chine, où il décrit fort spirituellement l'extérieur des mœurs et des usages de la Chine moderne, tels qu'on pouvait les juger alors, à travers les barrières des factoreries de Macao et de Canton,

par les occasions de contact commercial, en s'aidant des documents généraux déjà connus. C'était une fort agréable addition à l'ouvrage plus sérieux, publié deux ans auparavant, sur ce même sujet, par M. J Davis, attaché au service du gouvernement anglais en Chine pendant vingt années. Pour ce qui concerne la dernière guerre, nous avons eu seulement l'occasion de lire avec intérêt un très-petit volume, intitulé Leaves from a soldiers book, Notes d'un soldat, par lord Jocelyn, qui avait été le secrétaire militaire de l'expédition, pendant les six premiers mois; et nous avons dû regretter que l'influence du climat ait empêché trop tôt cet aimable écrivain de compléter les impressions qu'il a exprimées avec tant de naturel et des sentiments si honorables. Le titre plus général du docteur Mc Pherson, The war in China, quoiqu'un peu fier pour un médecin, nous avait semblé promettre quelque exposé de ce genre, où les particularités de l'expédition militaire auraient été envisagées sous un point de vue philosophique et moral, qui devait assurément offrir, à un esprit observateur, des aperçus bien dignes d'intérêt. Malheureusement pour les acheteurs des trois éditions, ce n'est qu'une compilation vulgaire d'accidents connus, qu'on

peut trouver dans les gazettes de l'armée, ou dans la foule des brochures anglaises qui s'impriment à Macao.

D'abord, soit dit à la louange ou à la critique du docteur, il commence par présenter, sur les Chinois, des remarques pareilles à celles que fait Herodote sur les Égyptiens. On sait que ce père de l'histoire, visitant l'Égypte à une époque où elle était presque inconnue des Grecs, rassemble les principaux traits de mœurs et de coutumes qui font contraster ses habitants avec ceux des autres pays. Mais ce mode de comparaison, qui avait une grâce naïve, étant appliqué à des circonstances alors si étranges, n'est plus que puéril quand on le transporte à des particularités déjà connues, et qui ne sont que les conséquences ordinaires d'un autre langage, ou d'un autre état social. Voici ce détail des bizarreries chinoises, dans lequel je prendrai la liberté de m'introduire parfois comme interlocuteur. «Un coup d'œil sur les moindres traits du caractère des Chinois suffira, dit notre docteur, pour convaincre tout le monde qu'ils forment une race jetée dans un moule différent de toutes les autres nations. Par exemple, dans un trajet de mer, le pilote chinois vous dira que tel port gît à l'ouest-nord (au lieu de nord-ouest); que le vent souffle de l'est-sud (au lieu de sud-est); et, en décrivant l'usage du compas, il dira que l'aiguille pointe au sud (au lieu de la définir par le bout qui pointe au nord). » Ne voilà-t-il pas des dissemblances bien caractéristiques! «Puis, ajoute-t-il, en littérature, le moon-shee, c'est-à-dire l'interprète, vous lit d'abord la date de la publication du livre, par exemple, cinquième année, dixième mois, cinquième jour. Il commence par ce que nous appellerions la fin de l'ouvrage. Il lit les caractères du haut vers le bas. Le titre se trouve sur la tranche du livre. Les notes, que nous placerions en marge, sont en haut des pages; et souvent une grande ligne, placée au milieu de chaque feuillet, sépare deux ouvrages contenus dans le même volume. » (Ceci se fait quelquefois, mais seulement dans la littérature courante.) « Dans les détails habituels de la vie, ils portent le deuil en blanc; et, aux mariages, on n'entend que cris et que pleurs. » Le docteur aurait bien dû dire où il a pris ce dernier trait; car M. Davis et les autres voyageurs modernes rapportent précisément le contraire. « Enfin, ajoute-t-il, pour compléter ces distinctions entre les idées des Chinois et les nôtres, les plus savants d'entre eux admettent que le siége de la vie humaine est dans le ventre. » Je ne sais si le docteur anglais pourrait dire beaucoup plus précisément où il faut le placer. Mais je remarquerai à sa décharge, que tout cet ensemble de judicieux contrastes, sauf le trait relatif aux mariages, se trouvait déjà rapporté, presque mot pour mot, six ans

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auparavant, dans le premier volume de M. Davis, page 307, comme tiré d'un opuscule imprimé à Macao, dont il a, dit-il, supprimé seulement quelques bouffonneries. Je laisse au docteur le soin de se débattre entre le compliment et le plagiat. Au reste, il établit bien son caractère d'observateur impartial, dès la quatrième page de son livre. « Les Chinois, dit-il, dans les rapports publics, sont hautains, cruels, hypocrites. Ils méprisent les autres nations, et se croient eux-mêmes sans défaut. » Ceci est la traduction presque littérale d'une phrase de Rousseau, que le docteur a prise pour épigraphe. Ajoutez, avec lui, « qu'ils mangent des petits chiens, des rats, des souris et des grenouilles. » Les voilà bien philosophiquement définis !

