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rien peut-il maintenant renfermer contradiction par quelque autre raison que parce que cela répugne à la nature, et peut-on dire que cela répugne à la nature, que parce que cela choque la souveraine raison qui a tousjours esté la même de toute éternité? Car enfin ce n'est point à cause que nous ne concevons pas une chose possible, qu'elle est impossible en effet, mais c'est plustot à cause qu'elle est impossible en elle-même que nous la concevons telle; de manière que, si c'est une de nos notions communes, comme la doctrine de M. Descartes semble l'insinuer, que tous les espaces imaginables devront estre remplis, nous devons croire, puisque nos notions, quand elles sont claires et distinctes, sont tousjours fondées sur des vérités éternelles, que cela est ainsi; car d'où aurions-nous pris ces lumières, si la vérité même des choses ne nous les avoit inspirées? Ce ne peut être la volonté de Dieu qui nous les auroit apprises puisqu'il ne paroist pas qu'il nous l'ait révélé nulle part, et que nous ne croyons pas ces choses comme des articles de foy, mais seulement comme des vérités naturelles qui frappent et convainquent nostre esprit.

<«< Ainsi, de quelque costé qu'il se tourne, il dit qu'il trouve des précipices partout.

« Toutes fois, à cause qu'en un million de rencontres nous avons esprouvé la foiblesse de nostre raison, et que d'ailleurs nous connoissons manifestement que Dieu peut faire beaucoup plus de choses que nous n'en saurions concevoir, nous avons sujet de croire que la limitation du monde est une de ces choses-là, puisque son estendue infinie ou indéfinie de M. Descartes choque, du moins par des conséquences assez claires, des vérités qui nous ont été révélées, lesquelles nous devons tenir incomparablement plus certaines que tout ce que nostre raison nous peut découvrir. »

(La suite au prochain cahier.)

V. COUSIN.

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MANNERS AND CUSTOMS OF THE ANCIENT EGYPTIANS, etc., Mœurs et usages des anciens Egyptiens, contenant leur vie privée, leur gouvernement, leurs lois, arts, manufactures, religions et histoires; d'après les peintures, les sculptures et monuments qui existent encore, comparés aux récits des anciens auteurs, par sir Gardner Wilkinson. London, John Murray, 5 vol. in-8°.

CINQUIÈME ARTICLE 1.

Les détails relatifs à toutes les branches de l'industrie égyptienne terminent le troisième volume de cet ouvrage. C'est une des parties les plus instructives de l'ouvrage, celle, du moins, que le savant auteur a traitée avec le plus d'attention. Il a réuni dans le chapitre Ix, consacré à cette partie intéressante, une multitude de notions variées et neuves. Dès l'époque la plus reculée, les Égyptiens ont été en possession d'une industrie très-perfectionnée, qui s'est conservée jusque dans les derniers temps de leur monarchie; et tout annonce que, sous les Perses et même sous les Grecs, leurs procédés industriels n'avaient subi aucune altération. Au temps de Ptolémée Philadelphe, ils surent transporter de Syène à Alexandrie, et dresser une place de cette ville, un obélisque plus grand qu'aucun de cr qui existent à Carnak. Le sarcophage d'Amyrtée, en brèche verte, matière des plus dures, orné d'une infinité de sculptures d'une pureté et d'une finesse incomparables, montre que, vers 400 avant J.-C., les Égyptiens n'avaient rien perdu de leur patience ni de leur talent à travailler les matériaux les plus rebelles.

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Sir Gardner Wilkinson passe en revue les différentes branches de l'industrie égyptienne, en commençant par le verre, la porcelaine et les pierres fausses.

Une de leurs plus remarquables inventions, qu'ils possédaient au moins dès le temps d'Osortasen I (2100 ans avant notre ère), est l'art de souffler le verre. Ce procédé est représenté dans les grottes de BéniHassan, qui ont été sculptées sous ce roi, et des bouteilles de verre coloré, portant un nom de roi qui florissait vers 1900, ont été trouvées à Thèbes. La pesanteur spécifique de ce verre est précisément celle du verre ordinaire ou crown glass, que l'on fabrique dans nos verreries. D'autres objets de ce genre sont fréquemment trouvés dans des tombeaux d'une

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Voir les cahiers d'avril, juin, juillet et septembre 1844.

antiquité très-reculée, quoiqu'on ne puisse pas en fixer la date. Des vases de verre ont été employés pour contenir le vin, à une époque beaucoup plus ancienne que celle de l'Exode. Déjà Goguet, de Pauw et d'autres antiquaires ont présumé que les énormes émeraudes mentionnées par les anciens auteurs devaient être des imitations en pâtes de verre. Telle était la statue de Sérapis, de neuf coudées de haut, etc. Cette conjecture, dit l'auteur, est rendue plausible par le fait, découvert dans ces derniers temps, que les plus célèbres joyaux conservés dans les églises chrétiennes sont fréquemment formés de verre coloré1; mais elle est pleinement confirmée par divers échantillons récemment découverts dans les ruines de Thèbes, appartenant au temps de la xvin' dynastie. On y trouve des imitations très-adroites de beaucoup de pierres précieuses, telles que l'émeraude et l'améthiste. Selon M. Wilkinson, les Égyptiens couvraient quelquefois un sarcophage en granit d'un enduit en matière vitrifiée, ordinairement d'une belle couleur verte, qui faisait valoir, par sa transparence, les légendes hiéroglyphiques gravées sur la pierre même; ils appliquaient ce procédé à beaucoup de figures en poterie ou en pierre, trouvées dans les tombes.

Comme les Romains, ils employaient le verre pour ouvrages en mosaïque; des pièces de diverses couleurs étaient employées pour des ornements dans les figures de divinités, les emblèmes sacrés. Dans quelques-unes de ces compositions vitrifiées, les couleurs ont un brillant extraordinaire; les bleus, qui proviennent du cuivre, sont d'une grande vivacité, et un des rouges, probablement tiré du minium, a toute l'intensité du rosso antico, avec tout le brillant de la matière vitrifiée qu'il colore, réunissant ainsi les qualités d'un riche émail.

Un grand nombre de coupes trouvées à Thèbes présentent un arrangement plein de goût de couleurs variées, et montrent un grand art dans la fabrique de la porcelaine; et l'on ne peut examiner de semblables spécimens sans être convaincu de la grande expérience que les Égyptiens avaient acquise dans cette branche de l'art.

La porcelaine égyptienne pourrait être appelée verre porcelaine, comme participant aux deux substances. Le fond est généralement d'une qualité homogène et de même couleur, bleue ou verte, traversée en plusieurs directions par des lignes ou traits d'autres couleurs, rouge, blanche, jaune, bleu clair ou foncé, verte, ou toute autre, que l'artiste voulait introduire; elles ne sont pas toujours bornées à la surface, mais

1 Tel est le Sucro Catino de Gênes, que Guyton de Morvaux découvrit être du yerre, d'après les soufflures qu'il y remarqua.

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pénètrent fréquemment à l'intérieur, jusqu'à la moitié de l'épaisseur, et quelquefois tout au travers. Sous ce rapport, elle diffère de la porcelaine chinoise, où les fleurs et autres ornements sont toujours appliqués à la surface. En quelques exemples, les jaunes étaient appliqués pardessus les autres couleurs; puis les vases étaient remis au feu; ensuite on ajoutait les anses, le bord et la base.

Que les Égyptiens possédassent de grandes connaissances en chimie et sussent employer les oxydes métalliques, cela se prouve par la nature des couleurs qu'ils appliquaient sur le verre et la porcelaine. Ils n'ignoraient pas non plus l'action des acides sur les couleurs.

Ils connaissaient l'art de graver le verre et les pierres précieuses. Quel moyen employaient-ils? était-ce au moyen de la poudre de diamant? on l'ignore. On ne sait pas davantage par quels procédés ils taillaient les pierres les plus dures, et gravaient dessus des hiéroglyphes avec tant de finesse et de précision. M. Wilkinson pense qu'ils avaient les poudres d'émeril, l'usage du touret et de la roue du lapidaire. Pour le touret, il semble qu'on doive le reconnaître dans ce signe, qui est fréquemment employé comme le déterminatif du verbe graver ou sculpter.