Mais passons au sujet spécial de l'ouvrage. Presque tout le monde en Europe avait pu croire que le véritable motif de l'expédition anglaise en Chine avait été la nécessité de maintenir l'importation de l'opium, et le besoin d'ouvrir de nouveaux débouchés au commerce anglais. Notre auteur rejette bien loin ces suppositions. «Il fallait, dit-il, venger l'Angleterre des agressions commises par les Chinois contre la propriété des négociants anglais et contre les plénipotentiaires de sa majesté la reine. Une ère nouvelle va s'ouvrir dans l'histoire morale des nations. L'Angleterre, l'infatigable Angleterre, a étendu son bras pour lever le voile qui cachait le théâtre de scènes, jusqu'ici secrètes, excepté pour les acteurs, Tous les autres fils de la civilisation sont là, attendant, avec anxiété, le résultat de sa hardiesse. Les spectateurs profiteront de la lutte; qu'ils se gardent d'y interférer. Des enfants ne se hasarderont pas dans une maison hantée par des revenants, dussentils y trouver des choses qui leur plaisent; mais combien se réuniront en foule, pour contempler l'homme audacieux qui osera s'aventurer dans son enceinte redoutable et briser le charme qui l'enveloppait! >> Ailleurs, chapitre xxi, le docteur repousse de nouveau l'idée que le commerce de l'opium ait été la cause déterminante, ou même principale, de la guerre. « Il y est bien, dit-il, entré pour quelque chose, mais l'arrogance et l'insolence des mandarins a tout provoqué. »

Il ne m'appartient pas de discuter une question politique, décidée par des assertions si formelles et si pompeuses; seulement, par principe de fidélité critique, je me permettrai de rapporter ici une simple et modeste déclaration de lord Jocelyn, qui exprime une opinion toute contraire. «Le commerce de l'opium, dit-il, quelque odieux qu'il soit aux yeux du grand nombre, est la source d'un bénéfice considérable pour le gouvernement de l'Inde. Il donne, selon ce que j'ai appris, un revenu annuel supérieur à deux millions et demi sterling (soixante-deux

millions et demi de francs). Ceux qui en réclament si vivement la suppression auraient donc à indiquer le moyen d'obtenir l'équivalent d'une si grande diminution dans les finances du gouvernement de l'Inde, dont le revenu est déjà inférieur aux dépenses. C'est la coutume de notre temps de donner à toute chose la couleur d'un parti; et, malheureusement pour les vrais intérêts de l'Angleterre, le commerce de l'opium est un des plus puissants leviers d'opposition. Mais on doit ardemment souhaiter que, dans les mesures qui pourront être prises à ce sujet, le gouvernement, qu'il soit whig, conservateur, ou radical, examine la question sous ses différents aspects, de peur qu'en essayant de déraciner ce qui semble être un grand mal, il ne reconnaisse trop tard qu'il a blessé au cœur le système commercial. Entreprendre d'anéantir le commerce de l'opium, ce ne serait pas seulement porter atteinte aux intérêts de la compagnie; une pareille mesure réagirait sur les princes indiens qui tirent presque tous leur revenu de la culture du pavot, et qui deviendraient autant de pauvres, si ce commerce était supprimé. Alors la question est de savoir si le moment est bien choisi pour faire surgir de nouveaux sujets de mécontentement parmi les naturels de l'Inde, et pour y créer de nouveaux ennemis au gouvernement anglais. (Pages 142-144.) Et, un peu plus loin (page 147), lord Jocelyn ajoute: Une guerre (sans doute une guerre durable) avec la Chine devrait être une source de regrets. Le pays n'y est pas préparé; et il n'est pas digne d'un ennemi anglais, étant ouvert de tous côtés à une attaque, par sa position et sa faiblesse. Toute puissance qui l'attaquerait doit craindre d'être conduite à une suite terrible d'actes de violence, de pillage, et d'effusion de sang humain. A l'égard des Chinois, l'immense supériorité du nombre empêcherait l'occupation permanente des villes situées sur la terre ferme; et leur ennemi serait bientôt forcé de chercher à s'indemniser de ses frais de guerre par des mesures plus promptes comme plus décisives. » Voilà des paroles sages, libres et sincères. On est heureux de trouver dans l'ouvrage de lord Jocelyn plusieurs actes de modération dans la force, qui y correspondent, et qui honorent le caractère anglais.

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Le reste de l'ouvrage du docteur Mc Pherson n'offre rien qui soit de notre ressort. C'est une narration assez rapide des actes militaires, entremêlée d'incidents particuliers dont les détails étaient déjà connus. Dans le peu de rapports qui se sont établis entre les Européens et les naturels, il n'y a de curieux que la manière dont l'auteur traduit les mœurs chinoises en énoncés anglais. Par exemple, en parlant de la ville de Chang-hai, que les Anglais avaient occupée un moment : «< Chang-hai

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