L'auteur croit à l'origine chinoise de certains vases de porcelaine trouvés dans les tombeaux de Thèbes, dont l'un est de la dix-huitième dynastie. Il donne la figure de quatre de ces vases avec inscriptions chinoises, que M. Davis se flatte d'avoir lues. Nous savons que d'autres sinologues doutent de cette origine. Le fait mériterait d'être éclairci par une discussion contradictoire. Sans doute, rien n'empêche que de si petits objets pussent être apportés de proche en proche par le commerce: il n'est pas même nécessaire, pour cela, de supposer une communication directe entre les deux pays. Le fait n'a donc rien d'impossible, mais il paraît peu vraisemblable. Comment se ferait-il que le commerce n'eût apporté que ces vases, et que d'autres objets, non moins faciles à transporter, le thé, la soie, ne les eussent pas accompagnés. Cependant, si les inscriptions sont réellement chinoises, il faudra bien accepter le fait. Tout est là.

Notre auteur traite aussi la question si obscure des vases murrhins. Il est fort porté à admettre l'opinion de Rozière, que leur matière était le spath fluor, substance qui, en effet, répond le mieux aux traits de la description de Pline.

Après cet article si curieux, dont nous avons réuni quelques traits, l'auteur passe à la fabrication des étoffes de laine, de coton et de lin. Déjà plusieurs savants avaient pensé que le byssus, dont les anciens

parlent tant, était le lin et non le coton, selon l'opinion commune. La question a été décidée, depuis peu d'années, par le docteur Ure, par MM. Bauer et Thompson, au moyen d'observations microscopiques. Il est à présent certain que les enveloppes de momies, qu'Hérodote dit être de byssus (II, 86), sont en étoffes de lin1. L'auteur donne de curieux détails sur l'art du tisserand en Égypte et sur le mode de fabrication de plusieurs pièces de toiles peintes trouvées dans les tombeaux; sur la teinture, la préparation du chanvre, la fabrication des cordages,

etc.

Les divers modes de préparer le papyrus sont ensuite décrits par le docte archéologue. On sait que le papyrus (cyperus papyrus) croissait principalement dans les terrains marécageux du Delta. Le gouvernement se réservait le monopole de cette culture, dont il tirait un profit considérable, vu l'immense consommation qui se faisait de cette plante pour les nombreux usages auxquels on l'employait; car on s'en servait pour faire des canots, des barques, des paniers, des semelles de sandales, et une multitude d'autres choses. Quant au papier qu'on en fabriquait, il était de différentes qualités, selon la partie de la tige d'où il était tiré. En général, il est fragile, difficile à dérouler, à moins qu'on ne l'expose graduellement à l'humidité ou à la vapeur; quelquefois il est si cassant, qu'on dirait qu'il a été desséché par des moyens artificiels. Notre expérience particulière nous a montré qu'en général les papyrus de Memphis sont plus flexibles que ceux de Thèbes; ce qui doit tenir à un mode différent de préparation.

Sir Gardner remarque que l'emploi du papier en Égypte remonte aux époques pharaoniques les plus reculées. Des sculptures égyptiennes montrent qu'on écrivait sur cette substance dès le temps de Suphis ou Cheops, le fondateur de la grande pyramide. Un voyageur français, M. Prisse, vient de rapporter d'Égypte un papyrus hiératique, qui remonte à cette époque reculée, d'après les noms propres qu'on y lit. C'est le plus ancien manuscrit connu dans le monde.

Nous regrettons de ne pouvoir entrer dans quelques détails sur les autres branches de l'industrie égyptienne exposées dans le reste du troisième volume de cet ouvrage, dont la lecture, toujours instructive, serait plus attachante, si l'auteur en avait mieux disposé le plan et classé plus méthodiquement les précieux matériaux.

Depuis la publication des trois premiers volumes, l'auteur a fait paraître une seconde série, composée de deux volumes, où il traite de

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1 Voyez mon Recueil des inscriptions grecques de l'Égypte, t. I, p. 282.

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